Il est possible et nécessaire de faire de la politique autrement, l’exemple du European Food Forum

Elue députée européenne en 2019, j’arrivais au Parlement européen avec une solide expérience dans le privé et aussi d’élue locale. J’ai siégé dans les commissions Agriculture et développement rural, Politique de Cohésion et Régions, et Femmes et l’Egalite de genre.

L’expérience passée dans le privé m’avait confrontée à des modifications de textes européens importants, et j’avais été frappée par la non-prise en compte dans les phases de concertation des contraintes économiques ou industrielles des acteurs de la chaîne alimentaire.

Le fait qu’une politique pensée dans un bureau soit applicable réellement sur des produits alimentaires tels qu’ils sont produits et vendus, que cette politique soit durable et fiable, me semble un moyen de réconcilier les citoyens avec le politique. Non seulement nous travaillons trop en silos, mais nous avons une tendance certaine à survendre et à sous-réaliser.

Le problème des silos est majeur : la commission Agriculture du Parlement européen n’a réellement le stylo que pour des textes qui touchent directement la production ; la commission Environnement s’occupe de tout ce qui a un impact environnemental ou sanitaire ; la commission Commerce négocie les accords internationaux…. Pourtant, tout est lié : un agriculteur qui aura une norme d’emballage ou de production européenne qui augmente ses coûts de production va être directement affecté par une perte de compétitivité avec des produits similaires importés non exposés aux mêmes normes.

L’objet du European Food Forum est justement de favoriser la mise en place de politiques européennes sur l’alimentation durable plus efficaces, mieux coconstruites, en sortant de nos silos politiques. C’est un forum transpartisan proeuropéen, qui aligne l’ensemble de la chaîne alimentaire, de la recherche aux associations de consommateurs ou d’aide alimentaire, de la distribution au syndicalisme agricole, du Comité des Régions à l’Institut Jacques Delors ; nous avons aussi des ONG et des fondations.

Depuis sa création nous avons organisé quarante-trois événements, mobilisant trois cent cinquante experts, autour de thèmes d’actualité législative ou conjoncturelle, avec la présence de la Commission européenne et bien entendu de parlementaires européens. Mieux se comprendre en s’écoutant, avec un dialogue forcément contradictoire entre experts, permet d’identifier les points de désaccord, mais également les points d’accord sur lesquels capitaliser, tout cela argumenté par des personnes qualifiées et proches de leurs sujets. De l’emballage à l’aide alimentaire, en passant par les nouvelles techniques de recherche génétique, l’étiquetage consommateur….

Pour la rentrée, nous allons mettre l’accent sur cette fameuse politique de concurrence, et bien entendu sur la révision de la directive pratiques déloyales.

Dans ces temps troublés de polycrises planétaires et simultanées, avoir un forum de dialogue qui permet d’identifier rapidement les points d’accord comme les points de rupture est essentiel si nous voulons être au rendez-vous que l’Histoire et le Climat nous donnent. C’est avec un pincement au cœur que j’ai quitté le Parlement Européen, mais le fait que l’European Food Forum continue de plus belle me le réchauffe ! Mon engagement en faveur des agriculteurs et d’une agriculture plus résiliente reste intact !