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3 questions à

Temps de lecture : 5 min

05/12/2018

Camille VINIT

A l’occasion de la 8e matinale de la CEPAA* qui s’est tenue le 27 novembre 2018 sur le thème « L’autorisation environnementale : quelles sont les enjeux et les défis de la réforme ? », Camille VINIT et Olivier CIZEL, chefs de rubriques aux Editions législatives, ont présenté le régime juridique de l’autorisation environnementale. Retour avec Camille VINIT sur cette réforme.

1/ Née d’une volonté de moderniser le droit de l’environnement, l’autorisation environnementale, ou autorisation unique, est entrée en vigueur le 1er mars 2017. Pourriez-vous nous présenter succinctement l’objet de cette réforme ?

L’autorisation environnementale a pour ambition de simplifier la vie des entreprises sans diminuer le niveau de protection de l’environnement.

Ce dispositif concerne principalement les projets d’installations classées (ICPE) et les projets Loi sur l’eau (installations, ouvrages, travaux et activités – IOTA) soumis à autorisation. En pratique, cela concerne les travaux et ouvrages réalisés dans les milieux aquatiques, des élevages, des sites industriels, des installations énergétiques (éolien notamment) ou encore de grands projets d’aménagement urbain…entre autres.

L’autorisation environnementale intègre plus d’une dizaine d’autorisations différentes et en fusionne les procédures (autorisation ICPE, autorisation IOTA, dérogation faune-flore, autorisation de défrichement, autorisation spéciale au titre des sites classés, autorisation d’exploiter les installations de production d’électricité, etc.). Pour un même projet, l’autorisation rassemblera toutes les prescriptions applicables en rapport avec les autorisations intégrées.

Et dans ce cadre, les éoliennes terrestres concernées sont dispensées de permis de construire, tout comme les travaux réalisés sur celles-ci.

Cette réforme concerne non seulement les nouveaux projets, mais également les installations existantes qui connaîtront des modifications substantielles, et donc potentiellement un certain nombre d’installations à l’avenir.

2/  Dans les faits, considérez-vous que l’autorisation environnementale fait œuvre de simplification pour les entreprises, en particulier pour les entreprises agricoles ?

Il faudrait  interroger directement les exploitants pour avoir un vrai retour terrain, sachant que cette réforme est récente et que peu d’autorisations environnementales ont encore été délivrées.

Au niveau juridique, il est incontestable que de nombreuses mesures de simplification ont été apportées en faveur des exploitants, agricoles notamment. On citera, pêle-mêle, les « bénéfices » suivants : un seul dossier à constituer, la possibilité de demander un certificat de projet et/ou un cadrage préalable pour améliorer la qualité des dossiers, l’assouplissement des exigences relatives aux capacités techniques et financières, la contraction de la phase d’instruction, un interlocuteur unique au niveau de l’administration, la consultation du CODERST devenue facultative, etc.

Mais on reste, dans les faits, encore dans une phase de rodage, en témoignent les nombreuses retouches juridiques déjà apportées au dispositif via la loi ESSOC du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance, le décret du 18 septembre 2018 sur le contenu de la demande d’autorisation, le tout récent décret du 29 novembre 2018 sur les éoliennes terrestres… Sans parler, côté jurisprudence, des décisions du Conseil d’Etat sur le sujet !

En tous les cas, pour une réforme de cette ampleur, une période d’adaptation est inévitable, le dispositif pérennisé n’étant de surcroît pas totalement identique à celui expérimenté.

3 / Selon vous, quelles zones d’ombre doivent être levées pour améliorer le dispositif ? 

Certaines incertitudes juridiques, comme celle relative à l’autorité environnementale, ont carrément gelé certains projets.

Rappelons que la disposition qui prévoyait que l’autorité environnementale était le préfet de région a été purement et simplement annulée par le Conseil d’Etat dans une décision du 6 décembre 2017, sans disposition transitoire ! Les missions régionales de l’autorité environnementale (MRAe) du CGEDD ont pris le relais en pratique, donnant lieu à une situation juridiquement bancale et mettant sérieusement à mal la procédure sur laquelle est basée un certain nombre de projets.   Un récent arrêt du Conseil d’Etat du 27 septembre 2018 est venu dire que le vice était pour autant régularisable et que la MRAe pouvait tenir ce rôle d’autorité environnementale. Si cette décision est un bon signal pour les projets en cours, il reste indispensable que les choses soient écrites « dans le dur » pour sécuriser les projets à venir. D’ailleurs, un projet de décret portant réforme de l’autorité environnementale était en consultation publique cet été, mais ce texte n’a toujours pas été publié. Le projet prévoit que les avis sur les études d’impact qui étaient rendus par les préfets de région le seraient désormais par les MRAe, afin d’être conformes aux exigences de « séparation fonctionnelle » entre cette autorité environnementale et l’autorité décisionnaire.

Autre difficulté que peuvent rencontrer les exploitants : les dispositions concernant la modification substantielle des installations, et notamment des élevages, ont été complexifiées du fait de la réforme concomitante de l’évaluation environnementale et s’avèrent relativement difficiles à décrypter pour des exploitants non juristes !

Enfin, au niveau du contentieux, les pouvoirs désormais très raffinés du juge administratif (et administrateur)  penchent clairement en faveur de la régularisation de l’autorisation. Cela aura-t-il des conséquences sur les contentieux civil et pénal ?

Aucun doute que d’autres textes et décisions de jurisprudence sont attendus et nécessaires pour venir peaufiner un dispositif encore assez neuf et lui garantir un (bel) avenir.

*Compagnie nationale des experts de justice en productions agricoles, agroalimentaires, activités environnementales et horticoles

Pour aller plus loin :

  L’autorisation environnementale : s’approprier la réforme pour sécuriser ses projets, Editions Législatives, 2018.