Site non disponible sur ce navigateur

Afin de bénéficier d'une expérience optimale nous vous invitons à consulter le site sur Chrome, Edge, Safari ou Mozilla Firefox.

Retour à la liste des contenus

Articles

Temps de lecture : 2 min

08/12/2021

Guérir la planète, soigner les sols

Lors d’une nouvelle vague de publications, la Commission Européenne s’est attaquée le 17 novembre dernier à trois sujets majeurs qui doivent contribuer au Pacte Vert : lutter contre la déforestation, gérer les déchets de manière durable et améliorer la santé des sols.

Ainsi la Commission propose un nouveau règlement pour infléchir le processus de la déforestation et de la dégradation des forêts[1]. Pour l’essentiel, il s’agit d’interdire l’importation des commodités dont la production résulte de l’utilisation des surfaces conquises sur les forêts préexistantes. Pour être efficace, ce règlement propose un dispositif de certification dont la documentation sera exigée des importateurs. Symétriquement, les exportations de produits transformés obtenus à partir de produits de la déforestation seront proscrites.

Au chapitre de l’économie circulaire et de la gestion des déchets, la Commission souhaite procéder à la révision de la réglementation relative aux exportations de déchets[2]. Il s’agit de réaliser un contrôle strict de ces exportations vers les pays membres de l’OCDE, avec la possibilité de suspendre ces opérations lorsqu’elles génèrent de graves problèmes environnementaux chez le destinataire. Pour les autres pays tiers, les exportations seront subordonnées à l’accord des pays destinataires et à la condition qu’ils soient susceptibles de les traiter dans le respect de la durabilité. Cette révision réglementaire assume l’ambition de lutter contre le trafic illégal des déchets estimé à 30% du total de ces exportations.

En matière agricole, en complément des stratégies « Farm to Fork » et « Biodiversité », la Commission ajoute une nouvelle communication « EU soil strategy for 2030 »[3]. Celle-ci s’inscrit dans la lignée du concept de Santé Globale (One Health) et des orientations spécifiques du Pacte Vert pour l’agriculture, en attendant une quatrième communication « Carbon farming » promise pour le 14 décembre 2021. La stratégie « Sol pour 2030 » résume son ambition dans son sous-titre : récolter les bénéfices de sols en bonne santé pour la population, l’alimentation, la nature et le climat. Partant du constat que 60 à 70% des sols européens ne seraient pas en bonne santé[4], d’après une définition multicritère, cette stratégie envisage d’assurer le même niveau de protection des sols que ceux qui prévalent pour l’eau, l’environnement maritime ou la qualité de l’air. En se plaçant dans la perspective de long terme de la neutralité carbone à l’horizon 2050, la Commission propose des objectifs précis pour 2030 : lutter contre la désertification, restaurer les zones dégradées, réduire de 310 millions de tonnes de CO2 équivalent par an du fait de l’usage des sols, atteindre dès 2027 des objectifs de qualité des eaux du sol et superficielles, réduire les effluents de fertilisation de 50%,, réduire l’utilisation totale des pesticides de 50% et enfin de réaliser des progrès significatifs pour les sites contaminés.

Concrètement les actions proposées sont nombreuses : lutter contre le drainage des zones humides et des sols organiques, rejoindre l’initiative internationale « 4 pour 1000 », instituer un passeport pour les excavations de sol, gérer l’artificialisation des sols, fixer les critères de développement durable de l’usage des sols dégradés ou contaminés, et enfin développer l’usage de la digitalisation, la recherche et l’innovation.

Pour lutter contre les effets de la sécheresse et de l’érosion qui avaient sévi dans les années 30 et relever les défis du « dust bowl » les États-Unis dispose depuis 1933 d’un Service de conservation des sols au sein du Ministère de l’Agriculture, rebaptisé en 1994 Service de conservation des ressources naturelles, fort de quelques 12000 agents. Par comparaison, l’attention de l’Union Européenne portée à la santé des sols est toute récente et s’inscrit pour sa part dans l’agenda de décarbonation des activités agricoles et d’atténuation du changement climatique, en considérant ce que l’usage des sols et les pratiques agricoles offrent pour intervenir dans les cycles de l’azote et du carbone.

D’un point de vue sémiologique, il faut s’attarder sur l’utilisation du terme « santé » appliqué aux sols. Si l’expression s’entend aisément lorsqu’il s’agit des êtres vivants, de la santé humaine ou du bien-être animal, il en va différemment de ce qui à première vue appartient au domaine de la matière. Le glissement conceptuel s’est opéré en considérant les sols non seulement sous leurs aspects minéraux, mais aussi organiques, comme un système vivant en interaction permanente avec la faune, la flore et les activités humaines.

A partir de cette notion, la Commission décline toutes les fonctions assurées par les sols ( production d’aliments et de biomasse, rôle dans le cycle de l’eau et la biodiversité, stockage du carbone, support des activités humaines, source de matières premières, archive géologique, géo morphique et archéologique), mais ne se hasarde pas à préciser ce que serait la « bonne santé des sols. Les hommes de la terre, agriculteurs et agronomes savent que la qualité des sols pas plus que la notion de nature ne correspondent à un état originel idéal, tant les activités humaines interagissent en permanence directement et indirectement avec le milieu. Aussi la notion de bonne santé ouvre une confrontation des points de vue de toutes les parties prenantes de cette dynamique des sols considérés comme un bien commun, mais dont l’usage est privatif.


[1] COM_2021_706_1_EN_ACT_part1_v6.pdf

[2] proposal-for-a-new-regulation-on-waste-shipments_0.pdf

[3] COM_2021_699_1_EN_ACT_part1_v4_0.pdf

[4] https://ec.europa.eu/info/public https://meet.google.com/afs-xthv-qvqations/caring-soil-caring-life_en