Tétière Lettre 20 RDR
Lettre spéciale 20e Rencontres de droit rural
Qu’il s’agisse du statut du fermage, de la SAFER ou du contrôle des structures, les instruments fondateurs du droit rural ont été inventés à une époque où le phénomène sociétaire en agriculture n’existait pas encore ou n’en était qu’à ses balbutiements.
Certes, dès le début des années 1960, la société a été promue comme un mode d’organisation de l’acte de production agricole, mais les réticences parfois psychologiques des agriculteurs ont conduit le législateur à façonner des outils spécifiques comme le GAEC ou la convention de mise à disposition des biens loués au profit d’une société.
Depuis lors, la formule sociétaire n’a cessé de prendre de l’ampleur au point que sur les 435 790 agriculteurs non-salariés, près de 60 % exercent désormais au sein de structures sociétaires (sources : CCMSA 2021). Car le droit des sociétés a depuis longtemps fait ses preuves, en montrant ses capacités d’adaptation aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux du secteur agricole.
Les outils de régulation n’ont jamais véritablement réussi à appréhender les sociétés. Ainsi la SAFER était, jusqu’à la loi Sempastous du 23 décembre 2021, dans l’incapacité de réguler le marché des parts sociales. Quant au contrôle des structures, il n’a jamais réellement su choisir entre soumettre à sa réglementation l’exploitant personne physique ou sa société.
A présent, les structures sociétaires sont-elles sous l’emprise du droit rural ou sont-elles encore un espace de liberté contractuelle et de liberté d’entreprendre ? Le contrôle des structures a-t-il, à terme, vocation à disparaître ? La société est-t-elle la solution pour pallier l’incessibilité du bail rural hors cadre familial ? Quelle place accorder aux sociétés de prestation de services dans l’acte de production ? Quelles sont ces entités qui entendent assurer le portage collectif du foncier afin d’aider à l’installation ou à la reprise d’exploitation ?

Pour y réfléchir, rendez-vous le 6 avril prochain aux 20e Rencontres de droit rural
logo-Agridees-AFDR

Avec le soutien de l'Académie d'agriculture de France

Evenement présentiel et distanciel

Mercredi 6 avril 2022

09h00-17h00

8 rue d'Athènes

75009 PARIS

Programme

8 H 30 - Accueil des participants
Matinée animée par Me Caroline VARLET-ANGOVE, Avocate au Barreau de Paris, Présidente de l’AFDR Section Ile-de-France
9 H 15 - Ouverture des travaux – Retour sur 20 éditions de Rencontres
Bernard PEIGNOT, Avocat aux Conseils honoraire, Vice-Président de l’AFDR
9 H 30 - Introduction – Le marché foncier sociétaire en Métropole et Outre-mer
Muriel GOZAL, Directrice Générale, FNSafer

I - Les sociétés sous l'emprise du droit rural

Thème 1 : Sociétés et SAFER
9 H 50 - La SAFER, chef d’orchestre de la nouvelle procédure d’autorisation administrative
Stéphanie DE LOS ANGELES, Juriste, CRIDON de Lille
10 H 15 – Le mode opératoire des SAFER sur les titres sociaux
Hubert BOSSE-PLATIERE, Professeur à l’Université de Bourgogne, directeur de la Chaire universitaire de droit rural et de l’environnement de l’Université de Bourgogne, membre de l'Académie d'agriculture de France
10 H 40 - Echanges avec la salle

Thème 2 : Sociétés et contrôle des structures
10 H 50 - Contrôle des structures : que reste-t-il de nos amours ?
Benoit GRIMONPREZ, Professeur à l’Université de Poitiers, Directeur de l’Institut de droit rural, Centre d’études et de coopération juridique interdisciplinaire (CECOJI)

Thème 3 : Sociétés et statut du fermage
11 H 20 - Bail rural conclu par une personne physique : un ménage à trois ? Par une personne morale : une union libre ?
Samuel CREVEL, Avocat à la Cour d’appel de Paris
11 H 50 Echanges avec la salle

12 H 00 - Les nouvelles formes d’exploitation sous forme sociétaire
Le grand entretien avec François PURSEIGLE, Professeur des universités en sociologie à l’Institut National Polytechnique de Toulouse, co-titulaire de la Chaire GERMEA (Groupe d’Etude et de Recherche sur les Mutations de l’Entreprise Agricole), membre de l'Académie d'agriculture de France

12 H 45 Déjeuner

14 H 00 Reprise des travaux
Après-midi animée par Jean-Baptiste MILLARD, Délégué général d’Agridées

II - Le droit rural sous le charme des sociétés

Thème 1 : L’installation grâce aux sociétés
L'installation en société, GAEC à l’essai : un site de rencontres
Jean-Louis CHANDELLIER, Directeur général adjoint et Directeur département de l’entreprise et des territoires de la FNSEA, Directeur de GAEC & Sociétés.
14 H 25 - La légalisation de nouvelles conventions de terres porteuses (SCIC, fonds d’investissement)
14 H 45 - Echanges avec la salle

Thème 2 : La gestion de l’exploitation grâce aux sociétés
15 H 00 - Nouveau statut d’entrepreneur individuel et sociétés agricoles
Christine LEBEL, Maître de conférences HDR à l’Université de Franche-Comté, Vice-Présidente de l’AFDR
15 H 25 - Le recours aux sociétés de prestation de service
Patrice DURAND, Directeur général de la Fédération Nationale Entrepreneurs Des Territoires (FNEDT)
15 H 45 - Echanges avec la salle

Thème 3 : La transmission grâce aux sociétés
16 H 00 - La société, outil incontournable de transmission
Antoine RAMOND, Juriste, Cerfrance Nord-Est Ile-de-France
16 H 30 – Echanges avec la salle

16 H 40 - Propos conclusifs
Me François ROBBE, Avocat au Barreau de Villefranche-sur-Saône, Maître de conférences à l’Université Lyon 3, Président de l’AFDR

17 H 00 - Fin des travaux
Frais d’inscription : 80,00 € par personne*
Participation au déjeuner : 35 € par personne
*Gratuit pour les membres d’Agridées, de l’AFDR, de l’Académie d’agriculture de France et pour les étudiants.
Pour toute information, merci de contacter Magalie SERY : sery@agridees.com
agridroit

En complément, nous vous invitons à lire le dernier édito du Quinzomadaire de la plateforme AGRIDROIT du 3 mars 2022 :

Société agricole et droit rural : je t’aime, moi non plus

Le 6 avril, à Paris, au 8 rue d’Athènes, dans les locaux d’Agridées, se tiendront les 20e Rencontres de droit rural, fruit d’un partenariat historique entre la Société des agriculteurs de France et l’Association française de droit rural.
Cette année, date d’entrée en vigueur de la loi Sempastous du 23 décembre dernier (Voir Agridroit Infos, 20 janvier 2022), les regards seront tournés vers ce lien si particulier – un mélange d’amour et de haine – qu’entretient le droit rural avec les sociétés.
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Hubert BOSSE-PLATIERE, Professeur de droit - Université de Bourgogne
Tous les ruralistes le savent : les instruments fondateurs du droit rural ont été inventés à une époque où le phénomène sociétaire en agriculture n’existait pas encore ou n’en était qu’à ses balbutiements, le statut du fermage a été rédigé pour un bailleur et un preneur, l’un comme l’autre, personne physique. René Savatier relevait : « Une société peut donner ou prendre à bail. Mais c’est par un anthropomorphisme injustifié qu’ont lui reconnaît ceux des droits du preneur qui, comme le droit de préemption ou de reprise devraient supposer, chez leur titulaire, un engagement à exploiter personnellement » (Les baux ruraux, 1973, éd. Dalloz-Defrénois, 1973, p. 24, n° 37). La SAFER, en 1960-62, n’avait été conçue que pour s’occuper du marché foncier immobilier et non des entreprises agricoles. Et même, les notions d’installation, d’agrandissement ou de réunion d’exploitations, si chères à la législation relative au contrôle des structures, issue de la désuète loi sur les cumuls du 8 août 1962, ont toujours eu le plus grand mal à appréhender l’ensemble des opérations sur titres.

Pourtant, dès le début des années 1960, la profession agricole a eu les yeux de Chimène pour les sociétés et n’a eu de cesse de promouvoir l’outil. Certes, les réticences parfois psychologiques des agriculteurs ont façonné des techniques étranges que même les spécialistes du droit des affaires ne comprennent pas toujours comme en témoignent le troublant principe de transparence des GAEC et la non moins insondable convention de mise à disposition des biens loués au profit d’une société. Mais, aux dires des sociologues, le GAEC père-fils a été un formidable outil d’installation et de reconnaissance du travail à la ferme des membres de la famille donnant à la créance de salaire différé successoral un sacré coup de vieux. En 1985, l’EARL a offert avant même la loi récente sur l'activité professionnelle indépendante (Voir Agridroit Infos, 14 février 2022), la possibilité de dissocier le patrimoine professionnel du patrimoine privé, même si la terre, ce bien tour à tour bien de famille et outil de travail, reste parfois au milieu du gué. Et puis, il y a les chiffres, dont on se complaît à dire qu’ils « ne mentent pas » : sur 435 790 agriculteurs non-salariés, 258 805 (59 %) exercent au sein de sociétés et groupements divers et 176 985 en exploitation individuelle (sources : CCMSA 2021). Faut-il rappeler que les grandes exploitations sont très largement constituées sous forme sociétaire (près de 70 %) et assurent à elles seules « 87 % du potentiel de production agricole » (Source : Agreste, Graph’agri 2021, p. 19 et 20).

Les tenants de l’interventionnisme étatique soutiendront que si les sociétés agricoles ont pu ainsi s’épanouir, c’est à l’ombre du droit, incapable de les contrôler, de les orienter, de les réguler. Le droit rural devrait ainsi se réinventer à l’aune des sociétés. Que reste-il en effet de l’âme du statut du fermage – son caractère ou familiae ? – lorsque le bail rural est directement conclu au profit d’une société ? La démarche entrepreneuriale, si souvent vilipendée, ne trouve-t-elle pas un merveilleux écrin toutes les fois que le bail rural est conclu directement au profit de la société ? Nombre de dispositions cardinales perdent leur raison d’être dont le sacro-saint principe d’interdiction des cessions et son corollaire l’absence de valeur patrimoniale du droit au bail. Le contrôle des structures se trouve dans l’incapacité physique d’appréhender les prises de participation financière qui peuvent pourtant cacher bien des prises de contrôle. Et la SAFER était, jusqu’à la loi Sempastous, dans l’incapacité de réguler quoi que ce soit sur le marché des parts sociales.

De là à dire que les sociétés seraient, en raison de leur opacité, le lieu de toutes les turpitudes, de toutes les concentrations excessives de pouvoirs, de tous les accaparements de terres, de tous les dévoiements des finalités vertueuses du droit rural français, il n’y a qu’un pas qui a souvent été franchi ces dernières années pour justifier l’urgence à mettre sous cloche nombre d’opérations sociétaires.

Les Rencontres seront l’occasion de revenir sur cet amour vache.

Les sociétés sont-elles désormais, après la loi Sempastous, sous l’emprise du droit rural ou sont-elles encore un espace de liberté contractuelle et de liberté d’entreprendre ? Les SAFER auront-elles les moyens de contrôler les abus réels ou supposés des dérives sociétaires ? Le contrôle des structures a-t-il - à terme - vocation à disparaître ? Quels rôles doivent et ou peuvent jouer les commissaires du gouvernement ? Quelle part de liberté souhaite-t-on dans l’organisation de la société agricole ?

Là, comme ailleurs, tout semble être une question d’équilibre et les acteurs du droit ont un rôle tout aussi important à jouer que le législateur. Le droit des sociétés a depuis longtemps montré ses capacités d’adaptation. Sa formidable plasticité lui permet de répondre à bien des enjeux. Et ceux-ci sont nombreux.

A commencer par celui, grave, essentiel, éternel même, du renouvellement des générations. Près de 60 % des exploitants ont plus de 50 ans et tous n’ont pas de repreneurs. Comment imaginer que l’objectif affiché par les pouvoirs publics de 20 000 installations par an - seulement 12 500 en 2020 - puisse se réaliser sans le recours aux sociétés ? En 2019, 55,2 % des jeunes s'établissent en société avec une prédilection croissante pour les GAEC et les EARL, avec respectivement 25,6 % et 17,6 % des installations (sources : CCMSA). Tester l'association au sein d'un GAEC, en conditions réelles, avant de s'associer avec la possibilité d'arrêter le test à tout moment, tel est l’ambition du « droit à l'essai » promu par GAEC et sociétés. De nouvelles formes de portages collectifs du foncier fleurissent ici ou là associant désormais des personnes extérieures à la famille, des investisseurs, des collectivités… afin d’aider à l’installation… Les forces créatrices du droit se trouvent mobilisées (ex : le recours aux SCIC pour associer personnes physiques et morales, de droit public ou privé).

Last but not least : le droit rural s’est réorienté, depuis la dernière grande loi d’avenir agricole de 2014, vers la réussite de la transition agroécologique. Il est à peu près certain que la désormais fameuse triple performance économique, sociale et environnementale de l’agriculture française ne se réalisera pas sans une réflexion d’ensemble sur l’outil sociétaire car si toute société doit être gérée dans son intérêt social, elle doit désormais prendre « en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité » (C. civ., art. 1833 al 2 L. n° 2019-486, 22 mai 2019).

« Les sociétés sous l'emprise du droit rural ; le droit rural sous le charme des sociétés »
Ces Rencontres reposent sur un postulat, une forme de conviction préalable : les sociétés ne constituent pas une fin mais un moyen.
Sources photos : Images : Hubert Bosse-Platière. Logos : AFDR.
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