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02/06/2023

Les initiatives européennes de gestion de crise

La crise sanitaire, comme l’invasion russe de l’Ukraine ont impacté le bon fonctionnement de l’économie européenne en perturbant les courants d’échange et les chaines d’approvisionnement. Malgré l’aspect relativement favorable de la résilience du secteur agroalimentaire lors de la phase la plus aiguë de la pandémie, le constat du manque de préparation collective a conduit la Commission européenne à concevoir fin 2021 la nécessité d’un travail sectoriel pour mieux se préparer à affronter ce type de situation.

Le déclenchement des hostilités par la Russie en février 2022 a précipité le début des travaux de l’EFSCM (European Food Security Crisis preparedness and response Mechanism – Mécanisme européen de préparation et de réponse aux crises de sécurité alimentaire). Ce groupe d’experts des professions agroalimentaires et des États membres est piloté par la Direction Générale de l’Agriculture (DG Agri) avec la collaboration de la Direction de la sécurité sanitaire des aliments (DG Santé), et de la Direction des affaires maritimes et de la pêche (DG Mare). Après un an de travaux, le groupe d’experts s’est réuni le 28 avril dernier pour faire le bilan des avancées en matière d’outils de gestion des données, de communication de crise, et de diversification des sources d’approvisionnement. Les principales propositions seront soumises à approbation en juin prochain.

Parallèlement, la Direction Générale du Marché Intérieur, de l’Industrie, de l’Entreprenariat et des PME (DG Grow) avait lancé en avril 2022 un appel à contributions dans la perspective d’élaboration d’un nouvel instrument pour garantir le fonctionnement du Marché Unique en période de crise. La proposition de règlement établissant cet instrument de marché unique pour les situations d’urgence a été adopté par la Commission fin 2022 et fait actuellement l’objet d’examen par le Parlement européen.

Cette proposition, qui devrait abroger les dispositions insuffisantes d’un règlement de 1998 qui est circonscrit aux situations d’entrave au bon fonctionnement du marché intérieur, définit les dispositifs de gouvernance et les différents stades de préparation et de réponse pour faire face à tout « évènement exceptionnel, inattendu et soudain, de nature et d’ampleur extraordinaire, qui se produit à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Union » (définition de « crise » article 3).

A partir d’une organisation permanente structurée avec la création d’un groupe consultatif au niveau européen, relayé par des correspondants dans les États membres pour établir des procédures de vigilance, le règlement prévoit deux temps d’actions :

  • le mode d’alerte dès lors que le groupe consultatif estime que le marché unique fait face « à une menace de perturbation sensible de l’approvisionnement en biens et services d’importance stratégique et susceptible de se muer en urgence pour le marché unique ». Dans ces conditions, la Commission active le mode d’alerte par un acte d’exécution pour une période de 6 mois maximum ;
  • le mode d’urgence activé par le Conseil sur proposition de la Commission lorsque la situation présente « un impact de grande ampleur pour le marché unique, à la suite d’une crise qui perturbe gravement la libre circulation sur le marché ou le fonctionnement des chaines d’approvisionnement qui sont indispensables au maintien d’activités sociétales ou économiques vitales au sein du marché unique ».

 

Dans le mode alerte, la Commission prévoit qu’il puisse être nécessaire de constituer des réserves stratégiques parmi les biens considérés comme tels pour se préparer à l’éventualité d’une situation d’urgence. Cette disposition est notamment justifiée par les difficultés rencontrées lors de la crise COVID-19 pour les produits pharmaceutiques et pour l’approvisionnement en huile de tournesol ou de maïs lors de l’attaque russe de l’Ukraine. Cette novation ouvre la possibilité de constituer de tels stocks pour tous les biens et en particulier pour les produits agricoles considérés comme stratégiques. La proposition européenne converge avec l’une des recommandations d’un récent rapport du CGAAER consacré à « La dépendance des industries agroalimentaires à l’égard des biens et services étrangers et les priorités pour s’en affranchir ».

Enfin, parmi toutes les mesures visant à faciliter la libre circulation dans le mode urgence, la Commission propose explicitement que les États membres s’abstiennent de toute restriction ou interdiction d’exportation à l’intérieur de l’Union, comme de toute restriction à la libre circulation des personnes participant à la production des biens essentiels en situation de crise.

Il aura fallu que l’Union européenne affronte deux crises majeures pour prendre conscience de ses vulnérabilités, et apprendre de ses erreurs, ou tout du moins de ses manques de préparation. Les nouvelles dispositions en discussion représentent un réel progrès, encore faudra-t-il les mettre en œuvre avant de devoir faire face à de nouveaux événements graves et imprévisibles.