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Temps de lecture : 3 min

05/04/2022

Que sait-on des intentions de vote des agriculteurs ?

Trois enquêtes permettent d’avoir une idée de ce que pourrait être ce vote même s’il faut se montrer prudent dans l’interprétation de leurs résultats compte tenu de leur limite méthodologique.

La première est une enquête Ipsos-Sopra Steria-Cevipof réalisée entre les 3 et 7 février 2022 dont les résultats ont été divulgués par Martial Foucault , le directeur du CEVIPOF, lors d’une conférence organisée à Paris le 15 février par le groupe Réussir-Agra. Si l’enquête a été réalisée sur la base d’un échantillon de 13 000 Français, les résultats relatifs aux intentions de vote des agriculteurs se fondent sur les réponses de 150 chefs d’exploitation. Cela paraît assez faible. Martial Foucault affirme d’ailleurs lui-même qu’il faut les analyser avec une grande prudence.

La seconde enquête est le Baromètre agricole Terre-net Datagri dont les résultats ont été rendu publics le 22 mars dernier. Cette enquête s’appuie sur un panel de 13 000 agriculteurs. Néanmoins, seuls 426 d’entre eux ont répondu aux questions posées.

Enfin, la troisième est une enquête Ifop réalisée pour la FNSEA dont les résultats ont été publiés à la fin du mois de mars 2022. La version diffusée par la FNSEA elle-même ne contient pas d’informations sur la méthodologie de l’enquête, notamment sur la nature et la taille de l’échantillon ou bien sur la période durant laquelle celle-ci a été effectuée.

Quels enseignements peuvent être tirés de ces différentes enquêtes ?

(1) Leurs résultats sont tout d’abord plutôt divergents en termes d’intentions de vote : Macron (29 %), Zemmour (24 %), Mélenchon (13 %), Le Pen (10 %), Pécresse (7 %) pour l’enquête Cevipof ; Pécresse (30 %), Zemmour (23 %), Macron (20 %), Lassalle (10 %), Le Pen (6 %) pour l’enquête Terre-net Datagri ; Macron (30 %), Pécresse (13 %), Zemmour (12 %), Le Pen (11 %), Mélenchon (9 %) pour l’enquête FNSEA.

(2) On voit bien que les agriculteurs optent très majoritairement en faveur des candidats du centre et de la droite au sens large du terme. On sait depuis assez longtemps maintenant que ceux-ci penchent plutôt à droite, en particulier du côté de la droite néo-gaulliste. Dans le « Baromètre agricole » de Terre-Net et Datagri réalisé en novembre 2021, 46 % des agriculteurs interrogés se classaient ainsi à droite, 62 % à droite et à l’extrême-droite, 75 % à droite et au centre, et 91,5 % à droite, au centre et à l’extrême-droite.

(3) En revanche, ce qui n’est pas très clair au vu des résultats de ces enquêtes, c’est l’identification du candidat préféré des agriculteurs : Emmanuel Macron arrive en tête dans les enquêtes CEVIPOF et FNSEA, et Valérie Pécresse dans celle de Terre-net Datagri. Les intentions de vote en faveur de la candidate LR vont même de 7% (CEVIPOF) jusqu’à 30 % (Terre-net Datagri). La candidate de la droite traditionnelle enregistre malgré tout des intentions de vote bien moindres que ce que l’on a pu observer chez les candidats de droite lors des scrutins précédents. En avril 2017, par exemple, François Fillon était crédité de 41,5 % des intentions de vote des agriculteurs dans le baromètre agricole Terre-net BVA , contre 20% pour Marine Le Pen et 14,5% pour Emmanuel Macron.

(4) On peut remarquer également que le candidat Macron bénéficie d’intentions de vote plutôt élevées chez les agriculteurs. Ceci semble être avant tout lié à la popularité dans les cénacles agricoles de l’actuel ministre de l’Agriculture Julien Denormandie.

(5) On voit aussi la montée des intentions de vote des agriculteurs en faveur des candidats de la droite radicale. Le monde paysan a été hermétique pendant longtemps au vote d’extrême-droite même s’il a pu apporter durant les années 1990 un soutien assez important aux mouvements souverainistes ou au parti Chasse Pêche Nature et Traditions (CPNT). Un tournant s’est produit à partir de l’élection présidentielle de 2002 où Jean-Marie Le Pen avait beaucoup progressé dans le monde rural. Il semble que désormais une partie notable des agriculteurs a l’intention de voter en faveur de candidats de la droite radicale. 34 % (CEVIPOF), 29 % (Terre-net Datagri), 23 % (FNSEA) disent ainsi vouloir voter Eric Zemmour ou Marine Le Pen. Le premier apparaît d’ailleurs plus convaincant aux yeux des agriculteurs que la seconde.

(6) Les intentions de vote en faveur de Jean Lassalle, le candidat de la ruralité, sont également loin d’être négligeables. En revanche, les candidats de gauche et écologiste, qui font de la transition agroécologique et notamment d’une trajectoire de suppression des produits phytosanitaires le cœur de leur programme agricole, bénéficient de très peu d’intentions de vote de la part des agriculteurs. D’ailleurs, dans l’enquête Terre-net Datagagri vue plus haut, ceux-ci étaient seulement 8,5 % s’autopositionner à gauche.