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Notes

Temps de lecture : 10 min

10/11/2016

Quels modèles de développement pour les agricultures des DOM ?

Les départements et régions d’Outre‐Mer sont une partie intégrante de nos territoires nationaux. Les chiffres démontrent un apport positif des DOM à notre économie nationale : ils représentent une vraie richesse pour notre pays.

Résumé

Dans les DOM, deux activités principales sont remarquables : le tourisme et l’agriculture. La première est intéressante car elle permet à nos compatriotes, à des visiteurs étrangers, de créer une réelle dynamique économique et sociale, de devenir des ambassadeurs de ces territoires et d’en valoriser et d’en diffuser tous les patrimoines. Pour sa part, l’agriculture reste une activité économique fondamentale : elle modèle les paysages, fixe la population locale et permet depuis toujours un approvisionnement de proximité, une valorisation des territoires et des emplois assurée par les grandes productions comme la banane et la canne à sucre. Couvrant de 20 à 35 % de la superficie des territoires, la production agricole occupe 16 % de la population active en Guyane, 12 % en Martinique et Guadeloupe, 10 % à la Réunion, et ce, sans oublier tous les emplois induits par les activités agricoles.
Toutefois, le devenir des agricultures domiennes est incertain : les grandes productions sont confrontées aux enjeux européens et à la concurrence internationale, la professionnalisation de la diversification reste très difficile et son développement défini par la taille des marchés concernés. Il convient de mettre en place des dispositifs adaptés pour permettre un développement des agricultures domiennes : tout miser sur le tourisme est catastrophique pour ces territoires, les importations à bas prix ne sont pas une solution pour couvrir les besoins alimentaires de populations locales importantes (environ 300 000 habitants à Mayotte et en Guyane, entre 400 et 500 000 en Martinique et Guadeloupe, 880 000 à la Réunion), l’Union Européenne est tentée de traiter ces agricultures comme celles du continent.
Un groupe de réflexion mis en place au sein de saf agr’iDées a permis à toutes les parties prenantes, et notamment des représentants des DOM et des gestionnaires publics, de définir un ensemble de dispositions pour permettre un vrai développement et une résilience des agricultures des DOM.

Nos propositions

1/ S’appuyer sur des outils structurants

Interactions entre productions
Les productions agricoles sont complémentaires en termes d’aménagement du territoire, d’équilibre de la répartition des surfaces foncières, de garantie des revenus pour les agriculteurs, et n’ont pas à être opposées entre elles. Comme aujourd’hui en métropole, il n’y a pas une mais des agricultures qui ont chacune besoin les unes des autres et qui interagissent. Dans les DOM, les grandes productions (bananes et canne à sucre), à partir desquelles il est, en particulier, possible de construire de vraies diversifications professionnalisées, restent des forces à protéger notamment dans les accords commerciaux signés par l’UE. Les besoins sont importants en élevage, fruits et légumes. Toutes ces productions sont complémentaires et d’ailleurs, ne dit‐on pas que la production de bananes est une diversification qui a réussi ?
L’ensemble de ces productions ont des besoins en produits spécifiques aux milieux insulaires tropicaux en particulier pour lutter contre les pestes végétales et animales où il faut obtenir des homologations adaptées ; de manière générale, la recherche et l’innovation sont incontournables pour accompagner le développement agricole des DOM.

Des soutiens du POSEI couplés
L’éloignement des DOM est une réalité à reconnaître : le POSEI (Programme d’Options Spécifiques à l’Eloignement et à l’Insularité) doit être maintenu et préservé mais surtout, il convient de ne pas lui appliquer la logique du découplage. Cette dernière serait démobilisatrice pour les acteurs et conduirait inexorablement à l’affaiblissement des productions agricoles. Ce sont des productions qu’il faut accompagner et soutenir, non des hectares !
De même, la répartition des moyens est à définir avant leur mise à disposition et doit tenir compte de la diversité des situations des agriculteurs.

Cohérence dans les projets

Les productions agricoles de la diversification ont des fins alimentaires pour les populations locales. Aussi, la réflexion doit se faire sur toute la filière à développer ou à conforter : inutile de financer un abattoir si les élevages ne sont pas dans le projet global. Trop d’argent public s’est trouvé gâché et des investissements perdus par manque de cohérence dans la réflexion filière avant tout démarrage de projets. Associer les établissements financiers à ces démarches paraît souhaitable.

Des filières organisées
Du producteur au distributeur, tous les maillons des filières doivent être intéressés et concernés. Ceci conduit à développer des formes interprofessionnelles dans lesquelles, outre le respect de chacun, doit régner de la discipline sur les volumes produits, la qualité, les modes de production : il y va de la réussite de ces organisations dans lesquelles, dans certains cas, la présence de responsables publics n’est pas inutile.

Le développement des agricultures des DOM ne se fera jamais à partir d’un modèle d’agriculture « informelle », mais avec de vrais professionnels accompagnés de responsables politiques qui protègent leurs productions de concurrences déloyales basées sur la prise en compte des DOM comme un marché de dégagement ou basées sur des circuits de commercialisation douteux ou des appellations fallacieuses.

Renouvellement des générations
Tout le monde s’accorde à reconnaître que le renouvellement des générations n’est pas satisfaisant dans les DOM. Saf agr’iDées estime que le facteur bloquant reste la question du foncier, et une évolution de la politique des structures est souhaitable.
A la différence de la métropole, il n’existe pas de congés fondés sur l’âge du preneur ayant atteint l’âge de la retraite. Ceci est un élément essentiel pour la fluidité du foncier car le preneur âgé n’est pas contraint de solliciter la cession de son bail à un descendant ou d’envisager la transmission de son exploitation à un tiers. Dès à présent, un système de préretraite ou d’IVD (Indemnité Viagère de Départ) pourrait rapidement libérer du foncier agricole.
Par ailleurs, trop de bailleurs hésitent à donner à bail du fait de motifs de résiliation peu opérants : la définition et l’interprétation des abus de jouissance en est un exemple. Enfin, à l’exception de la Martinique et de la Réunion, aucun schéma directeur des structures n’est en place dans les DOM. Cet outil est pourtant indispensable pour dégager et affirmer des priorités dans les évolutions des exploitations.

2/ Mettre en oeuvre des mesures d’accompagnement

Jouer sur les taux de l’octroi de mer
La gouvernance par les autorités locales de l’octroi de mer et du RSA (régime spécial d’approvisionnement) pourrait être améliorée, en relation plus étroite avec les acteurs socioprofessionnels des DOM. Pour donner de la compétitivité aux productions agricoles locales, les autorités régionales ont la possibilité de baisser, sur certains intrants notamment, le taux de l’octroi de mer ou à l’inverse de l’augmenter pour maintenir la compétitivité des productions endogènes. La loi de 2004, révisée en 2015, a une revue à miparcours en 2017 : les secteurs professionnels et les entreprises ont cette chance à saisir pour sensibiliser sur leurs besoins et attentes.

Attirer des compétences
Dans les informations données par les CIO (Centre d’Information et d’Orientation) aux élèves, il conviendrait de mettre en valeur les métiers de l’agriculture, que ce soit vers celui d’exploitant ou de salarié d’exploitation, voire les activités de conseil. Les structures de formation existent mais il faut privilégier la spécialisation des cursus vers les emplois à pourvoir ; les financements sont disponibles via les fonds concernés qui mutualisent à partir des recettes nationales. Par ailleurs, l’expérience a montré tout l’intérêt de la formation professionnelle qui reste un vecteur fort de la vie paritaire dans le domaine social. Enfin, les activités agricoles sont positives pour l’insertion des jeunes en difficulté, et l’intégration de l’agriculture au sein des projets du SMA (Service Militaire Adapté) présente beaucoup d’intérêt.

Respecter l’espace agricole
A l’exception de la Guyane (territoire contraint), les DOM connaissent des problèmes d’espace et d’aménagements agricoles en concurrence avec une urbanisation non maîtrisée. Les règles de la construction et de l’urbanisme sont à faire respecter pour protéger les producteurs agricoles d’un mitage regrettable. Ceci sera aussi un gage pour appréhender les projets cohérents par rapport à un territoire défini.

Promouvoir l’économie circulaire
Dans sa dimension multifonctionnelle, l’agriculture des DOM est directement concernée par la production d’énergies décarbonées. Des réflexions et réalisations intéressantes à la Réunion ont prouvé que l’on pouvait tout à la fois produire de l’énergie, valoriser des coproduits, conforter et développer des productions agricoles de diversification, créer de l’emploi et de la richesse. Photovoltaïque, éolien, recyclage des déchets… autant d’actions porteuses d’avenir.

L’administration locale, vrai partenaire
La gestion des fonds européens désormais assurée par les régions représente une opportunité pour que celles‐ci deviennent un vrai partenaire compétent et compréhensif auprès des acteurs des filières agricoles.
Pour ce faire, il convient de professionnaliser des équipes pour développer l’écoute des secteurs et des entreprises, traduire en projets et modalités claires de financement les objectifs définis, assurer la cohérence entre soutien financier et fiscalité (qui reste sous tutelle du Ministère des finances).
Enfin, une évaluation régulière de l’efficience des politiques publiques est un moyen de conforter tous les acteurs et de leur permettre de cheminer vers l’excellence.

***

Au moment où les responsables politiques locaux vont être directement en discussion et en mobilisation financière face aux autorités européennes, il a semblé opportun à saf agr’iDées, en sa responsabilité de think tank, de souligner les quelques décisions et dispositifs à privilégier pour assurer de fortes capacités de développement aux agricultures des DOM. Richesse économique et sociale des territoires, maintien des paysages et aménagement des espaces ruraux, réponse aux attentes alimentaires de populations locales prêtes à privilégier la proximité… autant de défis à relever en gardant parallèlement les atouts indéniables liés aux grandes productions de bananes et de canne, atouts pour la durabilité des territoires, l’exportation, le maintien d’emplois directs et induits importants.

Cette note est issue des réflexions et travaux du Groupe de travail saf agr’iDées “Quels modèles de développement pour les filières agricoles dans les DOM“.