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29/08/2023

2022-Consommation de viandes en France : une hausse et des questions

FranceAgriMer et le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire viennent conjointement de publier une synthèse conjoncturelle datée de juillet 2023, N° 412, relative à la consommation de viandes en France en 2022. Dans une ambiance générale qui pourtant semblerait peu propice, le résultat est contre-intuitif : la consommation de viandes en France a augmenté de 0,8 % en un an. Explications pour cette consommation qui ne courbe pas l’échine.

Dans la continuité de 2021, la consommation individuelle de viandes en 2022 s’est accrue, passant de 84,9 à 85,2 kgec[1] Un tiers de cette croissance de 0,8 % s’explique par la dynamique démographique, deux tiers par l’augmentation de la consommation.  Sur le pan méthodologique cette consommation nationale est calculée par bilan et se mesure via une unité en tonne ou kilo équivalent-carcasse (avec os, graisse…) ; il ne s’agit donc pas du poids de la viande « nette » que l’on retrouve cuite dans l’assiette des consommateurs, pour laquelle d’autres calculs sont réalisés par exemple en matière de préconisation nutrition/santé.

Dans le détail pour l’année 2022, les viandes de boucherie (bœuf, porc, ovin…) qui représentent les 2/3 des viandes consommées croissent globalement de 1,4 % (1,1 % pour le bœuf). Les viandes de volailles et de lapin régressent quant à elles de 0,5 %, avec de fortes disparités internes (le canard du fait de la grippe aviaire chute de 26,9 %, la dinde de 11,6 %…par contre le poulet augmente de 4,7 %). Néanmoins sur une période de 10 ans de 2012 à 2022, à consommation globalement stable, les viandes de boucherie voient leur part se réduire de 71 % à 67 % du total consommé, à l’inverse de la progression de la volaille de chair, en réalité du seul poulet. En conséquence si la viande porcine demeure aujourd’hui la viande préférée des Français (32,1 kgec par habitant) dans une forme de stabilité décennale, le poulet poursuit sa forte progression (22,5 kgec) et s’empare de la deuxième place, dépassant pour la première fois la consommation de viande bovine en 2022.

A ce stade, il faut souligner que l’approvisionnement du marché français s’appuie de plus en plus sur l’importation. Toutes viandes confondues, les importations représentent désormais en moyenne 30 % des consommations, soit un peu moins de 2 millions de tonnes-ec pour une consommation totale de 5,8 millions de T-ec (La France est également exportatrice). Dans les cas particuliers, sans surprise, le seuil de 50 % d’importation est dépassé pour la viande ovine, mais hélas il est désormais également atteint pour le poulet. Plus on consomme de poulet, plus on en importe. Cela en fait un cas déclaré quant aux réflexions à mener à propos de compétitivité et de souveraineté alimentaire[2].

Afin d’approfondir l’analyse des tendances de consommation de viandes en 2022, FranceAgriMer et le ministère de l’Agriculture se sont également appuyés sur les données de Kantar Worldpanel concernant les seuls achats des ménages pour leur consommation au domicile principal. Il s’avère que les chiffres de consommation à domicile sont fort différents des chiffres globaux. Ainsi les achats de viandes de boucherie reculent de 4,2 % en volume en moyenne, pour des prix qui ont augmenté de 5,2 %. Dans le détail les viandes bovines et ovines souffrent beaucoup plus que les viandes de porc/jambon/charcuterie pour lesquelles l’inflation a été plus faible. Les achats de viandes de volailles reculent quant à eux de 5,8 % en volume en moyenne, pour des prix qui ont augmenté de 7,8 %. A noter que les achats de découpes ou de produits élaborés reculent moins que les volailles entières, la praticité est un critère d’achat, et que les volailles bio ou label rouge, plus chères, reculent plus.

Comment expliquer cette différence entre baisse de consommation des viandes à domicile et hausse globale de consommation, tous circuits confondus ?

Certainement du fait d’une méthodologie et de modes de calculs différents. Mais surtout du fait du redémarrage et de l’essor de la consommation hors foyer. Les différentes formes de restauration hors domicile, où la consommation de produits carnés peut s’avérer importante, ont porté la consommation de viandes. Finalement, les Français pour leurs propres achats et leur alimentation domestique ont subi en 2022 l’émergence rapide de l’inflation alimentaire et peut-être également mis en pratique leur pensée flexitarienne.  Ils ont réduit la consommation à la maison. En revanche l’offre de la restauration hors domicile, sous ses formes très diverses, avec des mix/produits/prix différents, parfois en s’appuyant plus sur les importations, a su convaincre les Français de consommer plus.

Les questions sont posées pour 2023. La restauration hors domicile, après un rebond post-Covid, va-t-elle poursuivre sa progression ou non ? L’inflation alimentaire, forte au premier semestre 2023, va-t-elle mettre sous contrainte la consommation de viandes dans tous ses vecteurs, foyer et hors foyer, mais aussi les substituts végétaux qui ne brillent pas toujours par leur niveau de prix ? Y-aura-il alors décroissance globale ?

Une tendance se confirmera probablement : la substitution progressive des viandes blanches aux viandes rouges, et le risque global d’un recours accru aux importations à l’encontre de productions territoriales. Il s’agit là de questions de compétitivité et de souveraineté. Sans compter les nécessaires questions relatives aux trajectoires alimentaires et au climat. Décidemment, au sens noble, la viande c’est de la politique.

 


[1] Kgec : Kilo équivalent-carcasse. T-ec : Tonne équivalent-carcasse.

[2] Un Groupe de Travail d’Agridées est en cours sur le thème « Souveraineté alimentaire/cas du poulet », avec une Note d’analyse prévue cet automne.