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15/11/2023

Faut-il craindre l’adhésion de l’Ukraine à l’Union ?

drapeaux de l'Ukraine et de l'Union européenne

Le 8 novembre 2023, la Commission Européenne a adopté un paquet de dispositions pour entamer l’élargissement de l’Union aux dix pays candidats. Dans cette communication faite à destination du Parlement européen, du Conseil, du Conseil économique et social, et du Conseil des régions, la Commission détaille les niveaux d’avancement d’examen des candidatures en fonction des critères requis.

Alors que les négociations d’adhésion de la Turquie sont suspendues depuis une décision du Conseil prise en 2018, la Commission recommande au Conseil l’ouverture des négociations d’adhésion avec l’Ukraine et la Moldavie en considérant que ces deux pays ont réalisé des réformes qui correspondent aux exigences européennes concernant notamment le secteur de la justice, la lutte contre la corruption, le caractère démocratique des institutions, et la protection des droits fondamentaux.

Mais cette ouverture répond surtout à la volonté politique d’accélérer le rattachement de l’Ukraine à l’Union dans le contexte du conflit armé avec la Russie. Cette manifestation de forte solidarité a été illustrée par les sanctions économiques contre la Russie et par les actions de la Présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, qui s’est rendue à de nombreuses reprises à Kiev depuis l’occupation russe de la Crimée. De même, la position géographique de la Moldavie et sa vulnérabilité géopolitique, du fait des tentatives répétées de déstabilisation, ont conduit également les institutions de l’Union européenne à envisager rapidement l’ouverture de négociations avec cet Etat. Ainsi le Conseil devrait statuer sur les recommandations de la Commission dès mars 2024.

Les perspectives de l’entrée de l’Ukraine dans l’Union Européenne ne font cependant pas l’unanimité des parties prenantes, car si le gouvernement de Kiev fait tous ses efforts pour harmoniser sa législation et sa réglementation avec celles de l’Union, les pays frontaliers de l’Ukraine et les organisations professionnelles agricoles européennes manifestent craintes et réticences.

Que faut-il craindre de l’entrée de l’Ukraine dans l’Union ?

Paradoxalement, depuis le printemps 2022, les biens et services en provenance de l’Ukraine bénéficient d’un accès libre de droits aux marchés des États membres de l’Union. En effet, après l’invasion russe de l’Ukraine le 24 février 2022, le Conseil a décidé que les produits exportés par l’Ukraine disposeraient du statut douanier de mise en libre pratique. Cette mesure décidée pour un an, reconduite une première fois, devrait être révisée en juin 2024.

Ainsi, depuis courant 2022, les produits ukrainiens accèdent librement au marché européen. Compte tenu des difficultés ou des impossibilités d’exportation à partir des ports de la Mer Noire, la mise en place par la Commission des « solidarity lanes » pour permettre la sortie des marchandises par des voies terrestres alternatives a provoqué un afflux de produits livrés dans les pays frontaliers. Cette situation ne saurait préfigurer celle qui prévaudra en temps de paix, dès lors que la majorité des exportations ukrainiennes pourront être effectuées par voie maritime. Faute de pouvoir utiliser la logistique portuaire pour des volumes significatifs, des difficultés sont apparues dans les pays frontaliers de l’Ukraine du fait des exportations de blé tendre, de poulets de chair ou d’œufs à des prix inférieurs à ceux des pays concernés. Si pour ces trois familles de produits, l’Union est globalement auto-suffisante ou exportatrice nette, il n’en est pas de même pour le maïs ou les oléagineux dont l’Ukraine est un important exportateur mondial alors que l’Union est importatrice nette.

En tout état de cause, si les négociations d’adhésion que l’on peut prévoir longues et difficiles devaient aboutir, de nombreuses questions restent pendantes. Le tour que l’affrontement militaire entre la Russie et l’Ukraine prendra déterminera les enjeux d’un rapprochement de l’Ukraine avec l’UE, soit par une adhésion en bonne et due forme, soit par des accords d’association ou encore par un accord de libre-échange. Et dans l’hypothèse d’une adhésion à part entière, quels aménagements des politiques publiques européennes, et en particulier de la PAC, devront être réalisés préalablement pour que cet élargissement n’ait pas d’effets délétères sur la construction européenne ?

Quels que soient les scénarios envisagés, il y a matière à réflexions sur ces questions pour les think tanks européens dans le but d’éclairer les décideurs.