Site non disponible sur ce navigateur

Afin de bénéficier d'une expérience optimale nous vous invitons à consulter le site sur Chrome, Edge, Safari ou Mozilla Firefox.

Retour à la liste des contenus

Articles

Temps de lecture : 4 min

11/01/2024

Blé : l’édition de gènes pour faire face au changement climatique

Le changement climatique soumet les plantes cultivées à des épisodes de températures plus basses ou plus élevées qui affectent la fertilité lors des phases essentielles de la reproduction. Il en est ainsi pour le blé dont les rendements sont altérés du fait des stress thermiques qui accompagnent le changement climatique. Il est dès lors crucial de remédier aux conséquences des variations inhabituelles, actuelles et futures, de température pour cette céréale qui est la base de l’alimentation de 35% de la population mondiale. C’est ce à quoi s’est attelé l’équipe du professeur Graham Moore, qui conduit des travaux de recherche sur la génétique du blé dans le cadre du John Innes Center (Norwich, Royaume-Uni) grâce à l’utilisation des nouvelles techniques de l’édition de gènes.

Ainsi en 2021, la publication d’un article signé par Madame Azaham et d’autres chercheurs du John Innes Centre dans Scientific Reports faisait état de résultats très prometteurs. En effet, il s’agit de la mise en évidence du rôle d’un gène spécifique (ZIP4-3) dont la duplication sur un autre chromosome (ZIP4-5B) lors de la division cellulaire remplit deux fonctions : d’une part, permettre l’appariement des chromosomes et, d’autre part, supprimer l’entrecroisement (crossover) des chromosomes apparentés. Largement utilisée par les sélectionneurs, des travaux antérieurs avaient démontré que cette dernière fonction était responsable de la stabilité du génome du blé et, par conséquent, du rendement en grains. Or la suppression du gène dupliqué (ZIP4-5B) par l’utilisation des techniques de l’édition de gène (CRIPR-Cas9) provoque une perte de rendement de 50%, ce qui confirme la contribution de ce gène à la fertilité du blé. En générant ensuite une nouvelle plante mutante porteuse du gène ZIP4-5B à fonctions séparées, ayant perdu celle de la suppression des entrecroisements de chromosomes, mais conservant celle de l’appariement, le rendement du nouveau matériel génétique n’est pas affecté. Ce résultat ouvre des perspectives de transferts de gènes, notamment issus de plantes sauvages, visant à introduire des caractères souhaitables de rusticité et de résistance aux stress thermiques en maintenant des niveaux élevés de rendement.

Poursuivant dans cette voie, une nouvelle étape a été franchie par les chercheurs du John Innes Center avec la publication, en 2023, dans  Frontiers in Plant Science d’un article[1] qui démontre le rôle d’un autre gène du blé (DMC1) dans la préservation du processus de division cellulaire des organes de reproduction de la plante, lorsqu’elle est exposée à des épisodes de température plus basse ou plus élevée que la plage optimale à ce stade de la végétation(17°C-23°C). Après avoir utilisé la technique du ciseau CRISPR-Cas9 pour supprimer sur une variété de blé de printemps chinois le gène DMC1 et avoir vérifié que cette opération avait pour effet de réduire significativement le nombre de « crossover » pour des températures basses (13°C) et élevées (supérieures à 30°C), les expériences de mutations ciblées menées à l’aide des techniques d’édition de gènes ont confirmé l’hypothèse que le gène DMC1-D1 intervient pour maintenir la formation des crossovers à un niveau normal pour des températures basses, et dans une moindre mesure pour des températures élevées. Dans la mesure où la réduction du nombre des crossovers affecte le rendement en grains, ces travaux permettent d’envisager de nombreuses applications pour la sélection des blés dans le contexte du changement climatique.

La présidence belge du Conseil européen a mis dans son agenda du premier semestre 2024 l’adoption de la réglementation des nouvelles technologies génétiques, les fameuses NGT’s, dossier que la présidence espagnole n’a pas réussi à faire aboutir.

Il serait opportun de convaincre les États membres qui se sont opposés ou abstenus par des exemples concrets, tels que les travaux récents sur la génétique du blé, pour qu’ils conviennent que les stratégies d’adaptation au changement climatique passent par l’adoption rapide d’un statut distinct de celui des OGM pour les techniques d’édition de gènes. Dans la course de vitesse que l’Union Européenne a engagé pour parer aux conséquences des évolutions du climat, il s’agit bien de relever les nouveaux défis de la sécurité alimentaire européenne et mondiale.

 


[1] DMC1 stabilizes crossovers at high and low temperatures during wheat meiosis