Site non disponible sur ce navigateur

Afin de bénéficier d'une expérience optimale nous vous invitons à consulter le site sur Chrome, Edge, Safari ou Mozilla Firefox.

Retour à la liste des contenus

Articles

Temps de lecture : 3 min

20/07/2022

Congrès de la Confédération des Vins IGP de France : quelles pistes de durabilité viti-vinicoles ?

Le 7 juillet 2022, Agridées a été invité à présenter les travaux du think tank sur l’agriculture bas carbone dans la table ronde intitulée « Les IGP viticoles et la durabilité » lors du congrès de la confédération des vins IGP de France.  Cet événement a réuni une centaine de personnes à Vogüé (Ardèche).

Comment rendre la production viticole plus durable ? Depuis quelques années les filières viticoles se sont attachées à adapter leurs pratiques aux exigences réglementaires et aux demandes des consommateurs vers « moins de chimie ». Aujourd’hui, cette profession, particulièrement sensible aux aléas climatiques, est en réflexion pour mieux s’adapter à la fois aux demandes des consommateurs (attachement aux signes de qualité, goût pour des produits moins alcoolisés) et au changement climatique (vagues de chaleurs, épisodes de grêle et de gel en particulier). Les choix de changement de pratiques et techniques viticoles et vinicoles pour répondre à ces enjeux ne sont pas simples pour les nombreux producteurs de ce secteur, souvent composé de petits exploitants.

L’objet de la table ronde était donc de les éclairer sur différentes pistes de durabilité avec les témoignages de six intervenants : Stéphanie PELET, Avocate au sein du Cabinet Alinéa à Bruxelles ; Hubert DUBIEN, Président du Conseil national des appellations d’origine laitières (CNAOL) ; Marcel KUNTZ, spécialiste des biotechnologies et Directeur de recherche au CNRS ; Irène TOLLERET, Députée européenne au groupe Renew Europe ; Sylvain GRAS, Directeur de l’Institut Coopératif du Vin (ICV) Ardèche ; et Marie-Cécile DAMAVE, Responsable innovations et affaires internationales, Agridées.

La première piste évoquée fut la réforme du cadre européen des Indications Géographiques pour les boissons alcoolisées et les produits agricoles. La Commission européenne a en effet adopté une proposition en mars 2022 qui encourage les producteurs à intégrer des engagements de durabilité dans les cahiers des charges, conformément à la Stratégie Farm to Fork. Les travaux sont en cours au Conseil et au Parlement européen. Plus largement, le terme « durabilité » est présent dans toutes les politiques européennes, en particulier dans le cadre du Pacte Vert européen depuis 2019 qui vise la neutralité climatique en 2050.

En second lieu, le focus a été fait sur la définition et la mise en œuvre de l’agriculture bas carbone. Selon la Commission européenne, le « carbon farming » doit être conçu comme un nouveau modèle économique pour les agriculteurs, comme le mentionne la stratégie sur les cycles de carbone durables publiée en décembre 2021. Celle-ci a été adoptée par le Conseil de l’UE en avril 2022, sous Présidence française. Le Parlement européen travaille actuellement à une résolution portant sur cette communication et un cadre de certification européen est annoncé pour fin 2022. Actuellement la complexité, la diversité et le coût des méthodes permettant d’améliorer le bilan carbone des exploitations agricoles freinent le déploiement de ces pratiques et diminuent donc le potentiel d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre de nos secteurs. Trois niveaux de financement de cette transition sont nécessaires pour l’accélérer : aides publiques, ventes de crédits carbone et primes filières, par exemple dans le cadre de l’agriculture régénératrice. Tel était le sens de l’intervention d’Agridées, reprenant les travaux de la note de think tank « Agriculture : concilier rentabilité économique et action climatique » et de la conférence d’Assemblée générale : « Agriculture régénératrice : concept marketing ou changement de paradigme ? »

La troisième piste mentionnée a été le levier de la sélection génétique, en particulier avec les techniques les plus modernes de sélection (dites NGT pour « New Genomic Techniques ») pour aider la production viticole à s’adapter aux dérèglements climatiques. La Commission européenne cherche à sortir de l’impasse des OGM en préparant un nouveau cadre réglementaire adapté aux NGT. En effet, depuis que la Cour de Justice européenne a statué en 2018 que les organismes issus de la mutagénèse dirigée étaient des OGM au titre de la Directive 2001/18, la recherche, le développement et l’innovation en la matière se sont figés dans l’Union européenne. A l’inverse, la R&D autour des NGT est très active en Chine et aux Etats-Unis en particulier. Cependant, l’étude de la Commission européenne sur le statut des plantes produites par NGT, parue en 2021, a ouvert la voie à une révision de la réglementation pour (enfin !) débloquer ce dossier épineux. Cette étude considère que les NGT peuvent contribuer à atteindre les objectifs du Green Deal et de la Stratégie Farm to Fork, puisqu’elles peuvent être utilisées pour mettre au point des plantes plus résilientes face aux stress climatiques et biotiques, moins consommatrices de ressources naturelles ou d’engrais et au service de systèmes alimentaires durables. Une consultation du public est actuellement en cours en vue d’une nouvelle législation prévue pour 2023. Il s’agit de dépassionner le débat et de distinguer le statut des plantes obtenues par NGT en différenciant celles qui pourraient être obtenues dans la nature avec les autres. Dans le cas de la vigne, l’urgence est notamment de sélectionner des cépages tolérants à la sécheresse et résistants à certaines maladies telles que l’oïdium ou le mildiou.

Enfin, la dernière piste proposée a été celle des innovations pour une vinification plus durable. Les deux principaux défis actuels sont de réduire le degré d’alcool et d’abaisser le pH des vins alors que l’un et l’autre sont au contraire tirés vers le haut par le changement climatique. Pour cela, les leviers potentiels sont par exemple les vendanges plus précoces, la réhydratation des raisins pour réduire la concentration en sucres, la désalcoolisation des vins ou encore l’acidification biologique. A noter également que les acteurs de la filière viti-vinicole intègrent le coût de l’énergie comme élément important de la durabilité économique et environnementale dans le processus de vinification.

En marge de ces différentes pistes, un retour d’expérience de la démarche « AOP laitières durables », issue d’une réflexion collective sur la durabilité de son modèle agricole et alimentaire, a également été présenté. Porté par le CNAOL, cette initiative a abouti à un certain nombre d’engagements sociaux, économiques et environnementaux de la part des AOP : faire vivre les territoires, transmettre les savoir-faire traditionnels, préserver la biodiversité et les races locales, améliorer la valorisation économique par exemple. La nécessité de quantifier, de mesurer les co-bénéfices des démarches de durabilité a été soulignée, rejoignant les préoccupations de l’agriculture bas-carbone et de l’agriculture régénératrice.