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Points de vue

Temps de lecture : 4 min

07/07/2023

Installation et accès au foncier : on n’a pas tout essayé !

C’est un fait, la France ne parvient pas à renouveler les générations d’agriculteurs et d’agricultrices qui partent à la retraite. Et l’âge moyen des chefs d’entreprise agricole n’est pas fait pour rassurer. 43 % des exploitants ont aujourd’hui 55 ans ou plus et sont donc susceptibles de quitter le métier d’ici au début de la décennie prochaine.

Le phénomène est ancien. Il s’est expliqué par le passé par les nécessaires restructurations des exploitations à opérer. Aujourd’hui, le problème est tout autre. Notre pays souffre bien d’un manque de vocation agricole. Le métier n’attire plus. Ce n’est pourtant pas une fatalité. L’exemple italien le prouve. Ce pays compte quasiment autant d’installations que de départs en retraite. Certes la structuration de la chaîne de valeur italienne n’est pas la même que la nôtre. Il n’empêche. L’Italie réussit là où nous échouons. Reviens régulièrement la problématique de l’accès au foncier. Bien qu’il ne s’agisse pas selon nous du problème principal, il est régulièrement identifié comme un frein à l’installation, en particulier pour les candidats à l’installation non issus du monde agricole.

Pour plagier un ancien Président de la République qui, à propos de l’incapacité des pouvoirs publics à faire baisser le taux de chômage, avait déclaré « on a tout essayé », en matière d’installation et d’accès au foncier, avons-nous tout essayé ? A l’évidence la réponse est non !

Parmi les nombreuses pistes à explorer, nous ne citerons ici que deux exemples de dispositifs nouveaux qui permettraient de faciliter l’accès au foncier, en particulier de profils qui ne sont pas issus du monde agricole : la cessibilité du bail rural hors du cadre familial et la location gérance du fonds agricole.

Le temps est tout d’abord venu de faire de la cessibilité du bail la règle et de son incessibilité l’exception. Aujourd’hui le bail rural soumis au statut du fermage n’est cessible que dans le seul cercle familial. Il faudrait permettre au preneur qui part à la retraite de céder son bail non seulement à un descendant mais également à un « hors cadre familial ». Aujourd’hui céder son exploitation à quelqu’un qui n’est pas de sa famille est évidemment possible, céder ses baux ne l’est pas.

Le bailleur pourrait évidemment toujours refuser un cessionnaire qui ne présenterait pas toutes les garanties, mais il lui appartiendrait alors de saisir le tribunal paritaire des baux ruraux. En transférant ainsi l’initiative de la saisine du juge du preneur cédant vers le propriétaire, il est à parier que les cessions de baux s’opéreraient avec plus de fluidité. Une telle évolution doit évidemment s’insérer dans une réforme plus large intégrant la question de la patrimonialisation du bail rural et ouvrant de nouvelles prérogatives aux propriétaires toujours plus réticents à louer. Mais elle apparaît comme de nature à faciliter l’accès au foncier des nouvelles générations.

Il en va de même de la location-gérance. Avec la loi du 5 janvier 2006 d’orientation agricole, le fonds agricole et le bail cessible hors cadre familial sont venus enrichir le Code rural pour faciliter notamment la transmission de l’outil de travail. Agridées, qui avait promu ces nouveaux outils, avait également proposé la mise en place la location-gérance du fonds agricole. Ce dispositif permettrait au locataire-gérant d’exploiter un fonds sans avoir à acquérir immédiatement les éléments qui le composent et lui donnerait au demeurant l’occasion de juger de la viabilité de l’entreprise avant d’en envisager la reprise définitive en levant l’option d’achat.

La location-gérance apparaît donc adaptée à l’installation de personnes souhaitant exercer le métier d’agriculteur sans disposer des ressources permettant d’acquérir tout ou partie des moyens de production, mais en mesure de les acquérir avec les revenus générés par l’exploitation du fonds. Elle peut répondre également à un phénomène observé chez les nouvelles générations consistant à sortir du métier avant la retraite pour donner une autre orientation à leur carrière professionnelle.

Ces deux propositions ont déjà été soumises au ministère de l’Agriculture en juin 2019, lors d’une consultation préfigurant une loi foncière qui, au final, n’a pas vu le jour. Elles pourraient opportunément nourrir la future loi d’orientation et d’avenir agricole. Les enjeux sont importants, le temps presse.