3 questions à
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14/06/2024
François-Xavier Huard, Président-directeur général de la FNIL
La Fédération nationale de l’Industrie laitière (FNIL) est le porte-parole des entreprises laitières privées. Elle représente une centaine d’entreprises de toutes tailles, des leaders mondiaux aux PME, implantées dans toute la France, qui emploient 36 000 personnes et génèrent un chiffre d’affaires de près de 20 milliards d’euros, dont 40 % à l’exportation.
Suite à la conférence d’Agridées du 6 juin 2024 consacrée à la souveraineté alimentaire à laquelle il a participé, François-Xavier HUARD Président-directeur général de la FNIL répond à nos questions.
1/Le 6 juin 2024, dans vos propos, vous avez insisté sur l’importance de l’exportation dans l’équilibre économique de la filière laitière, pourriez-vous préciser votre pensée ?
La filière laitière a la particularité d’exporter 40% de sa production et d’être la première filière d’élevage à présenter un excédent commercial positif de l’ordre de plus de 3 milliards d’euros. Nous pouvons en être fiers !
Il ne faut pas opposer souveraineté alimentaire et export. C’est grâce à l’export que nous créons de la valeur dans les territoires, dans les laiteries, dans les fermes, qui nous permettent de rester compétitifs et de continuer de fabriquer des produits laitiers sains, durables, accessibles et de grande qualité.
L’exportation contribue à la fois à la promotion de notre savoir-faire laitier mais aussi à la valorisation de notre production et donc à la rémunération de l’ensemble des maillons de la filière, en premier lieu les producteurs de lait.
2/ La filière laitière est un exemple emblématique des négociations entre les maillons de la chaîne alimentaire (production/industrie/distribution), comment évaluez-vous l’apport des textes EGALIM ?
Avant même les lois Egalim, la filière laitière a été la première filière alimentaire française à intégrer des principes comme la contractualisation obligatoire à l’initiative de l’acheteur pour la production de lait cru dès 2011. Les lois Egalim 1 et 2 sont venues compléter le dispositif législatif en obligeant la prise en compte des coûts de production dans la détermination du prix du lait acheté aux producteurs et en généralisant l’obligation de contractualisation écrite pluriannuelle entre les producteurs agricoles et leurs premiers acheteurs.
Grâce à Egalim, la construction du prix dans la filière laitière se fait en marche avant. Ainsi, en instaurant la non-négociabilité de la matière première agricole et l’automaticité de l’évolution du prix tout au long du contrat pluriannuel, Egalim apporte la visibilité et la prévisibilité attendues par les producteurs laitiers.
Les lois Egalim ont également eu un effet positif sur le prix du lait payé par les industriels aux producteurs et sur la marge de ces derniers : avec une augmentation de +30% en deux ans, le prix du lait a augmenté plus vite que l’indice des coûts de production des éleveurs (IPAMPA) et la marge des producteurs n’a jamais été aussi élevée depuis 10 ans.
Les limites d’Egalim se trouvent dans la bonne application de ses dispositions et la clarification des modalités de mise en œuvre pour rendre ces lois pleinement opérationnelles. Enfin, Egalim ne pourra pas être la réponse unique à la question légitime de la rémunération des agriculteurs. Nous devons également nous poser la question de la compétitivité de la ferme et de la laiterie France.
3/ La décarbonation de l’activité des éleveurs laitiers progresse sensiblement. De quels soutiens bénéficient-ils de la part des industriels, dans une stratégie globale ?
Après des efforts significatifs depuis plus de 15 ans, la filière laitière souhaite se fixer une nouvelle trajectoire ambitieuse de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans la prochaine décennie. Fruit d’un travail interprofessionnel rigoureux, chiffré et partagé, cette trajectoire de réduction d’émission de gaz à effet de serre est une première en France pour une filière agricole : -20% dans les élevages laitiers d’ici 2030 et -35% dans les laiteries.
Nous n’y arriverons que grâce à des actions de terrain, en proximité, dans le cadre des relations quotidiennes que les laiteries et leurs équipes entretiennent avec les éleveurs : lors de la collecte, des diagnostics et des plans d’action réalisés dans les exploitations par les techniciens des laiteries et par des aides financières dans les contrats.
80% des émissions de la filière se situent dans les fermes. Nous sommes donc interdépendants : pour tenir la trajectoire, nous devons travailler main dans la main, laiteries et éleveurs, pour activer tous les leviers nécessaires : gestion du troupeau, alimentation, génétique, gestion des effluents…
Compte tenu des investissements significatifs à engager et des marges réduites des industriels et des éleveurs, il est indispensable que les efforts de ces derniers s’accompagnent d’un soutien des consommateurs et d’un effort de pédagogie sur la valeur réelle d’une alimentation saine, durable, locale et de qualité. Par ailleurs, l’appui financier des pouvoirs publics sera nécessaire pour accompagner les démarches de transition écologique de la filière.