Site non disponible sur ce navigateur

Afin de bénéficier d'une expérience optimale nous vous invitons à consulter le site sur Chrome, Edge, Safari ou Mozilla Firefox.

Retour à la liste des contenus

Articles

Temps de lecture : 3 min

11/02/2022

Un souffle nouveau à l’OMC ?

L’enlisement des négociations multilatérales du Cycle de Doha lancé en novembre 2001 et plus récemment le blocage des nominations des membres de l’Organe de Règlement des Différends (ORD) par l’administration américaine du Président Trump pouvaient faire penser que l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) s’acheminait vers une mort lente. C’était aller vite en besogne, en sous estimant tout d’abord la portée des accords conclus précédemment qui règlent les relations commerciales internationales, et les modalités de soutien des politiques agricoles.

Après la prise de fonction du Président Jo Biden aux États-Unis en janvier 2021, puis la nomination en février 2021 de Madame Ngozi Okonjo-Iweala au poste de Directrice Générale de l’OMC, les négociations pourraient reprendre à la faveur d’un contexte géopolitique très différent de celui des deux dernières décennies.

Ainsi 67 membres de l’Organisation ont conclu le 2 décembre dernier la négociation portant sur la « Réglementation des services intérieurs »[1]. La Chine, la Fédération de Russie, les États-Unis et l’ensemble des pays européens font partie des signataires qui, au total, représentent 90% du commerce mondial. Comme le souligne le Market Monitor de AMIS daté de février 2022 dans son éditorial[2], cet accord favorise en particulier le secteur agricole en améliorant les conditions du commerce et des chaines logistiques.

Lors d’un séminaire organisé par la Banque Mondiale et l’Institut International de Recherche sur les Politiques Alimentaires (IFPRI), la Directrice Générale Adjointe de l’OMC, Madame Anabel Gonzalez a salué les conclusions du rapport conjoint IFPRI-Banque Mondiale[3] qui préconise une modification fondamentale des soutiens à l’agriculture visant à rendre les systèmes agricoles et alimentaires plus productifs et plus durables. Elle a notamment déclaré : « les conclusions de ce rapport marquent une étape de changement potentiel non seulement dans notre conception des politiques de soutien à l’agriculture, mais aussi dans la manière dont nous concevons les opportunités de coopération commerciale pour permettre la transformation des systèmes agroalimentaires »[4] .

Sous son titre ambitieux « Redéfinition des politiques agricoles et du soutien », les auteurs du rapport ont tenu à préciser les « options pour transformer l’agriculture et les systèmes alimentaires pour mieux servir la santé des peuples, les économies et la planète ». Le rapport part du constat que les politiques actuelles incitent à des modes non durables de production et de consommation, responsables de 22% des émissions de gaz à effet de serre (GES), que les soutiens actuels ne bénéficient à l’agriculture qu’à hauteur de 35% des montants dépensés, que des réformes à la marge ne sont pas efficaces, et enfin que les politiques encourageant la réduction des rendements pour réduire les émissions de GES auraient des conséquences néfastes. Dès lors, les auteurs proposent de considérer une réorientation des soutiens pour adopter et développer des innovations vertes, dont les simulations suggèrent que les investissements correspondants permettraient d’augmenter la productivité de 30% et réduire les émissions de l’agriculture et de l’usage des sols de plus de 40%, en rendant 105 millions d’hectares aux habitats naturels.

En conclusion, il s’agit d’un appel aux concepteurs des politiques agricoles pour analyser et repenser les politiques actuelles, et pour coordonner celles-ci afin d’apporter des solutions à l’urgence climatique et mieux répondre aux besoins nutritionnels et sociaux. Ce rapport pourrait inciter l’Union européenne à une révision critique de la PAC 2023-2027 et à apporter des amendements à la mise en œuvre du Pacte Vert. Enfin ce rapport pourrait augurer d’un regard nouveau porté sur les politiques agricoles par l’OMC, et par conséquent sur des modifications du classement des soutiens dans les boites orange, bleue et verte. Après une ère dominée par le principe du découplage, ce changement de paradigme mettrait en cohérence politique du climat, politiques agricoles et relations commerciales internationales.


[1] https://docs.wto.org/dol2fe/Pages/SS/directdoc.aspx?filename=q:/WT/L/1129.pdf&Open=True

[2] http://www.amis-outlook.org/fileadmin/user_upload/amis/docs/Market_monitor/AMIS_Market_Monitor_current.pdf

[3] https://openknowledge.worldbank.org/bitstream/handle/10986/36875/P17064300a6dea0db09c8b0cf6a1dfe8b8a.pdf?sequence=1&isAllowed=y

[4] Communiqué de presse du 2 février 2022 https://www.wto.org/french/news_f/news22_f/ddgag_02feb22_f.htm