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10/11/2023

Vers le grand large de l’élargissement de l’UE

Huit pays se sont portés candidats à l’adhésion à l’Union européenne : l’Albanie, la Bosnie Herzégovine, la Moldavie, le Monténégro, la Macédoine du Nord, la Serbie, l’Ukraine et la Turquie. Et si pour cette dernière les négociations sont suspendues, deux autre États pourraient s’ajouter à la liste, la Géorgie et le Kosovo. Quelles que soient les considérations géopolitiques dictées par l’évolution de la situation internationale, face à cette perspective d’un élargissement de l’Union à 35 membres, voir 37, les gouvernements allemands et français ont mandaté des experts pour explorer les réformes institutionnelles de l’UE qui sont nécessaires pour réaliser ce nouvel élargissement. En effet, les ministères des affaires étrangères français et allemands, étroitement associés à ce travail reconnaissent que le fonctionnement des institutions actuelles ne permettrait pas de gérer la future UE élargie, pas plus que les modalités d’examen des candidatures ne sont adaptées au contexte géopolitique actuel.

Le rapport du « groupe des douze » a été rendu publique en septembre dernier sous le titre évocateur « Sailing on High Seas : reforming and enlarging the EU for the 21th century », tant il est vrai que les questions posées par ce nouvel élargissement conduiront l’Union à naviguer en haute mer et à affronter tous les aléas du grand large.

S’il est posé d’emblée que le Traité n’est pas négociable par les candidats, les 12 experts envisagent d’apporter préalablement à leur adhésion des modifications au fonctionnement de l’Union. S’agissant des défis institutionnels, ils recommandent de ne pas accroitre le nombre des députés européens en suggérant une harmonisation des lois électorales qui régissent leur élection. Le processus de décision devrait également être révisée pour passer de la règle de l’unanimité à celle de la majorité qualifiée pour tous les sujets à l’exception des politiques étrangères, de sécurité et de défense, ou encore de définir les domaines de compétence auxquels s’appliquerait le vote à la majorité qualifiée. Cette réforme impliquerait une révision de la répartition des droits de vote dont disposerait chacun des États membres. Le rapport se prononce également pour une modification de l’usage « trio » qui accompagne la présidence tournante du Conseil (la Présidence en cours, entourée par celle qui vient de s’achever et celle qui assumera le mandat suivant) pour un « quintet » qui permettrait d’assurer une meilleure continuité politique du traitement des dossiers. Dans ce même registre et pour améliorer le caractère démocratique des institutions, le choix du Président de la Commission pourrait résulter d’un accord entre le Conseil et le Parlement. Par ailleurs les citoyens européens et les différentes parties prenantes devraient être plus associées aux processus de décision, tandis qu’un Office de Contrôle indépendant à créer devrait avoir à charge de garantir les exigences d’honnêteté, de transparence et de non-corruption dans les institutions européennes. Dans le domaine judiciaire, les « 12 » proposent la constitution d’une Chambre conjointe des Hautes cours et des tribunaux des États membres.

Pour ce qui concerne les aspects financiers, le rapport propose une augmentation nominale du budget de l’Union à établir en proportion du Produit Intérieur Brut, une augmentation des ressources propres, une modification de la procédure d’adoption du budget en appliquant la règle du vote à la majorité qualifiée pour les dépenses, ou par coopération entre les États membres, et surtout la coïncidence entre l’agenda stratégique de l’UE avec le cadre financier pluriannuel.

Pour mener à bien l’adaptation des Institutions européennes à une Europe élargie, les douze experts envisagent 6 options de révision du Traité, en considèrant que certaines mesures devraient être prises immédiatement avant les prochaines élections européennes de 2024. Le rapport illustre les différentes modalités de participer au projet européen en considérant les cercles concentriques qui vont du noyau des pays de la zone Euro, de ceux qui participent à l’espace Schengen, des membres à part entière, des pays associés, et enfin de ceux qui constituent la Communauté de l’Europe Politique, dans une manière de suggérer qu’il y a différents degrés d’intégration et de participation au projet européen.

Dans les semaines et les mois à venir, ce rapport d’experts devrait inspirer les 27 dans les travaux en cours pour mener à bien les négociations d’adhésion, mais il est un autre domaine que l’UE va devoir aborder dans l’urgence : les politiques publiques actuelles et au premier chef celle de la PAC ne pourront s’appliquer telles quelles à une Europe à 35, voir à 37. Quel que soit le nouveau cadre institutionnel, et à supposer que le processus d’adhésion de ces pays aille à son terme, il faudra repenser la politique agricole en tenant compte des disparités de ressources naturelles, de structures agricoles, de contextes économiques et sociaux qui s’exerceront dans le cadre d’un marché défini par de nouvelles frontières. Un vaste chantier à mener à bien dans l’urgence pour éviter que la navigation européenne en haute mer ne s’abîme dans la tempête.