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Temps de lecture : 3 min

01/09/2023

Non merci, ni ici, ni ailleurs !

Tandis que la Cour des Comptes s’interroge sur la contribution des réserves en eau de substitution, les bassines, à la souveraineté alimentaire dans un rapport publié le 17 juillet 2023, le Conseil d’État dans une ordonnance du 11 août derniers a suspendu l’exécution du décret de dissolution de « Les soulèvements de la terre » pris par le Ministre de l’Intérieur du fait des actions violentes de cette association.

Dans les tensions qui opposent désormais des agriculteurs porteurs de projets à une nébuleuse d’associations et de collectifs, ces interventions des plus instances de l’État semblent justifier les radicalités de minorités actives qui occupent largement l’espace médiatique.

Alors que le projet gouvernemental de loi d’orientation et d’avenir (PLOA) pourrait prévoir d’inscrire  un objectif de « souveraineté » dans le Code rural, et que ses dispositions législatives viseraient à relever les défis d’une « agriculture sans agriculteurs » comme Bertrand Hervieu et François Purseigle les décrivent, l’attractivité du secteur est à la peine et, inéluctablement, le nombre d’entreprises agricoles va se réduire dans la mesure où un tiers des futurs retraités ne seront pas remplacés. Dans ce contexte, cultivateurs et éleveurs doivent gérer des entreprises de taille croissante et diversifier leurs activités. Pour se faire, ils doivent projeter de créer des unités importantes d’élevage ou d’augmenter la taille des ateliers existants, de se doter de méthaniseurs pour rentabiliser biomasse végétale et effluents d’élevage pour produire du biogaz, ou encore de constituer des réserves d’eau pour mieux faire face aux conditions nouvelles de répartition des pluies. L’ensemble de ces projets font l’objet d’autorisations administratives et sont l’occasion d’une concertation avec les parties prenantes concernées localement. Celle-ci fait désormais face à des groupes de pression organisés qui, au titre des objectifs, qu’ils poursuivent s’arrogent un véritable droit de veto.

Il en est ainsi des oppositions aux créations ou extensions des unités d’élevage. L’association L214, dont l’objectif déclaré au nom du bien-être animal, est de promouvoir l’alimentation végétale et de réduire le nombre d’animaux tués, se signale par des intrusions filmées dans des exploitations agricoles ou des abattoirs pour dénoncer des mauvaises pratiques. Se prévalant de 50 000 adhérents, de 2 500 bénévoles et de 75 salariés, L214 met à disposition de ses militants une boite à outils juridique pour organiser de manière systématique les oppositions aux projets d’élevages considérés comme intensifs. Sur son site internet, L214 tient à jour une carte de France où elle situe les 26 projets en cours (bovins, ovins, porcins, volailles, canards) pour lesquels l’association coordonne les actions d’opposition.

La situation n’est pas plus favorable pour ce qui concerne la méthanisation. Ainsi tous les projets d’importance mobilisent contre eux des collectifs locaux comme c’est le cas dans de nombreux départements ( Bas Rhin, Dordogne, Drôme, Haute Garonne, Indre et Loire, Loire et Cher, Lot et Garonne, Morbihan, …) mais c’est autour des cas emblématiques des méga méthaniseurs que se sont concentrées les actions les plus radicales, s’agissant du projet « Meta Herbauge » en Loire Atlantique, et de Cerilly en Côte d’Or contre lequel s’est constitué le collectif « Méga méthaniseur, ni ici, ni ailleurs ».

Enfin après l’affaire de Sivens à l’issue dramatique, et l’abandon du projet initial de ce barrage dans le Tarn, les projets de création de retenues d’eau de Sainte Soline dans les Deux Sèvres ont mobilisé des opposants dont certains groupuscules ont agi avec extrême violence.

Le mouvement « Les soulèvements de la terre » est à la pointe de cette lutte » avec « Bassines, non merci », et l’appui de « zadistes » et d’adhérents de la Confédération Paysanne. Ces différentes organisations auxquelles on peut rajouter « Les faucheurs volontaires » et les « Semences paysannes » ont eu durant l’été 2023 des agendas communs d’appel à manifester publiquement jusqu’à l’organisation du « Convoi de l’eau » parti symboliquement de Sainte Soline le 17 août pour arriver à Paris le 23, avec quelques actions d’éclat sur le parcours.

 

Ainsi au cours des derniers mois, la radicalisation des oppositions à des projets agricoles pose des questions de fond sur l’avenir de l’agriculture française et sa compétitivité. S’il est légitime que des mouvements de citoyens s’attachent à défendre le bien-être animal, la protection de l’environnement, la biodiversité, la gestion de l’eau comme bien commun, ou encore la défense du modèle de la petite exploitation agricole familiale, il n’est pas tolérable que ces mouvements se refusent à toute concertation et qu’ils usent de moyens violents à caractère délictuel pour défendre leurs causes. Au sein même de la profession agricole, les opposants systématiques aux projets qualifiés d’industriels productivistes mènent un combat d’arrière garde qui fait fi des évolutions démographiques et économiques du secteur agricole, et leur radicalisation peut s’interpréter comme le signal de détresse d’un modèle qui n’est plus rémunérateur.

 

Comme les anglo-saxons se plaisent à résumer les oppositions de voisinage à tout projet agricole ou industriel en usant de l’expression « not in my back yard » ou NIMBY, soit « pas dans mon jardin », la version française actualisée est plus radicale : Non merci, ni ici, ni ailleurs !