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08/07/2025
Transparence des filières agroalimentaires
A la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, la flambée des prix de l’énergie et des engrais a entrainé une forte inflation dans l’Union européenne et une envolée des prix des produits alimentaires. Avec des taux à deux chiffres, celle-ci a brutalement remis dans l’actualité la question de la formation des prix agricoles et de leurs transmissions dans les filières agroalimentaires jusqu’aux prix payés par les consommateurs.
Dès les années 2000, le gouvernement espagnol avait créé un observatoire des prix de l’alimentation, et plus récemment un « Observatorio de la cadena alimentaria [1]», en s’attachant à conduire des études par produits, notamment en ce qui concerne les fruits et légumes, pour décomposer la formation des prix au long des filières de commercialisation. Par ailleurs de tels observatoires ont été constitués au niveau des différentes provinces espagnoles.
En France, l’Observatoire de Formation des Prix et des Marges a été créé en 2010, et produit chaque année un rapport relatif aux principales filières. Dans un cas comme dans l’autre, il ne s’agit pas d’outils de gestion des marchés, mais d’instruments d’analyse relatant a posteriori les conditions de formation des prix agricoles, en fonction des coûts de production, et leurs transmissions, en mettant en évidence les taux de marge aux différents stades des filières. Ces observatoires requièrent une disponibilité de données statistiques qui fait défaut dans de nombreux Etats membres de l’UE.
C’est pourquoi, dans un premier temps, les services de la Direction Générale de l’Agriculture (DG Agri) de la Commission ont mis en place des observatoires de marchés, « market observatories », qui portent sur huit filières (lait, viande bovine, viande porcine, sucre, céréales, oléoprotéagineux, fruits et légumes, vin) auxquels a été ajouté un observatoire des engrais. Faisant appel à des groupes d’experts professionnels, chacun de ces observatoires est chargé de mieux faire face à la volatilité des prix et d’interpréter les signaux de marché. La poussée inflationniste a conduit la DG Agri à créer plus récemment un nouveau groupe d’experts, l’Agri Food Chain Observatory (AFCO), observatoire des filières agroalimentaires qui a pour objectif d’analyser les conditions de formation des prix et des marges des filières agricoles jusqu’au consommateur.
Cet objectif de transparence converge avec les différentes dispositions prises par la Commission pour renforcer le pouvoir de négociation des agriculteurs, en dérogeant aux règles strictes de la législation de la concurrence. Il ne s’agit pas de la construction d’un Egalim européen, mais de corriger les effets d’asymétrie des relations commerciales des agriculteurs avec leur aval. À l’obligation de conclure des contrats écrits pourrait s’ajouter, selon un projet actuellement en discussion, une clause de renégociation en cas de fortes variations des prix à une échéance qui reste à définir (six mois, un an ?).
Ainsi, alignée sur le principe de fonctionnement des marchés en économie libérale, et en fixant des règles aménagées d’exercice de la concurrence, la Commission poursuit l’objectif d’un fonctionnement équitable des marchés, propre à assurer la rémunération des producteurs sans intervenir sur les modalités économiques des transactions. Au moment où en France, le gouvernement et les parlementaires vont jusqu’à envisager une loi Egalim 4 pour corriger les défauts des versions précédentes, il serait utile de s’interroger sur la nécessité d’un tel projet, en considérant que la législation et la réglementation européennes sont susceptibles de répondre aux mêmes objectifs avec une portée partagée par tous les acteurs européens dans le cadre du marché unique.
[1] Observatoire de la chaîne alimentaire