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3 questions à

Temps de lecture : 5 min

22/08/2020

Henri CAZAJUS

Notre think tank agridées, composé de son Bureau et collaborateurs, a pu visiter la Ferme agroécologique de La Tremblaye, située en lisière de la forêt de Rambouillet. Accueillis par son gérant Henri Cazajus, engagé et passionné, l’équipe a pu apprécier son approche pionnière en Agro écologie basée sur le respect des Hommes, des animaux et des sols. La ferme, spécialisée en fromage au lait cru (certifiée AB et B corporation), élève des vaches jersiaises et holstein, et des chèvres. Et propose fromages et yaourts d’excellence plusieurs fois médaillés. Une unité de méthanisation (biogaz) recycle les effluents de ses productions la rendant autonome en énergies renouvelables depuis 2013.
Nous avons demandé à Henri Cazajus de nous raconter les origines de cet endroit pionnier en de nombreux domaines et de nous parler aussi d’avenir et de fromages…

1/ Qu’est-ce qu’un Béarnais est venu faire dans les Yvelines ? Racontez-nous votre parcours…

Je pourrais évoquer un béarnais fameux qui vint à Paris annexer la France à la Navarre, il rétablit la paix après des années de guerre civile mais cela lui coûta la vie, rue de la Ferronnerie. Pour l’instant j’ai échappé à ce destin funeste mais n’atteins pas la cheville d’un tel roi, si ce n’est d’avoir écouté les recommandations de son « mesnager des champs » aujourd’hui on dit agronome, Olivier De Serres de grand renom… je suis protestant comme eux mais la comparaison s’arrêtera là.

Equipé d’un BTSA Productions Animales, après avoir ramassé du lait en camion pendant les vacances, j’ai commencé à travailler en 1980 dans l’ancienne laiterie de mes parents, au contact des producteurs de lait (310 pour 41 000 000 L de lait) à la frontière de la Bigorre : imaginez, je collectais du lait à 2 km de la grotte de la Vierge à Lourdes ! Puis la zone de collecte a été cédée à la Fromagerie des Chaumes en 1985, c’est alors que je suis rentré dans le Groupe SAVENCIA ainsi appelé aujourd’hui, œuvrant aux Fromageries des Chaumes jusqu’en à 1998, pour développer la zone malgré les quotas laitiers survenus en 1985.

En 1998 je suis venu assister le directeur des achats matière première à Viroflay au siège de SAVENCIA, nouvelle direction après « l’acquisition » de l’ULN soit 2 milliards de litres de lait s’ajoutant au milliard de SAVENCIA en France. Nous étions alors acteurs de changement dans le Groupe SAVENCIA durant neuf années.

Puis en 2007, Mr Jean-Noël BONGRAIN fondateur du Groupe SAVENCIA me confiait la gérance de sa ferme indépendante du Groupe, la Ferme de la Tremblaye. Alors nous avons partagé ensemble ce concept de l’agriculture de demain, autonome en énergie, allant du champ à l’assiette avec des fromages d’exception, ayant du sens.

2/ Quelle est l’histoire de ce lieu (La ferme de la Tremblaye) réputé jusqu’aux USA pour produire « les produits au lait cru les plus sûrs de la planète » ? Quelle approche a été privilégiée et avec quels investissements (financiers, humains, recherche etc.) ?

Mr BONGRAIN produisait en Haute Marne des fromages classiques puis acculé à la surenchère sur la ressource laitière de ses concurrents, il est allé dans un ailleurs et a créé le Caprice des Dieux, c’est toujours le succès premier de son groupe, devenu international avec des sites de production sur tous les continents et plus de 22 000 collaborateurs.

Au lieu d’habiter sur le lieu de production, il est venu en 1967 habiter en un lieu proche de son marché, la région parisienne et c’est à la Ferme de la Tremblaye qu’il s’est installé. Première décision, sur les conseils d’un agronome suisse, ce fut d’acheter des vaches pour augmenter le taux de matière organique de ses sols pauvres, ayant supporté céréales sur céréales pendant des décennies. L’aventure des fromages commence, quand le lait UHT vient remplacer le lait Stérilisé. Création par son fils Armand BONGRAIN d’une véritable innovation, un Couloumier au géotricum et non au péniccilium, c’est le Saint Jacques toujours en vente ici. Puis les innovations n’ont pas cessé de se poursuivre…. Le lait cru fut un virage important en 2009, poussé par le décret fromage de juillet 2007 avec un investissement important pour assainir le lieu de couchage des vaches d’une part et pour sortir de l’enfer des céréaliers entourant la ferme, qui exigeaient 3 T de fumier contre 3T de paille : du vol ! Ainsi nos terres sont alors passées de 1,1% de MO à plus de 2% et nous visons 3% grâce à l’Agriculture de Régénération, sans labour, avec couverture végétale permanente, méteils et science du végétal adaptés à notre environnement pédoclimatique. Agroforesterie, méthanisation, biosécurité des produits profitent au marché américain même si on ne peut pas y exporter du fromage au lait cru mais non seulement on gagne en sécurité mais on gagne en goût de nos produits y compris en laits pasteurisés, sur des durées de vie plus longues que celle de nos concurrents. Un Industriel ne peut pas rivaliser avec un Fermier !

L’approche est simple : biodiversité, biodiversité, biodiversité.

3/ 2020 a été une année de consécration pour la Ferme de la Tremblaye, notamment en termes de communication avec les consommateurs. Le confirmez-vous ? Quels efforts ont été faits ? Quel est votre prochain challenge : le « bio » à la puissance 3 ?

Oui 2020 c’est d’abord la médaille d’Or au Concours Général Agricole sur notre fromage Bleu de Chèvre puis l’agrément B Corporation le 27 février après avoir découvert que nous avions 73 actions RSE ! Puis la certification BIO le 28 mars après 2 années de conversion ! Nous augmentons le prix de nos fromages de +30% en 2 ans … pour une juste rémunération du premier échelon de la filière, le producteur fermier !  Enfin tout récemment, plus de 4 000 visiteurs lors du premier PARI FERMIER à la Ferme de la Tremblaye, ce dernier week-end du 12 et 13 septembre 2020ce qui va conforter notre ouverture du magasin de vente faite en juillet 2020 !  C’est un acte de communication fort, physique, tactile, auprès des consommateurs, en circuit court, servi par notre site internet et notre présence active sur les réseaux sociaux. La société a besoin du contact humain avec le producteur des produits qu’il consommés, produire des aliments de façon éthique devient un geste politique, c’est essentiel en ces temps de perplexité, sur la mondialisation et ses revers.

Le premier challenge est d’assurer la sécurité du fromage au lait cru et cela passe par la biodiversité dans la rigueur éthique et technique de tous les instants. Mais ce challenge rentre dans la recherche d’un BIO, plus que bio, qui agit selon les 3 piliers de l’AgroEcologie :

– Respect du sol et de la ressource en eau, ce que le Bio Conventionnel ne fait que très très partiellement,

– Respect du bien-être animal, ce que le Bio ne fait pas, du moins le fait mal car par exemple pâturer sans ombre, envoyer une vache à la pâture alors qu’elle vient d’accoucher, ce n’est pas respecter le Ruminant,

– Respect de l’Homme, d’abord le bien-être de l’Agriculteur lui-même, en quoi le Bio le respecte en l’obligeant à monter sur son tracteur pour désherber mécaniquement et gaspiller du pétrole… cela n’a aucun sens !

Mais pour rendre le BIO à la puissance 3 possible y compris en grandes cultures, il faut réimplanter le Ruminant dans les zones de grande culture en France, c’est le retour à une Agriculture Systémique autrefois pratiquée, dite « Polyculture Elevage » !

Tout ceci procède d’un sobre bon sens paysan !