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19/12/2025
Quelle implication des coopératives dans les projets agrivoltaïques ?
Ce fut la question posée par Agrosolutions -filiale du groupe InVivo– lors d’une conférence éponyme à Energaïa, salon dédié aux énergies renouvelables, à Montpellier le 10 décembre 2025. A cette occasion, Agrosolution a partagé les résultats d’une étude nationale qu’elle a menée sur l’implication des coopératives dans les projets agrivoltaïques, projet soutenu par l’ADEME et La Coopération Agricole.
Camille Thomas (Responsable Agri-énergies chez Agrosolution), animatrice des échanges, a rappelé en préambule que 2 agriculteurs sur 3 sont adhérents de coopératives et que par conséquent la question du positionnement de ces structures dans l’accompagnement de l’agrivoltaïsme -nouvelle activité posant des questions nouvelles-, auprès de ses adhérents se posait.
Les résultats de l’étude
L’étude, qui concerne 50 coopératives aux profils variés, a identifié 3 types de positionnements par rapport à l’agrivoltaïsme :
- 1/3 des coopératives se déclarent déjà impliquées dans un projet agrivoltaïque,
- 1/ 3 sont en cours de réflexion,
- 1/3 ne sont pas impliquées (et ne souhaitent pas l’être).
Dans ce dernier groupe, les raisons de ce désintérêt sont plurielles. Sont citées :
- Le manque de ressources humaines pour s’occuper des questions d’énergies (cette réalité exclut de fait les coopératives de petite taille dans cet échantillon) ;
- L’idée que l’énergie n’est pas leur métier ;
- L’idée que ces projets ne sont pas rentables ;
- Le complexe technique des projets ;
- Des visions politiques ou idéologiques.
Pour les coopératives en cours de réflexion, la plupart se sont posé la question de leur implication dans l’agrivoltaïsme pour accompagner leurs adhérents dans la dynamique agrivoltaïque existante, dans une stratégie de diversification. Certaines ont exprimé les freins suivants : le manque de retours d’expérience, des politiques locales divergentes, des questions sur le partage de la valeur, sur le niveau d’investissement, sur les risques encourus et sur l’équité pour les adhérents
Enfin, pour les coopératives impliquées dans les projets agrivoltaïques, la majorité a, comme pour le second groupe, la volonté de proposer une diversification pour des revenus durables à leurs adhérents et considèrent que l’agrivoltaïsme peut être un levier de croissance. Leur implication dépend de l’avancée des projets :
- Avant la signature du bail, elles peuvent assumer 3 rôles : apporteuse d’affaires, service aux adhérents (diagnostic agricole) et/ou conseil juridique ;
- En phase de développement des projets, les coopératives peuvent apporter une prestation de services, dans l’esprit de garder la production agricole prioritaire ;
- En phase d’exploitation : les coopératives peuvent co-investir, monter dans le capital des projets, ou permettre à des agriculteurs de prendre des parts directement.
Des témoignages de terrains : les exemples d’Oxyane et Arterris
Suite à cette analyse, une table ronde organisée par Agrosolution a mis en lumière de témoignages et retours de terrain:
- Jules Duque, chargé de projets agrivoltaïques à la coopérative Oxyane
- Marc Reymond, directeur innovation développement qualité de la coopérative Arterris
- Alexandra Carpentier, consultante agrivoltaïsme pour Agrosolutions
- Xavier Daval, CEO de Kilowattsol et trésorier de France Agrivoltaïsme
Pour Jules Duque, l’énergie est l’un des 3 axes de la direction « Transition innovations » d’Oxyane, elle-même déclinaison de la stratégie de la coopérative de maîtrise de l’énergie et du foncier dans un contexte économique tendu pour les entreprises agricoles. Le rôle d’Oxyane dans les projets agrivoltaïques a évolué avec le temps et sa propre montée en compétences : la coopérative a tout d’abord joué le rôle d’apporteuse d’affaires, faisant le lien entre ses adhérents et les énergéticiens, tout en minimisant les risques. Puis consciente de la maturité technologique du photovoltaïque et de la sécurisation donnée par le cadrage juridique de la loi APER, la coopérative s’est impliquée dans le développement des projets agrivoltaïques et leur investissement, dans l’idée de « garder pour l’agriculture la valeur produite par l’énergie sur le foncier agricole ». Pour autant, Jules Duque rappelle que l’agriculture doit rester la production centrale.
Pour Marc Raymond, l’énergie fait également partie des grands axes de la stratégie d’innovation d’Arterris. Dans un contexte de déprise agricole et de difficultés économiques, l’agrivoltaïsme (et l’énergie en général) est perçu comme un relai de croissance dans une volonté de diversification et de pérennisation des exploitations. Arterris s’est impliquée dans un démonstrateur en grandes cultures avec l’énergéticien Photosol dans le but de montrer par la preuve qu’il possible d’allier les productions agricoles et énergétiques, de trouver des compromis, en surveillant les rendements et mesurant les services rendus par l’agrivoltaïsme. Pour Marc Raymond, les premiers résultats semblent encourageants, dans le sud de la France qui subit de plein fouet les aléas climatiques et le stress hydrique.
Quel modèle économique et quel partage de la valeur entre agriculteurs et agricultrices ?
Pour Oxyane, porte les investissements de façon équitable avec Altérea (foncière), chaque structure apportant 50% du capital dans les projets agrivoltaïques. Les agriculteurs coopérateurs bénéficieront donc indirectement des profits espérés par le projet. Par ailleurs Oxyane donne aussi la possibilité aux agriculteurs qui le souhaitent d’investir à titre individuel dans les projets. Arterris de son côté a fait le choix de ne pas investir dans les projets et de continuer son rôle de formation, d’accompagnement et de conseil auprès de ses adhérents.
Les deux coopératives soutiennent des projets « en grappe », qui permettent un accès plus partagé à l’agrivoltaisme à un plus grand nombre d’agriculteurs -et donc plus équitable-, mais aussi une intégration paysagère plus acceptée (avec une taille de projet plus limitée).
Une filière agrivoltaïque qui se structure et s’entoure d’expertises
Pour Xavier Daval, ces exemples réussis d’implication de coopératives dans l’agrivoltaisme sont des leviers pour la transition énergétique. Secrétaire de France Agrivoltaisme, il a rappelé que dans cette association qui participe à structurer et défendre la filière agrivoltaïque, la gouvernance de la structure se devait d’être bicéphale, à la fois agricole et énergétique. Il a également cité Ugo Batel en charge des questions énergie chez Oxyane, et administrateur chez France Agrivoltaisme, comme représentant des coopératives dans le conseil d’administration. Xavier Daval, également Fondateur de Kilowattsol a également expliqué le rôle de sa structure, experte et tiers de confiance qui conseille les banques pour le financement des projets en s’appuyant sur une plateforme de simulation (calculant notamment la quantité de lumière sous les panneaux et les conséquences sur les cultures).
Alexandra Carpentier, après avoir analysé les résultats de l’étude de l’implication des coopératives, a évoqué le suivi obligatoire des projets agrivoltaïques inscrit dans la loi APER pour garantir le potentiel agronomique et agricole. Agrosolution se présente comme un acteur de contrôle de ce suivi annuel, facilité par l’accès aux coopératives d’In Vivo et de l’expertise technique -notamment agronomique- de la maison mère et d’Agrosolution.
Les intervenants ont également évoqué des situations contrastée concernant l’accompagnement des projets agrivoltaïques par les Chambres d’agriculture : si au niveau national le positionnement semble clairement en faveur d’une implication des Chambres et considère les projets comme une opportunité pour les agriculteurs, les situations locales oscillent entre méfiance et intérêt, certaines chambres accompagnant et formant les agriculteurs, d’autres s’ affichant clairement en défaveur du développement de nouveaux projets.
En tant que collectifs réunissant des compétences techniques, juridiques et permettant de partager des retours d’expériences et des bonnes pratiques, les coopératives se présentent donc comme un vecteur possible de partage de la valeur créée par l’agrivoltaïsme entre agricultrices et agriculteurs coopérateurs. Si cette tendance se poursuit, elles pourront peut-être peser en tant que levier des transitions énergétiques des territoires au service de l’agriculture et des agriculteurs.