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Points de vue

Temps de lecture : 3 min

04/06/2021

Le prix de l’exigence

« Consommateurs exigeants recherchent producteurs engagés ».

Voilà un message qui aurait pu être publié dans une annonce d’un site de rencontres. Et lorsque l’on cherche à séduire, on se présente toujours sous son profil le plus avantageux.

Car nous, consommateurs, sommes-nous réellement exigeants ? Réellement ? Non. Etre exigeant est une vertu, une responsabilité morale envers le monde et envers soi-même, tiré du verbe latin exigere qui signifie à la fois demander et payer le prix. Or, si nous, consommateurs, savons très bien demander, nous n’avons jamais très envie de payer le prix.

En réalité nous, consommateurs, sommes plutôt des enfants gâtés. Nous n’avons pas faim mais nous ne savons plus pourquoi. Oubliés remembrement, mécanisation, intrants en quantités massives pour un accroissement massif des rendements. A peine quelques lignes dans des manuels scolaires. En rentiers du passé au ventre bien rempli, nous avons oublié que tout ce que nous dénigrons aujourd’hui étaient les symboles du progrès d’hier, et nous aimerions voir revenir, dans un imaginaire d’Epinal béat, une époque sans tracteurs ni chimie, mais sans en subir les conséquences.

C’est pourquoi nous, consommateurs, sommes de vrais militants pour une agriculture bio et durable. Nous sommes fièrement devenus des consomm’acteurs. Grâce aux réseaux sociaux, on nous écoute enfin. Apôtres d’une nouvelle révolution verte, séduisante mais scientifiquement fragile, nous n’hésitons pas à soumettre l’agriculture à des injonctions contradictoires, produire plus avec moins, produire mieux pour moins cher, produire français au prix chinois et tuer tous les nuisibles sans médicaments.

En réalité, nous, consommateurs, avons peur. L’alimentation nous fait peur. Nous avons peur d’être malades. Peur de grossir. Peur de mourir. Peur de faire du mal aux animaux. Peur de polluer la planète. Peur de détruire le climat. Nous avons peur de tout. Pour nous et pour nos enfants. Nous avons la culpabilité alimentaire chevillée au corps.

Alors nous, consommateurs, sommes prêts à croire n’importe quoi (et surtout n’importe qui) pour nous rassurer. A croire au grand complot mondial de l’agro-alimentaire. A croire que les éleveurs sont tous des bourreaux et les agriculteurs tous des empoisonneurs. A croire que tous les doutes sont permis et que la vérité scientifique est à la portée de n’importe qui sur twitter. Et à suivre aveuglément les recommandations discutables d’une application mobile parce qu’elle se revendique indépendante.

Il faudrait changer le titre de cette conférence en « Consommateurs incohérents recherchent producteurs courageux ».

Car il va en falloir du courage dans les années qui viennent pour nous supporter, nous, consommateurs.