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Temps de lecture : 4 min

26/07/2023

Glyphosate, le retour ?

Commercialisé depuis 1974, le glyphosate est l’herbicide le plus utilisé dans le monde. Lancée par la firme américaine Monsanto sous la marque Roundup, la matière active est tombée dans le domaine public en 2000, et fait depuis l’objet de différentes formulations par les entreprises de l’industrie phytosanitaire.

L’utilisation du glyphosate en combinaison avec des variétés OGM de maïs et de soja tolérantes à ce désherbant a suscité de fortes réactions de rejet de la part de minorités agissantes. Dans leurs arguments, il est apparu difficile de dissocier les oppositions à l’utilisation des OGM de celles des critiques de la stratégie hégémonique de Monsanto ou encore de la toxicité supposée du glyphosate. C’est en Europe que ce débat a atteint son paroxysme, et la France en a été l’un des foyers les plus vifs. Ainsi en 2017, le gouvernement français dit s’engager dans un plan de sortie du glyphosate, en considérant ne pas vouloir porter la responsabilité politique d’autorisation d’un produit dangereux pour la santé, et éviter par application du principe de précaution une crise équivalente à celle de l’amiante ou du sang contaminé. Des décisions successives des tribunaux et de l’ANSES conduisent en 2019 à supprimer des autorisations de mise en marché de certaines formulations à base de glyphosate, ou d’en interdire la vente aux particuliers. Le mouvement d’opinion gagne en ampleur au point que certains maires prennent des arrêtés d’interdiction, dont une partie sera invalidée par les tribunaux administratifs, considérant que le sujet reste du ressort de l’État.

Au niveau mondial, les instances compétentes réalisent de nombreuses études et leurs avis contradictoires nourrissent autant de polémiques. Ainsi en 2015, le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) de l’OMS classe le glyphosate comme probablement cancérogène pour les êtres humains, tandis que l’année suivante le Groupe de travail commun sur les résidus des pesticides (JMPR) de l’OMS et de la FAO conclut qu’il est improbable que le glyphosate pose un problème de cancérogénicité pour l’alimentation humaine.

Dans l’Union européenne, l’Agence Européenne des Produits Chimiques (ECHA) émet en 2017 un avis confirmé en 2022 selon lequel le glyphosate n’est ni cancérogène, ni génotoxique, ni reprotoxique, alors que l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (AESA) avait déjà considéré en 2015 improbable que le glyphosate soit cancérogène pour l’homme. En décembre 2017, la Commission européenne a prolongé pour 5 ans l’autorisation de mise en marché du glyphosate, de sorte qu’en l’absence d’une nouvelle autorisation, la commercialisation devait prendre fin en décembre 2022.

La substance a fait l’objet d’une demande de renouvellement datant du 12 décembre 2019. La Commission a alors désigné comme Etats rapporteurs la France, la Hongrie, les Pays-Bas et la Suède, constituant l’Assessment Group on Glyphosate (ACG). L’évaluation des risques de l’herbicide a néanmoins pris du retard, compte tenu notamment de la quantité d’observations à traiter dans le cadre de la consultation publique sur le projet initial de rapport d’évaluation du renouvellement, mais également au regard des demandes d’informations complémentaires sollicitées par l’AESA. Aussi en décembre dernier, la Commission européenne a-t-elle été contrainte de prolonger l’homologation de la substance jusqu’au 15 décembre 2023.

C’est le 6 juillet 2023 que l’AESA a publié un communiqué établissant que « l’évaluation de l’impact du glyphosate sur la santé humaine, sur la santé animale et l’environnement n’a pas identifié de domaine de préoccupation critique ». Il est certain que la publication imminente des conclusions et des documents de référence correspondants à cet avis vont alimenter les débats publics et les prises de position des États membres vis-à-vis d’une nouvelle autorisation de mise en marché.

L’enjeu est crucial pour les agriculteurs européens, et en particulier pour ceux qui se sont engagés dans les pratiques vertueuses du non-labour et de l’agriculture de conservation des sols pour lesquelles l’utilisation d’un herbicide est indispensable. L’enjeu politique pour l’opinion publique européenne est tout aussi important dans la mesure où les avis scientifiques sont de nouveau confrontés à des convictions idéologiques. Avec le retour possible du glyphosate, en aura-t-on fini avec la diabolisation symbolique de cette molécule ?