Site non disponible sur ce navigateur

Afin de bénéficier d'une expérience optimale nous vous invitons à consulter le site sur Chrome, Edge, Safari ou Mozilla Firefox.

Retour à la liste des contenus

Analyses

Temps de lecture : 4 min

02/12/2022

Propositions législatives de la Commission : SUR et Restauration de la nature

La Commission européenne a voté le 21 novembre deux propositions législatives sur l’Utilisation Durable des Pesticides (appelée également Règlement SUR) et sur la Restauration de la Nature.

De la stratégie globale du Green Deal au plan d’actions concrètes

Petit retour historique. En novembre 2019, la Commission européenne, tout juste renouvelée, publiait son plan stratégique à horizon 2050 appelé Green Deal ou Pacte européen pour l’Environnement. Cette stratégie globale visant à accompagner la transition écologique de l’économie européenne devait s’accompagner, comme annoncé, de diverses stratégies thématiques et sectorielles, entrainant à leur tour une grande remise à plat législative de nombreux règlements et directives européens en vigueur afin de les mettre en cohérence avec les objectifs visés (notamment la neutralité climatique en 2050). Plus de 60 textes législatifs vont être votés sur l’ensemble de la mandature (2019-2024).

L’agriculture et l’alimentation sont concernées à différents niveaux. Au-delà de la PAC, l’agriculture et l’agroalimentaire sont aussi concernées par plusieurs politiques transversales touchant par exemple aux énergies renouvelables (RED 2 et 3) ou la finance durable et le reporting extra-financier des entreprises (Règlement Taxonomie, directive CSRD…).

Après la validation du Green Deal, diverses stratégies thématiques touchant plus particulièrement l’agriculture et l’alimentation ont été publiées en 2020 et 2021, à savoir les Stratégies Farm to Fork (De la Fourche à la Table en français) et Biodiversité, sans oublier les stratégies Sols 2030 ou Forêts 2030. Une première série de textes a été priorisée à travers le plan intermédiaire appelé Fit For 55 (objectif de réduire de 55% les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030).

Ces documents intermédiaires ont vocation à exprimer les enjeux et les objectifs globaux à atteindre. C’est dans la suite logique de ces stratégies que les propositions législatives Utilisation Durable des Pesticides (SUR) et Restauration de la Nature ont été élaborées ces derniers mois. Après une période de consultation ouverte au public depuis juin 2022, les propositions législatives sont désormais présentées aux colégislateurs (Parlement européen et Conseil de l’Union européenne). Ces 2 propositions ont été regroupées dans ce qu’on appelle le Paquet Nature.

Que prévoient ces propositions législatives ?

Règlement Restauration de la nature

La restauration est à distinguer de la protection. La restauration est « un processus destiné à soutenir la récupération des écosystèmes dégradés, endommagés ou détruits et à ramener plus de nature et de biodiversité partout, des terres agricoles et forestières à l’environnement marin et aux espaces urbains ».

Cette proposition législative vise à fixer des objectifs contraignants en matière de restauration de la nature afin de restaurer les écosystèmes dégradés (entre 60 et 80% sont évalués en mauvais état en Europe dont les sols agricoles)[1] et particulièrement ceux qui ont le potentiel de stocker le carbone. Ce texte prendra la forme d’un règlement, c’est-à-dire qu’il s’appliquera tel quel aux Etats-membres. Découlant notamment de la Stratégie Biodiversité, ce texte vise à mettre en place des objectifs spécifiques pour restaurer la biodiversité dans tous les écosystèmes naturels (couvrir au moins 20% des zones terrestres et marines de l’UE d’ici 2030 par des mesures de restauration et 100% d’ici 2050) et notamment dans les milieux forestiers et agricoles avec la mise en place d’indicateurs, par exemple, sur la présence des papillons des prairies, les oiseaux ou du stock de carbone organique dans les terres cultivées ou la part des terres agricoles représentant des caractéristiques paysagères à forte diversité (cf. tourbières…).

Stopper le déclin des pollinisateurs est aussi considéré avec des objectifs contraignants. A noter, que cette proposition législative a été précédée d’une étude d’impact conséquente. L’apport des services écosystémiques offerts gratuitement par la nature à la production agricole a été rappelé et notamment les pertes de rendements et les pertes économiques déjà observées en Europe du fait de la dégradation des écosystèmes naturels. L’étude d’impact indique notamment que chaque euro investi dans la restauration des écosystèmes apporte un retour sur investissement compris entre 8 et 38 euros suivant l’écosystème.

Les mesures de restauration visent techniquement à renforcer la santé et la fertilité des sols afin de réduire la dépendance aux engrais minéraux, d’accroître les populations de pollinisateurs, de promouvoir la lutte naturelle contre les nuisibles afin de réduire la dépendance aux pesticides chimiques et favoriser la mise en œuvre de solutions fondées sur la nature.

Le Règlement impose aux Etats-membres d’élaborer des plans nationaux de restauration, en collaboration avec le monde scientifique, les parties prenantes et le public. Ces plans seront soumis à la validation de la Commission dans les deux ans suivant l’entrée en vigueur du règlement.

Règlement SUR ou Utilisation Durable des Pesticides

Etant actuellement une directive[2], l’objectif est d’en faire un règlement plus contraignant pour les Etats-membres.

De manière concrète, le Règlement SUR vise notamment à fixer pour chaque Etat-membre des objectifs chiffrés de réduction des usages de pesticides. Pour rappel, la Stratégie Farm to Fork prévoit de réduire de 50% l’utilisation des pesticides et de 50% les risques liés à l’utilisation des pesticides les plus dangereux à l’échelle de l’Union européenne. Ces objectifs chiffrés ont reçu dès la publication de la stratégie de nombreuses critiques liées notamment à leur caractère uniforme sans tenir compte des efforts déjà accomplis dans les différents pays. La Commission européenne en a pris acte et a prévu de fixer des objectifs différenciés par Etat-membre. Les Etats-membres auraient déjà reçu leurs objectifs chiffrés propres. Ainsi, de manière officieuse, la France aurait ainsi reçu l’objectif de réduction de 54% de l’utilisation et des risques des produits chimiques (objectif 1) et de réduction de 50% de l’utilisation des produits dangereux (objectif 2).[3] A noter qu’un seuil minimal de 35% de baisse a été inséré juridiquement dans le texte. Le projet de règlement prévoit également les modalités de calcul des niveaux de risques et les années de référence des bases de calcul des baisses.

 Quel est le calendrier à venir ?

 

Dans le cadre de la procédure législative ordinaire, l’adoption de ces propositions législatives par la Commission va désormais lancer le cycle des discussions au sein du Parlement européen et du Conseil, en tant que colégislateurs. La répartition des compétences entre les Commissions Environnement et Agriculture au sein du Parlement fait l’objet de débats. Les colégislateurs vont adopter leur position puis entamer les négociations interinstitutionnelles. La Commission précise également que les mesures adoptées seront progressives, en effet les mesures de restauration de la nature doivent être mises en place d’ici 2030 et les objectifs en matière de pesticides atteints d’ici 2030.

Si le Parlement européen et le Conseil des ministres parviennent à définir leur position respective, suivront ensuite les négociations entre Institutions. La question est donc de savoir si la négociation sera bouclée avant les élections du Parlement européen en 2024. Sur la directive ou le règlement SUR, les Etats-membres ont demandé une étude d’impact additionnelle qui pourrait rallonger les délais de la procédure.

La Commission européenne envisage déjà de mettre en cohérence dans les cinq prochaines années ces nouvelles réglementations avec les dispositions de la PAC, avec des moyens financiers ciblés.

 


[1] Voir le rapport sur l’état de la nature de l’Agence européenne de l’Environnement (AEE) ou les travaux de l’IPBES sur la biodiversité et les services écosystémiques.

[2] Selon l’article 288 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne, « La directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens ». Le règlement, quant à lui, est un acte juridique européen, de portée générale, obligatoire dans toutes ses dispositions. Les États membres sont tenus d’appliquer ces dispositions telles qu’elles sont définies par le règlement. Le règlement est directement applicable dans l’ordre juridique des États membres.

[3] Il semblerait que l’Italie ait reçu un objectif de réduction de 62% pour l’objectif 1 et 45% pour l’objectif 2. L’Allemagne aurait reçu un objectif de réduction de 55% pour l’objectif 1 et de 53% pour l’objectif 2. Le Portugal aurait reçu un objectif de réduction de 49% pour l’objectif 1 et de 68% pour l’objectif 2. L’Espagne aurait également reçu un objectif de réduction de 54% pour l’objectif 1 et de 60% pour l’objectif 2.