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12/05/2023

Transition des modèles agricoles : Grignon Campus ouvre ses débats

Candidate au nouvel appel d’offres lancé par l’Etat pour la cession du domaine historique de Grignon (Yvelines), l’association Grignon 2000 propose avec son projet Grignon Campus d’y installer notamment un centre international au service de la transition agroécologique des systèmes agricoles et alimentaires. Le site de Grignon serait ainsi à la fois un lieu de médiation pour débattre du futur de l’agriculture, mais aussi d’innovation, de formation et d’éducation.

Grignon 2000 a décidé d’ouvrir dès maintenant un cycle de conférences qui a vocation à organiser un dialogue entre les scientifiques, les experts, le monde professionnel et industriel ainsi que la société civile. L’ambition du projet est de contribuer au changement d’échelle des projets à impacts, qui valorisent une production moins dépendante des énergies fossiles, qui sont régénérateurs de la biodiversité et capables de répondre aux enjeux de l’alimentation durable, souveraine et qui contribuent à la santé globale.

En collaboration avec Agridées, Grignon 2000 a lancé la première conférence de ce cycle le 4 mai 2023 au 8 rue d’Athènes sur le thème : « Produire dans les limites du Système Terre ». Sur un format original, le programme a rassemblé des experts des enjeux climatiques et des transitions avec les interventions de Jean-Marc Jancovici, Président de The Shift Project et Anaïs Voy-Gillis, géographe de l’IAE Poitiers, spécialiste de la réindustrialisation et des contraintes des systèmes productifs sur l’environnement. S’en est suivi une table ronde avec Diane Masure (agricultrice, membre de l’Association Pour Une Agriculture Durable, Benoit Gabrielle (Enseignant-Chercheur à AgroParisTech) et Marine Dautun (étudiante AgroParistech-Hec et membre du collectif Pour un Réveil Ecologique).

En ouverture du débat, Damien Bonduelle, Président d’Agridées, a rappelé qu’aujourd’hui, nos modes de vie, nos modèles de production et de consommation, tous domaines confondus ne s’inscrivent pas dans le cadre des limites planétaires. Les systèmes agricoles et alimentaires contribuent même à leur dépassement : perturbations des cycles de l’eau, de l’azote, du phosphore ; contribution au changement climatique par les émissions de gaz à effet de serre ou encore à l’érosion de la biodiversité. Des changements de modèles sont nécessaires pour les rendre plus durables et les inscrire pleinement sur des trajectoires de progrès. C’est tout l’écosystème rassemblant des centres de formation, des terrains d’expérimentations et des centres de recherche publique et privée qui doit être mobilisé aux côtés des chefs d’entreprise agricole …

Jean-Marc Jancovici a rappelé les grands mouvements de modernisation opérés par le secteur agricole depuis plus de 100 ans. La principale révolution a été possible grâce aux énergies fossiles, qui ont permis la mise en œuvre de technologies mécaniques et chimiques et à la construction d’usines agroalimentaires. La productivité agricole a fortement augmenté pour répondre en parallèle à l’explosion démographique et aux besoins alimentaires associés. Il a notamment rappelé que près d’un tiers des camions qui circulent sur la route en Europe transportent des produits à vocation alimentaire (animaux vifs, produits frais ou transformés). Sans ces camions et la consommation énergétique qui va avec, les villes ne pourraient être approvisionnées en nourriture. Cela montre leur extrême vulnérabilité au changement climatique et à la raréfaction des ressources fossiles (il est admis que le pic pétrolier conventionnel a été atteint en 2008 et celui des autres formes de pétrole a été atteint en 2018). Ce double processus nécessite de repenser les systèmes agricoles et alimentaires. La dépendance quasi-totale de l’Europe aux énergies fossiles importées oblige à accélérer les transitions pour éviter les concurrences avec les autres pays et réduire notre vulnérabilité.

La sobriété des usages est l’un des premiers piliers des solutions à mettre en œuvre a souligné Anaïs Voy-Gillis. Il s’agit de moins consommer et mieux consommer en même temps. De tels mouvements vont fortement perturber les modèles économiques actuels : sortir de la dépendance au plastique, anticiper les impacts du changement climatique sur la production des ressources notamment agricoles, allonger la durée de vie des produits manufacturés, réduire le recours aux technologies en général et privilégier les plus sobres en ressources non renouvelables.  Des arbitrages devront à la fois être faits par les entreprises et les ménages, qui devront être appuyés par les Pouvoirs publics. Innover fera partie des solutions mais la dynamique d’innovation sera d’autant plus forte que les secteurs agricoles et agroalimentaires soient créateurs de valeurs économiques et de revenus pour la financer.

Selon elle, pour renforcer la résilience des modèles, les territoires, aujourd’hui fortement spécialisés pour favoriser les économies d’échelle, devront progressivement se déspécialiser pour diversifier les productions agricoles. Au niveau politique, la PAC lui parait de moins en moins adaptée aux enjeux actuels et elle estime qu’elle devra opérer sa mue pour répondre au plus près aux besoins des territoires.

Elle constate notamment que la question de la décarbonation commence à être appropriée par les acteurs économiques et politiques mais qu’il reste encore beaucoup de chemin à faire. Les questions de la gestion de la ressource en eau, des déchets plastiques, de l’acidification des océans sont tout aussi importantes. La réindustrialisation doit s’insérer dans un projet de société plus global. Cette vision nécessite un vrai débat collectif. En découleront les grands choix des politiques publiques.

Diane Masure, ingénieure agronome et agricultrice a regretté que les agriculteurs ne soient pas plus présents dans les débats sur ces questions de transition des modèles. Pratiquant l’agriculture de conservation des sols (ACS) depuis plusieurs années sur son exploitation, elle a mis en avant les apports de ses changements de pratiques pour les sols, la biodiversité ou encore la fixation du carbone. Mais elle a aussi jugé indispensable d’installer une vision positive de l’agriculture et une reconnaissance du travail des agriculteurs pour permettre de faire cette transition agroécologique.

Étudiante et impliquée, Marine Dautun a notamment interpellé ces experts sur les façons d’inciter les jeunes à se lancer dans cette direction. La réponse de Jean-Marc Jancovici s’est voulue pragmatique : il faut susciter de la reconnaissance et/ou leur permettre de dégager des moyens financiers. La solution serait donc de faire de la transition agroécologique une priorité nationale.