
25/10/19
Philippe Henry
Président de l'Agence Bio

1/ Vous venez d’être élu président de l’Agence Bio, au titre du collège des producteurs,
pourriez-vous présenter votre exploitation ?
J’ai repris l’exploitation agricole de mes parents à leur retraite en 1997 et je l’ai convertie en bio à ce moment-là. J’avais eu l’occasion de rencontrer des producteurs bio du département en polyculture élevage. J’ai trouvé intéressante leur recherche d’autonomie, leur façon d’aborder leur métier dans sa globalité tant au niveau de l’exploitation qu’au niveau du rôle de l’agriculteur dans la filière alimentaire et de son lien avec les consommateurs. Je sortais à ce moment-là d’une formation d’ingénieur agricole à Dijon (Enesad) et mes professeurs de l’époque prenaient soin de nous montrer toute la complexité du vivant et nous ouvraient les yeux sur la nécessité de raisonner dans une logique d’écosystèmes.
L’agriculture bio est donc devenue une évidence pour moi à une époque où elle était encore une niche. L’accompagnement technique se faisait essentiellement par rencontres et échanges entre producteurs. C’est un puissant moyen de développement car il allie les apports techniques à une dimension humaine fondamentale.
2/ Le développement de la bio passe par une meilleure organisation des filières, de la chaîne alimentaire, quelles sont les priorités ?
Les agriculteurs bio se sont appuyés traditionnellement sur les circuits courts pour valoriser leur production. C’est en quelque sorte le prolongement de l’autonomie de l’exploitation dans le domaine commercial. Ce mode de commercialisation représente en 2018 20 % de la distribution des produits bio et cela continue de progresser en valeur absolue. Il a deux vertus. La première est économique. Elle reste un bon atout pour peu que la gestion du temps de travail soit bien réfléchie. La seconde réside dans la relation et l’échange permanent entre producteurs et consommateurs. Mais les circuits courts, même en continuant à se développer, ne peuvent pas couvrir et de loin tout le spectre de l’alimentation de la population française…
Le développement exponentiel de ces dernières années s’est beaucoup développé autour des circuits longs. Il a globalement permis d’absorber la production bio dans de bonnes conditions. Le secteur s’est fortement développé tant dans la transformation que dans la distribution, à tel point qu’aujourd’hui cela pose bien sûr la question du modèle de croissance. À mon sens, le secteur coopératif a une belle carte à jouer en bio, un domaine où la notion de collectif est centrale. On peut voir déjà le parcours de certaines coopératives de céréales bio comme Biocer, Cocebi et bien sûr Probiolor. Les principes d’un homme, une voix, la consultation directe des adhérents sur les grandes décisions et la notion d’apport total y sont forts. Ce dernier point est particulièrement important car il permet une contractualisation pluriannuelle entre la coopérative et ses clients, et, en découle une autre contractualisation, celle entre les adhérents et leur coopérative. On ne sème que ce qui est vendu ou certain d’être vendu. Nous devons veiller à ce que les marchés bio intègrent une vraie politique de l’offre. Il y a une attente autour des valeurs humaines de la coopération. Il faut que la coopération dans son ensemble accepte de changer aussi son modèle pour répondre à des agriculteurs qui ont changé le leur. Je remarque chez Probiolor la volonté pour bon nombre d’adhérents de retrouver l’esprit coopératif des générations qui nous ont précédées où chacun a besoin de l’autre. L’autre champ essentiel que nous devons investir est celui de la restauration collective. Le nombre de repas pris à l’extérieur du foyer est en constante augmentation et représente aujourd’hui une part importante de l’alimentation. La loi est venue fixer récemment un objectif de 20 % de produits bio dans la RHD (Restauration hors domicile). C’est un vecteur de changement non négligeable sur plusieurs points :
-
- – le premier est bien sûr économique. Si les circuits de distribution sont bien structurés et les appels d’offres rédigés de telle façon que les producteurs locaux puissent avoir un accès correct en terme de volumes et de prix ;
-
- – le second est la visibilité que la restauration collective donne aux produits et aux filières. Allier bio et local, c’est enclencher presque automatiquement une adhésion du plus grand nombre à la démarche ;
- – la troisième, c’est le développement par une demande territoriale.
Nous venons de vivre quelques décennies où les fermes comme les territoires se sont spécialisés avec des conséquences parfois très négatives. Les collectivités vont chercher à s’approvisionner dans toutes les catégories de produits (viandes, produits laitiers, fruits et légumes…) et cela va générer une demande en volume dépassant la production régionale. C’est une formidable occasion d’installer de diversifier dans de nouvelles cultures et de nouveaux élevages. De nombreuses collectivités en France installent aujourd’hui des maraîchers en leur offrant à la fois du foncier lorsqu’elles en disposent et un débouché au travers de leurs cantines.
3/ Comment maintenir l’unité du monde bio qui peut connaître des forces centrifuges du fait de son succès auprès des consommateurs ?
Le changement d’échelle de la bio nous réjouit car nous avons travaillé de longues années pour convaincre de toute la pertinence de notre système. L’une des conséquences de ce succès, c’est qu’il nous oblige à regarder au-delà de la simple croissance et nous interroge sur le modèle à suivre. Les anciens et les plus militants doivent accepter d’être rejoints par des gens qui ne sont pas animés par la même force de conviction. Les nouveaux venus ne doivent pas se contenter de supprimer les engrais et les pesticides. Si, au niveau des agriculteurs qui passent en bio, il y a pour la plupart d’entre eux, une vraie prise de conscience de la nécessité de changer les systèmes de production, c’est parfois moins vrai dans les entreprises de l’aval. Elles y voient pour certaines d’entre elles uniquement une opportunité commerciale mais elles ne remettent pas en cause leurs habitudes et leurs pratiques. Or, l’alimentation n’est pas tout à fait une marchandise comme les autres et, à ce titre, rien ne dit qu’elle doit suivre les mêmes règles économiques que les autres biens…
Sur le plan sociétal, nous sommes dans une époque qui cherche à retrouver une réflexion de long terme. C’est notamment le cas autour de toutes les réflexions environnementales qui ne se pensent que sur des pas de temps longs. Mais pour passer à l’action, il faut regarder aussi le temps court, permettre à chacun de progresser. L’agriculture n’échappe évidemment pas à ce mouvement, elle en est même au coeur. Il me semble dans ce contexte que l’agriculture biologique a de belles opportunités devant elle, pour peu qu’elle sache combiner ces deux temporalités. Le récent débat sur les serres chauffées a bien montré toutes les difficultés qui surgissent aujourd’hui autour d’une possible « industrialisation » de la bio. Nous devons être vigilants car une partie des consommateurs est très au fait des pratiques agricoles. Ce que je retiens surtout, c’est la capacité de l’ensemble des acteurs de la bio à trouver des compromis, à placer judicieusement les curseurs dans l’intérêt de tous.
Propos recueillis par Yves Le Morvan
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