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Points de vue

Temps de lecture : 5 min

05/02/2021

Du puits aux ponts carbone : porteurs recherchent financeurs désespérément…

L’idée que le soleil serait à l’origine du réchauffement climatique de la terre est devenue au fil du temps, tristement, une vieille lune.

Ainsi l’agriculture, à elle seule, serait responsable de près de 20 % des émissions de gaz à effet de serre. Les émissions de protoxyde d’azote (en cause la fertilisation des sols via les engrais) ou de méthane (en cause nos ruminants) dont le pouvoir réchauffant serait d’ailleurs bien supérieur au CO², sont souvent pointés du doigt.

Et pourtant. Selon les études de l’INRAE et du GIEC, le potentiel puits carbone de l’agriculture demeure important. Des pratiques dites plus « stockantes » – développement de cultures intermédiaires, itinéraires techniques dédiés, prairies temporaires, haies, agro foresterie, etc…, – permettraient de réduire sensiblement l’empreinte carbone de la France. Dans le cadre du plan stratégie national bas-carbone, la France s’est engagée à atteindre une neutralité carbone en 2050 qu’il est possible de définir comme un équilibre entre les émissions anthropiques et les absorptions anthropiques de gaz à effet de serre sur le territoire national (C. énergie, art. L. 100-4). Diminution des émissions d’un côté et augmentation de la séquestration de l’autre demeurent fondamentalement les deux jambes d’une même politique.

Les 19ème Rencontres de Droit Rural[1], organisées conjointement, le 28 janvier, par Agridées et l’Association française de droit rural, en partenariat avec la Chaire de droit rural et de droit de l’environnement de l’Université de Bourgogne, sur le thème du CO² vert capturé par le droit, ont permis de dresser un état des lieux des forces et des faiblesses du label bas-carbone créé par un décret du 28 novembre 2018.

Du côté des forces, le plus impressionnant réside certainement dans l’élaboration de différentes méthodes scientifiques de stockage dites « additionnelles » dont les co-bénéfices écologiques ont été salués. La plupart ont été certifiées par le ministère de l’écologie et, petit à petit, elles essaiment sur l’ensemble du territoire. Assise sur une stratégie dite ascendante (« Bottom-up »), toute personne physique ou morale peut développer et soumettre, pour approbation, une méthode au ministère de la Transition. Après celles initiées par la filière forestière, c’est la méthode CARBON AGRI développée par l’Institut de l’élevage, qui a attiré tous les regards. Depuis octobre dernier sont également labellisées les méthodes dites « haies » et « plantation de vergers » et la méthode « grandes cultures » devrait suivre. Les projets labellisés sont inscrits dans un registre tenu par le ministère de l’Ecologie dès l’obtention du Label bas-carbone. La création d’un label, la certification des méthodes, l’existence d’un auditeur indépendant, sorte de tiers-garant qui contrôle la bonne exécution des projets, attestent de la transparence, de la robustesse, et du sérieux de la démarche. La crédibilité du label français est telle qu’il pourrait bien servir de modèle demain à une certification européenne.

Du côté des faiblesses, il faut bien avouer que les porteurs de projets recherchent des financeurs désespérément…Ce n’est pas tant le prix de la tonne de carbone qui ne semble pas dissuasif – 30 euros en moyenne – que l’absence de contreparties autres que la satisfaction personnelle d’avoir ainsi contribué à la lutte contre le réchauffement climatique.

L’acheteur de ce prétendu crédit carbone, sans valeur patrimoniale, peut être toute personne : particuliers, entreprises, collectivités,… Ils paient mais que reçoivent-ils en échange ? Même reconnues, les réductions d’émissions ne sont ni transférables, ni échangeables que ce soit de gré à gré ou sur quelque marché volontaire ou obligatoire que ce soit. Le dispositif ne pêche-il pas par un excès de frilosité ? Ne faudrait-il pas, pour être à la hauteur de l’enjeu, l’ouvrir notamment à la politique de la compensation écologique ; ceux qui, après une étude d’impact environnemental, seraient obligés, par décision préfectorale, de financer des stockages de carbone ? Une manière astucieuse de jeter un pont entre les activités humaines et de raisonner enfin en termes de bilan global plutôt qu’en silos. Déjà des collectivités comme La Rochelle s’émancipent du label bas-carbone stricto sensu pour créer un marché de crédits carbone[2].

Mais après tout, tel est sans doute l’ordre naturel des choses : après le temps de la science, vient celui de l’économie, puis seulement, en dernier lieu, celui du droit. Car le juriste, à l’instar d’un médecin, a besoin d’établir un diagnostic avant d’administrer un remède.

[1] En attendant la parution d’un ouvrage qui recensera l’ensemble des contributions écrites, il est possible de retrouver en vidéo les différentes interventions sur notre chaine YouTube : https://youtu.be/ymwcxEGJNQE?list=PLUjMWXcgUxX7wp77DYv782od6DWVxCiX-

[2] https://www.agglo-larochelle.fr/projet-de-territoire/territoire-zero-carbone