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15/06/2022

Coup de semonce pour la décarbonation

Le 8 juin 2022, le Parlement européen a voté contre l’adoption de trois mesures phares du paquet « Fit for 55 » de la Commission : le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), une réforme du système européen des quotas d’émissions (SEQE) et la création d’un fonds social pour le climat destiné à atténuer les effets du coût de l’énergie pour les foyers des européens.

C’est un véritable coup de semonce pour la Commission, et pour le Conseil qui avait approuvé ces propositions. Au cœur de cet événement surprise, des intérêts contradictoires se sont ligués pour faire échouer des propositions qui avaient pourtant réuni un consensus au sein de la commission environnement de Parlement.

L’enjeu pourrait se résumer à la question de la disparition plus ou moins rapide des quotas gratuits du SEQE.En effet, depuis 2005, date de mise en œuvre du système d’échange, les 11000 installations considérées responsable de 40% des émissions de gaz à effet de serre (GES) bénéficient de l’octroi de quotas gratuits d’émissions, puis progressivement de quotas alloués par adjudications en contrepartie d’un abaissement progressif du plafond autorisé d’émission. Outre l’incitation à adopter des technologies moins émettrices, les quotas gratuits présentent l’avantage de limiter le risque de délocalisation des activités hors de l’Union et des pays qui participent au SEQE (Royaume Uni, Islande, Norvège, Lichtenstein).

 

Cependant, les difficultés pour créer une valorisation de la tonne carbone ont conduit à porter progressivement la part des quotas payants jusqu’à 60% et à créer un mécanisme de réserve de stabilité du marché pour retirer annuellement 12% des quotas. C’est dans ce contexte qu’est né le projet d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pour éviter les risques de fuite de carbone par délocalisation en substitution des quotas gratuits voués à disparaitre. Il s’agirait dans un premier temps d’appliquer aux importations des secteurs du ciment, du fer et de l’acier, de l’aluminium, des engrais et de l’électricité un système de souscription de certificats en fonction du contenu carbone des produits importés. Parallèlement les allocations de quotas gratuits seraient réduites jusqu’à disparaitre totalement en 2030.

 

Les représentants des secteurs concernés ont manifesté le souhait d’une période d’adaptation plus longue et ont émis des critiques sur le caractère asymétrique du MACF qui conduirait à pénaliser les exportations européennes. Alors que la Commission environnement avait déjà modifié la proposition initiale en réduisant l’objectif de réduction de 67% à 63% en 2030, et en ramenant les suppressions de quotas gratuits à 70 millions de tonnes en 2024 et 50 millions en 2026, contre la proposition de la Commission Européenne de 117 millions dès 2024, les amendements des parlementaires du centre-droit portaient à 2034 la fin de ceux-ci. De l’autre côté de l’hémicycle de Strasbourg, les élus de la gauche et les verts se sont décidés à s’opposer à une réforme jugée insuffisamment ambitieuse. Alors que Frans Timmermans, Vice-Président de la Commission, s’était évertué à convaincre les parlementaires européens, et que le président de la commission de l’environnement, Pascal Canfin, se préparait à fêter un jour historique, une majorité de députés a voté contre l’ensemble du projet.

 

Ce coup de théâtre est aussi un coup d’arrêt pour la mise en œuvre du Pacte Vert et de l’ambition de réduire les émissions de GES de 55% à l’horizon 2030 par rapport à la référence de 1990. Concrètement, la date du 1er janvier 2023 prévue pour le lancement du MACF devra être reportée en fonction des délais qui seront nécessaires pour soumettre une nouvelle proposition aux parlementaires. De quoi satisfaire les secteurs concernés qui plaidaient pour une plus longue période d’adaptation.

 

Alors que l’agriculture européenne subit depuis 2021 une très forte hausse du prix des engrais corrélés au prix du gaz, aggravée depuis l’invasion russe de l’Ukraine, ses représentants ont également manifesté les mêmes préoccupations à l’égard du projet de suppression des quotas gratuits et de création du MACF susceptible de générer une hausse structurelle de la fertilisation pour laquelle les données font défaut.

 

Cette péripétie parlementaire serait anecdotique si elle ne remettait pas en cause un calendrier dont l’urgence de lutte contre le changement climatique fait consensus par ailleurs. Au-delà du jeu combiné des partis et des lobbys qui a conduit à cet imbroglio, la Commission européenne porte la plus grande part de responsabilité de cet échec lorsqu’elle persiste à ne pas réaliser les études d’impact exhaustives qui permettraient d’objectiver les débats.