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Temps de lecture : 3 min

14/11/2023

La consécration de la liberté du propriétaire d’une propriété forestière de ne pas vendre au voisin bénéficiaire d’un droit de préférence

Par Manon Sahut, doctorante, membre de la Chaire de droit rural et de droit de l’environnement à l’Université de Bourgogne.

(Obs. sous Civ., 3e, 28 septembre 2023, pourvoi n° 22-15.576, Publié au Bulletin).

La cause est connue et répétée inlassablement au fil d’innombrables rapports sur la question : la sous-exploitation de la forêt française résiderait dans le morcellement de la propriété forestière. Une majorité de propriétaires ne posséderait que quelques hectares de parcelles boisées, ce qui nuirait à l’esprit d’investissement et à une saine gestion. Seulement 31,4 % de la forêt serait couvert par un document de gestion durable (en ce sens, D. Rochard, Morcellement, transmission et gestion de la forêt : JCP N 2018, n° 13, 1147).

Afin de lutter contre cette fragmentation, le législateur a introduit, par la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 (JO 28 juill. 2010, p. 13925 Loi n° 2010-874 de modernisation pour l’agriculture et de la pêche, 27 juil. 2010 ), un droit de préférence au profit des propriétaires de parcelles contiguës de même nature, lors de l’aliénation de parcelles boisées de faible superficie, inférieure à 4 hectares (C. for. art. L. 331-19 et s.).

Emaillées de nombreuses malfaçons rédactionnelles, que les non-moins nombreuses interventions législatives n’ont malheureusement pas toutes corrigées (ord. n° 2012-92 du 26 janvier 2012 ; L. n° 2012-387, 22 mars 2012 ; L. n° 2014-1170, 13 oct. 2014 : JO 14 oct. 2014, p. 16601), les praticiens, notamment les notaires-instrumentaires, sont dans l’attente de clarifications jurisprudentielles pour sécuriser leurs transactions et remplir vis-à-vis de leurs clients leur missions d’information et de conseil (S. De Los Angeles, La forêt désorientée, Agridroit/LexisNexis, Quinzomadaire n° 6, 15 mars 2022).

Après treize ans d’une interminable attente, la Cour de cassation répond enfin à une question que se posent les commentateurs depuis l’origine : la déclaration d’intention d’aliéner qu’adresse le notaire, dûment mandaté à cet effet par son client, constitue-t-elle une offre de vente ou une simple invitation à entrer en pourparlers ?

La Cour de cassation se rallie à la seconde analyse et met ainsi fin à une controverse jurisprudentielle et doctrinale en des termes qui seront, à n’en pas douter, scrutés attentivement à la loupe par les commentateurs et les praticiens concernés :

« À défaut de disposition législative le précisant, la notification ou l’affichage du prix et des conditions de la vente projetée ne vaut pas offre ferme de vente au profit du bénéficiaire du droit de préférence, de sorte que l’exercice de ce droit par le propriétaire d’une parcelle boisée contiguë ne prive pas le vendeur de la liberté de renoncer à la vente »….