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3 questions à

Temps de lecture : 5 min

30/04/2020

Jérôme RIPOULL

Jérôme Ripoull co-président de Comfluence-Opinion Valley revient avec nous sur les grandes lignes d’un sondage réalisé par Odoxa pour Comfluence, les 8 et 9 avril 2020, et portant sur les conséquences de l’épidémie et les attentes des Français pour « l’après ». Couvrant d’une façon large les attentes des Français, cette étude nous éclaire sur des changements lourds qui semblent s’opérer dans leurs priorités.

1/ Quelles sont les grandes lignes de votre nouvelle étude sur les perceptions de l’agriculture et les attentes des Français et quelles surprises avez-vous eu (ou pas) en analysant les résultats ?

Plus que des surprises, notre étude avec ODOXA révèle des accélérations fulgurantes de perceptions. Ainsi, nous étions tous au fait de la désindustrialisation de notre pays, comme de la concurrence étrangère à l’égard de notre agriculture. Mais, pour la première fois, les Français ont physiquement pris conscience des faiblesse productives françaises. Dans le domaine sanitaire et industriel, ils constatent que notre pays ne fabrique plus de masques ou de respirateurs, et qu’il est dépendant de la Chine et de l’Inde pour ses médicaments. Pour eux, c’est une sorte de choc. S’agissant de l’agriculture, nos compatriotes mesurent l’importance de certaines importations venant de pays à bas coût. Ils découvrent aussi à quels points nos exploitations sont dépendantes de la main d’œuvre saisonnière venant d’Europe et d’ailleurs.

Cette prise de conscience aigüe conduit les Français à vouloir que l’Etat assure les bases d’une nouvelle souveraineté productive. Très logiquement leur attente est massive à l’égard de l’agriculture qui arrive en tête des préoccupations. 93% des sondés demandent que le Président et le gouvernement garantissent l’autonomie agricole française après la crise.

L’agriculture peut revenir au premier rang des priorités politiques et c’est une excellente nouvelle. De plus, les effets induits par cette nouvelle donne devraient être durables selon nous. Certaines polémiques vont être relativisées, et nos concitoyens vont donner plus de prix à l’origine de leurs achats.

2/ La relocalisation des productions semble plébiscitée par les Français que vous avez interrogés…avec en contrepartie une augmentation du prix final pour les consommateurs. Est-ce que cela relève du simple déclaratif peu engageant, ou d’une vraie « révolution » dans les priorités budgétaires des Français qui de toute façon vont changer dans les semaines à venir ?

Juste après l’enjeu de l’autonomie agricole, nos concitoyens attendent de l’Etat qu’il s’engage dans la relocalisation des productions. Mieux, le sondage met en évidence que 89% des sondés y sont favorables « même si cela augmente le prix final pour le consommateur ».

Cela dit, beaucoup d’observateurs de la filière agro-agri sont dubitatifs sur la capacité du consommateur à payer le vrai prix des produits. ils postulent que les tendances lourdes des 40 dernières années vont se répéter. Pour eux, le prix – dans cette guerre imposée par la grande distribution – va encore l’emporter comme critère de choix. En cela, je crois qu’ils font erreur et n’ont pas pris en compte des évolutions antérieures qui vont s’accélérer.

En septembre 2018, nous avions fait une précédente étude sur les critères d’achat du consommateur. Certes, le prix arrivait en tête avec 71% de Français très attentifs à ce critère. Mais déjà à l’époque, le second critère avec 60% était que « le produit soit made in France » ! Deux ans plus tard et après la crise, nous parions que le produit en France deviendra un critère de choix prépondérant chez le consommateur.

Mais attention, ce n’est pas un fait acquis. Il faut labourer le terrain et convaincre les Français.

Chez Comfluence nous allons accompagner les acteurs des filières dans ce retournement de tendance. L’objectif est de faire du lieu de production un atout majeur. Il est aussi de retourner le critère du prix et d’en faire, à la hausse, un marqueur de proximité, de saisonnalité et de qualité.

La vraie révolution est de faire en sorte que l’alimentation cesse d’être la portion congrue dans le budget des ménages et qu’elle y retrouve sa juste place.

3/ Selon vous, en quoi les acteurs de l’agriculture et de l’alimentation doivent se servir de cette nouvelle donne qui semble désormais bien actée (vous parlez de « non retour en arrière possible ») ?

Cette pandémie est un évènement déterminant du XXIème siècle dont les impacts seront sanitaires, économiques et sociétaux. Les comportements du consommateur vont indubitablement évoluer, même rien n’est écrit. Dans les pays développés, les tenants d’une écologie radicale pourraient tirer profit de ce marasme, expliquer que la crise est le résultat des excès humains et invalider des modes de production à tous les niveaux : industrie, services, agriculture et agro-alimentaire. Ce n’est pas le scénario que nous privilégions.

Au sein de Comfluence, nous tablons sur plusieurs effets positifs.  Une nouvelle donne pourrait se construire avec des consommateurs dont un plus grand nombre sera conscient du coût réel de son alimentation. De plus, à court terme, l’opinion publique devrait être moins réceptive aux polémiques sur l’agriculture qui avaient pris une ampleur médiatique disproportionnée ces derniers mois. Conséquemment, nos compatriotes seront plus compréhensifs, davantage à l’écoute des besoins et des exigences de l’agriculture.

Pour cela, il appartient à tous les acteurs agricoles de prendre la parole, d’aborder des sujets d’avenir, de faire partager leurs attentes et leurs défis. De valoriser leurs métiers (des milliers d’agriculteurs vont partir à la retraite), d’expliquer leurs contraintes, de réclamer un nouveau cadre à l’Etat (sur la productivité coût en particulier). Il faut poser les bases de l’AgriCaring !