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Temps de lecture : 3 min

30/10/2025

Le vin est-il has been ?

Face à la baisse tendancielle de la consommation d’alcool et à l’essor des alternatives sans alcool, la filière viticole doit repenser ses codes, ses formats et sa pédagogie. Retour sur une journée d’échanges organisée par Vinseo – réseau des fournisseurs de la filière vitivinicole du Sud de la France – en juin 2025 à Montpellier, qui a réuni 120 professionnels et posé une question volontairement provocatrice : le vin est-il « has been » ?  Déstabilisant, certes, mais résolument tourné vers l’avenir.

La doctorante Caroline Paire (Institut Agro Montpellier) étudie l’acceptation des cépages résistants, plus sobres en intrants, mieux armés face au climat. Problème : on ne choisit pas ce qu’on ne connaît pas. Le consommateur repère encore surtout merlot, chardonnay, sauvignon, sans toujours savoir ce que ces noms recouvrent. Son terrain d’étude mêle marketing sensoriel, packaging et étiquetage, avec, en complément, de l’oculométrie (eye-tracking) pour comprendre ce qui capte réellement l’attention — un logo, une mention « éco », une image. « Le consommateur suit des repères simples. Donnons-lui des clés lisibles », résume-t-elle. Premier enseignement : l’attachement au cépage reste décisif à l’achat, même si sa signification échappe souvent. Les résultats complets sont attendus en 2026.

 

Moins d’alcool, plus de maîtrise

Le sociologue Nicolas Palierne (Université de Poitiers) parle d’une mutation de fond : le « vin alimentation » ou « le vin médicament » d’hier ont cédé la place à un vin d’occasion, festif, culturel. Chez les jeunes, la tendance est nette : près de 20 % des 17 ans n’ont jamais bu d’alcool en 2022, soit trois fois plus qu’au début des années 1990. Pour autant, prévient-il, « le vin n’est pas obsolète, tout dépend des publics et des usages ». Le symbole demeure puissant dans les moments conviviaux, mais il se confronte à un imaginaire de santé, de sobriété et d’empowerment du consommateur.

 

Sans alcool, avec style

Précurseur, le vigneron héraultais Vincent Pugibet a osé le vin sans alcool il y a dix ans. Pari tenu : 30 % de ses ventes aujourd’hui. Son public mêle adultes, seniors et nouvelles générations curieuses, en quête d’alternatives festives. Côté marché, Samuel Montgermont, président de Vin & Société, confirme la tendance et souligne la concentration des volumes : « 6 % des foyers consomment 55 % du vin, et ces consommateurs ont majoritairement plus de 50 ans ». D’où l’urgence de « penser autrement » et d’alléger les codes hérités.

 

Les bons codes au bon format

La bouteille de 75 cl n’est plus forcément le geste par défaut. « C’est le seul produit qui n’a pas de portion adaptée à la consommation individuelle », observe encore Samuel Montgermont, plaidant pour des portions individuelles élégantes et pratiques. La canette 20 cl? Pourquoi pas : le format fonctionne outre-Atlantique, même si, en France, l’image reste fragile. Pour la consultante Ewa Crétois, le sujet dépasse le contenant : vocabulaire trop expert, marketing très codifié, récits brouillés. « Le vin a besoin d’une histoire claire. Plus de pédagogie, moins de jargon », tranche-t-elle, avant de glisser que le secteur « n’a pas encore trouvé sa “confiture Bonne Maman” », cette promesse simple, chaleureuse et immédiatement lisible.

 

Réenchanter le désir

Le vin n’est pas « has been » ; il est à un point d’inflexion. Il ne s’agit pas de tourner la page : plutôt de réécrire le chapitre. Assumer ce qu’est le vin — ses plaisirs comme ses risques — tout en ouvrant le jeu : mixologie, low & no alcohol, formats nomades, moments de consommation repensés, du dîner raffiné au pique-nique chic.

La filière dispose d’atouts rares — histoire, qualité, savoir-faire, réseau d’acteurs engagés — à condition d’aligner le message sur les usages d’aujourd’hui.