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Temps de lecture : 3 min

22/05/2024

La vertu mal récompensée

Le malaise agricole qui a provoqué de nombreuses manifestations dans 11 Etats de l’Union européenne au cours des derniers mois a mis en évidence que l’excès de normes et règlements qui pèsent sur les producteurs représente un handicap économique important que les aides aux revenus ne compensent pas. La mise en œuvre du Pacte Vert dans le secteur agricole, et en particulier les mesures agri-environnementales qui permettent d’accéder aux aides des éco-régimes des plans stratégiques nationaux a été ressentie comme bridant la productivité, et par conséquent les revenus issus de la vente des productions.

Une étude récemment publiée par Agreste, le service statistique du Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire, présente un dossier éclairant sur le sujet : Les performances environnementales et économiques des exploitations de grandes cultures du Grand Est. A partir d’une grille de 10 critères renseignés à égalité par les données des déclarations PAC et du RICA, l’utilisation d’une méthode originale de détermination de la performance environnementale établit un diagnostic dont on peut considérer qu’il est représentatif du degré de mise en œuvre des mesures agri-environnementales. Le croisement de ces données avec le ratio EBE /ha (excédent brut d’exploitation par hectare), choisi pour mesurer la performance économique, conduit à l’analyse des résultats disponibles pour un échantillon d’exploitations agricoles de trois régions du Grand Est, Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine.

En résumé, les exploitations les plus performantes sur le plan environnemental ont un revenu inférieur du fait d’une moindre production, sachant que les baisses induites des charges ne permettent de réduire qu’en partie l’écart de production et que l’accès à des subventions d’un montant plus élevé ne compense pas les moindres résultats des ventes[1].

Néanmoins sur l’échantillon le plus représentatif de Champagne-Ardenne, des exploitations peu nombreuses parviennent à atteindre la double performance en adoptant une plus grande diversification de cultures, parmi lesquelles des cultures à haute valeur ajoutée. On comprend ainsi qu’à l’exception des entreprises qui ont l’opportunité de pouvoir diversifier leurs activités, le plus souvent destinées à des débouchés industriels spécifiques, la majorité des exploitations agricoles de grandes cultures du Grand-Est ne peuvent poursuivre leurs efforts environnementaux sans dégradation de leur performance économique.

Malgré les limites méthodologiques de cette étude, et le caractère restreint des échantillons d’entreprises, cette analyse confirme les difficultés économiques rencontrées par les exploitations spécialisées en grandes cultures lorsqu’elles adoptent des pratiques agroécologiques. Dans la mesure où le marché n’est pas susceptible de mieux rémunérer ces producteurs, les aides de la PAC se révèlent insuffisantes pour compenser de moindres revenus résultant de la mise en œuvre des pratiques vertueuses de la transition écologique voulue par l’UE.

 

En conclusion, faute de pouvoir augmenter le budget de la PAC, et à défaut de rémunération suffisante des efforts environnementaux par le marché, on comprend dans quelle mesure est justifié le desserrement des contraintes réglementaires récemment adopté par le Conseil sur proposition de la Commission. Une étude d’impact détaillée de l’application du Pacte Vert à l’agriculture aurait permis de prévenir cette crise, dès lors qu’aurait été constaté que le financement alloué à la transition n’était pas à la hauteur des ambitions environnementales.

 


[1] Ce résultat avait déjà été évoqué dans une note analyse (n°170) du Centre d’études et de prospectives intitulée « Performance économique et environnementale des exploitations de grandes cultures »