3 questions à
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18/12/2019
Jean-Baptiste MENGUY
Conseiller de Paris chargé de l’éducation, des familles et de l’alimentation durable auprès du Maire du 15e arrondissement
1/ L’été dernier, vous avez lancé un appel pour déclarer l’alimentation « grande cause nationale 2020 », que soutient agridées. Quelles sont les raisons qui ont motivé cette initiative ?
L’alimentation est aujourd’hui un marqueur sans précédent d’une fracture sociale et sociétale profonde en France.
Le 14 octobre 2019, la FAO publiait un rapport sur les pertes alimentaires avant l’étape de la vente au détail. La France n’est pas épargnée alors même que les principales associations caritatives alertent l’opinion publique sur le risque de réduction budgétaire de l’aide alimentaire par l’Union européenne : le rapport publié le 7 novembre par le Secours Catholique sur l’état de la pauvreté en France en 2018 montre que 52% des demandes des personnes accueillies dans leurs structures concernent l’alimentation.
Au-delà de la fierté du fleuron de notre gastronomie, l’urgence alimentaire reste prégnante, aussi bien pour beaucoup de nos concitoyens qui ne mangent pas à leur faim, que pour un secteur dont de nombreux professionnels (agriculteurs, éleveurs, etc.) y voient contraintes et découragements.
En matière d’alimentation, les initiatives, projets et rapports ne manquent pas. Mais cette accumulation de données diverses et variées produisent l’effet inverse : la dislocation d’un message positif et partagé au profit d’un patchwork territorial flou.
Conséquence immédiate, les sujets de discorde et de tensions ne manquent pas également : alimentation bio, produits locaux, circuits courts, part carnée, régime végan ou flexitarien, repas industriels, obésité infantile, nouvelles formes de consommation, surabondance des supermarchés, métiers en perdition, précarité et pauvreté, terroirs et territoires…
La gouvernance elle-même est au carrefour de plusieurs autorités, ce qui empêche la mise en œuvre d’une vraie politique intégrée en la matière : 5 ministères sont en charge de l’alimentation (agriculture, santé, transition écologique, éducation nationale et culture). A cela s’ajoute une entité autonome, le Conseil national de l’alimentation, et les collectivités territoriales compétentes notamment pour la restauration scolaire, l’apprentissage, etc. L’espace public sature au détriment de l’alimentation et donc de nos concitoyens.
En 2020, une réelle opportunité s’offre à nous avec notamment les 10 ans de l’inscription au patrimoine immatériel de l’Unesco du « repas gastronomique des Français » et les 35 ans de la création des Restaurants du cœur et l’organisation en juin du « Paris Food Forum » souhaité par le président de la République.
Afin d’aborder et de réussir cette année 2020, nous avons besoin d’un message fédérateur, positif et partagé, populaire. Elu local et citoyen engagé sur les questions liées à l’alimentation, je mets en œuvre au quotidien de nombreux projets, en particulier dans les cantines scolaires, et en lien avec des familles de toutes conditions sociales, et des professionnels et artisans.
C’est dans ce cadre que je propose que l’alimentation soit déclarée « Grande cause nationale 2020 ».
2/ Qu’est-ce que le label « Grande Cause nationale » et quelles opportunités d’action offrirait-il ?
Le label « Grande cause nationale » permet à tous nos concitoyens de se reconnaître, de s’identifier et de rejoindre en toute connaissance de cause les initiatives existantes.
La « Grande cause nationale » prévoit notamment des moyens publics et des communications gouvernementales afin d’alerter la population sur les enjeux et l’importance de l’alimentation dans tous ses aspects : c’est une prise de conscience forte pour faciliter des actions concrètes et coordonnées notamment pour les collectivités publiques, les restaurants, les supermarchés, les écoles, etc.
C’est enfin évidemment un signal citoyen sur l’enjeu alimentaire, les bonnes pratiques ou l’urgence à revoir nos modèles de consommation qui peut être un atout supplémentaire dans les négociations budgétaires concernant l’aide alimentaire pour les plus démunis.
Il s’agit enfin d’un vecteur efficace, vertueux et populaire pour continuer de décliner les actions gouvernementales figurant aussi bien dans la loi Egalim que dans le « Plan pauvreté ».
Exemples d’actions concrètes
Dans les écoles :
-Développer les actions pédagogiques et faciliter les collaborations entre les rectorats et les collectivités territoriales afin d’éviter les doublons de messages sur l’alimentation et le goût ;
-Accompagner les collectivités territoriales vers un mode de production de repas de cantine plus qualitatifs et moins industriels ;
-Lancer de nouveaux projets tels que les classes découvertes dédiés à l’alimentation comme il en existe pour la montagne ou la mer.
Dans les restaurants :
-Faciliter l’accueil des familles: infrastructures et matériels (table à langer, chaises hautes), menus enfants gratuits ;
-Encadrement des partenariats avec les plateformes de livraison
Dans les supermarchés :
-Encadrement et suivi de l’implantation des supermarchés en zone urbaine dense afin d’éviter la surabondance de l’offre alimentaire ;
-Quote-part et valorisation de produits ultra-locaux
3/ Que peuvent faire les citoyens – consommateurs, les entreprises, les associations pour appuyer votre proposition ?
Il y a plusieurs leviers pour appuyer cette proposition :
-Le soutien public en affichant un message clair et en signant la pétition en ligne, en la partageant autant que possible sur les réseaux sociaux et dans les médias ;
-Les relais : soutenir publiquement et relayer le projet auprès des professionnels notamment lors de manifestations, colloques comme j’ai pu le faire déjà à l’OpenAgriFood d’Orléans ou lors des rencontre François Rabelais de Tours ;
-Impliquer les institutionnels comme les élus locaux, les acteurs de l’alimentation, les fédérations professionnelles qui sont vecteurs de messages ;
-En proposant des actions simples et qui reprennent cette idée de citoyenneté autour de l’alimentation et ses enjeux ;
-En étant acteur de cette campagne : il faut me contacter directement et voir ensemble comment s’impliquer.
Vous aussi, vous pouvez signer la pétition en ligne « Déclarons l’alimentation “Grande cause nationale 2020” ».