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3 questions à

Temps de lecture : 3 min

06/09/2024

Yolène Pagès, agricultrice, directrice de Nuffield France et députée suppléante

Yolène Pagès, agricultrice dans l’Aveyron et directrice de Nuffield France nous parle de l’Association Nuffield qu’elle a présidé de 2019 à 2024 et qu’elle dirige aujourd’hui. Ouverture d’esprit et échanges culturels garantis… 

1/ Qu’est-ce que Nuffield ? Quelle est votre actualité ?

Nuffield est un réseau agricole qui rassemble à l’échelle internationale des passionnés d’agriculture, que rapprochent leur curiosité et leur ouverture d’esprit, la volonté de se dépasser pour chercher des idées nouvelles et des solutions pour faire évoluer l’agriculture. Ces personnes ont des profils très divers : des agriculteurs, des pêcheurs, mais aussi des collaborateurs ou dirigeants d’organismes et d’entreprises du secteur agricole au sens large. Le prérequis est d’avoir une certaine maturité qui permettra de pleinement bénéficier du parcours Nuffield.

Nuffield c’est également le nom du Lord Anglais qui est à l’origine de ce concept unique lancé en 1947 en Angleterre. Issu de l’industrie (le fameux tracteur Nuffield !), au lendemain de la IIème guerre mondiale, il a voulu donner l’opportunité à des personnes qui travaillent dans le secteur agricole d’aller s’inspirer d’idées et de pratiques nouvelles à l’étranger pour développer leur entreprise ou leur secteur de retour chez eux. Près de huit décennies plus tard, le réseau rassemble près de 2000 membres à travers le monde, dont une cinquantaine en France. C’est un sacré carnet d’adresses que l’on garde tout au long de sa vie.

Concrètement, Nuffield c’est une bourse (10 000€ environ) qui sert à financer des voyages à l’étranger à la rencontre d’autres personnes qui ont de l’expérience sur un sujet d’exploration choisi par le candidat. Il y a un appel à candidature chaque année. Vous pouvez d’ailleurs postuler en France jusqu’au 30 septembre prochain. Le processus de sélection inclus un jury composé d’anciens lauréats et des partenaires financeurs.

Chaque année plus de 80 lauréats bénéficient de cette bourse à travers le monde. Ils ont 40 ans en moyenne et il y a autant de femmes que d’hommes. Ils démarrent ensemble le parcours Nuffield par la conférence des lauréats de l’année, Contemporary Scholars Conference en anglais. En mars 2025, les lauréats se retrouveront ainsi en Nouvelle-Zélande. Cette conférence est organisée chaque année par des anciens lauréats, dans un pays où le réseau est actif. C’est la première étape, très formatrice et stimulante, du parcours Nuffield.

Ensuite, avec ce carnet d’adresses enrichi, les lauréats disposent d’un an et du reste de leur bourse pour organiser des déplacements individuels sur le sujet qu’ils ont choisi, qu’ils mènent de front avec leur vie professionnelle et familiale. Deux ans après leur sélection, ils doivent restituer leurs réflexions dans un rapport et lors d’une présentation orale organisée au sein de Chambre d’agriculture France. L’aptitude des lauréats à communiquer fait partie des critères de sélection. L’ensemble des rapports est disponible librement sur le site de Nuffield UK .C’est une formidable base de données pour faire avancer l’agriculture.

Ensuite, l’expérience Nuffield se s’arrête pas là, puisqu’elle dure toute une vie. D’ailleurs, les anciens lauréats s’accordent à dire « qu’une bourse Nuffield change une vie ! ». Régulièrement les lauréats, qu’ils soient anciens ou nouveaux sollicitent le réseau pour des mises en relations professionnelles.

L’association Nuffield France, composée d’anciens lauréats, s’occupe du suivi des lauréats, du lien avec les partenaires financeurs, de l’organisation d’évènements en France dont la visite de lauréats étrangers et de représenter la France au sein du réseau Nuffield International.

 

2/ Vous avez été présidente de cette association pendant 5 ans, quel bilan dressez-vous?

J’ai été lauréate de la bourse Nuffield en 2017 pour mes 30 ans, j’ai enchaîné en prenant la Présidence juste après la fin de mon parcours, ce qui est rare parmi les dirigeants des associations des autres pays Nuffield. J’ai représenté la France dans cette sphère. J’étais bien souvent la plus jeune parmi des personnes qui ont des parcours professionnels très riches et dont l’humilité m’a marquée. J’ai appris à construire des projets avec des personnes qui n’ont pas la même culture, ne partagent pas la même langue maternelle, mais sont tous guidés par l’envie de donner l’opportunité à d’autres de bénéficier de cette ouverture et tremplin de carrière qu’est Nuffield. C’est le fameux « giving back », cher aux Anglais.

Au-delà de ces instances internes au réseau Nuffield, j’ai pu participer à plusieurs évènements à l’initiative de la FAO, de la Commission Européenne ou encore de la World Farmers Organisation.

Dans un pays comme la France réputé pour ses clivages, j’ai eu à cœur que Nuffield France porte un projet associatif qui rassemble différentes sensibilités et où se retrouvent différentes formes d’agriculture. Aussi, le fonctionnement de l’association nécessitait d’être structuré pour se pérenniser, car celui-ci reposait uniquement sur l’implication bénévole de ses membres, tous anciens lauréats. Un fonctionnement collégial en bureau a été institué et un poste de direction a été créé in fine.

Il y avait également le besoin de diversifier les financements et de les augmenter, car Nuffield France est autonome financièrement vis à vis des autres pays Nuffield et ses fonds proviennent à 100 %des sponsors de l’association. De nouveaux partenariats ont été tissés avec des têtes de réseaux de différentes filières en France.  Ainsi, en 5 ans, nous avons réussi à stabiliser le financement de 3 bourses par an. Et Nuffield France peut compter aujourd’hui sur des partenaires fidèles comme la Confédération Nationale de l’Elevage (CNE), AGPB, Crédit Agricole et PleinChamp, Chambres d’agriculture France, Actura, Comexposium, Axema, Cultivar ou Agrilys.

J’ai aujourd’hui passé le flambeau de la Présidence à Baptiste de Fressanges, lauréat de la bourse en 2015 et agriculteur dans l’Allier.

 

3/ Et demain, quels sont les projets pour Nuffield ?

Nous avons besoin de faire connaître Nuffield qui reste encore trop méconnu en France. La mise en avant des parcours des anciens lauréats français est le meilleur CV qui soit !

En Australie, par exemple, il y a près de 30 lauréats par an pour un montant de bourse bien plus conséquent (>24 000€/candidat). Faire une bourse Nuffield là-bas est vraiment considéré comme un graal qui vous assure la reconnaissance de la profession. C’est un parcours reconnu pour les responsables professionnels agricoles, les porteurs d’innovation ou toute personne exerçant un poste à responsabilité dans l’agriculture. Un des « équivalents » de l’INRAE, le CSIRO, finance chaque année une bourse pour récompenser un de ses chercheurs et aussi parce qu’ils estiment que c’est un bon moyen de rapprocher la recherche du terrain. De plus le gouvernement australien apporte un soutien financier à Nuffield Australie car c’est un outil efficace pour trouver des solutions face au changement climatique.

En France, l’objectif que nous nous sommes fixés c’est de pouvoir financer 6 bourses en 2026. Nos homologues irlandais y parviennent ! Avec tous les défis auquel doit faire face l’agriculture, nous recevons un nombre croissant de candidatures. L’objectif sous-jacent est donc de trouver le financement à cette hauteur-là.

Investir dans Nuffield c’est investir pour le développement d’une agriculture positive et entreprenante, à la recherche de solutions. Pour les partenaires qui financent, c’est l’assurance d’une adéquation parfaite avec une politique ambitieuse de Responsabilité Sociétale des Entreprises !