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Temps de lecture : 3 min

13/01/2023

Pour que le Pacte Vert ne vire pas au vert de gris

Avec la neutralité carbone à l’horizon 2050 en ligne de mire, le Pacte Vert décline toute une série de stratégies visant à marche forcée la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour les 11 000 installations industrielles des secteurs les plus émetteurs, le système communautaire européen d’échange de quotas d’émission (SCEQE) mis en œuvre en 2005 a permis une réduction progressive de celles-ci.

Les stratégies « Farm to fork » et « Biodiversité » assignent également des objectifs de décarbonation pour l’agriculture européenne. Pour aller plus vite encore, la Commission européenne a engagé en juillet 2021 le programme « Fit for 55 » qui fixe des objectifs ambitieux pour 2030. Jusqu’ici l’allocation de quotas gratuits dans le périmètre du SCEQE avait permis d’endiguer les délocalisations d’activité hors de l’UE, dénommées fuites de carbone, avec l’inconvénient d’une moindre valorisation de la tonne carbone. C’est pourquoi, ainsi  que le trilogue « Conseil – Commission – Parlement Européen » vient d’en décider en décembre 2022, un Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF) va se mettre progressivement en œuvre pour les secteurs les plus émetteurs sur la période 2026-2032 parallèlement à la suppression progressive des quotas gratuits. Il s’agit bien d’éviter les fuites de carbone en prélevant aux frontières de l’UE des montants calculés sur le contenu carbone des importations, pour les ramener au niveau des normes européennes. Ce dispositif qui nécessite au préalable une période de collecte de données de 2023 à 2025, s’appliquera dans un premier temps à cinq secteurs clés dont celui des engrais.

Ainsi l’Union européenne s’est-elle dotée d’instruments pour contribuer à la lutte contre le changement climatique. Mais cette démarche vertueuse a son revers. Au fur et à mesure de la réduction de l’empreinte carbone de son économie, au prix le plus souvent d’une augmentation des coûts et donc d’une moindre compétitivité, l’UE connait un accroissement de l’empreinte carbone due aux importations en valeur relative, et en valeur absolue pour certains secteurs. Selon une étude récente de l’INSEE[1], un tiers de l’empreinte carbone 2018 de l’UE est dûe à ses importations. Alors que sur la période 2000-2018, les émissions de l’UE27 ont été réduites de 6,4%, celles de la Chine ont quasiment triplé, tandis que la progression planétaire est de l’ordre de +50%. Dans un scénario environnemental[2] d’une réduction de la densité de l’élevage bovin, les simulations réalisées sur le modèle CAPRI par les experts du Centre Conjoint de Recherche de la Commission montrent que 79 à 84% des réductions des émissions seraient compensées par l’accroissement des émissions importées.

Dès lors, comment éviter que les efforts accomplis par l’UE soient largement amputés par la part croissante du contenu carbone des importations ?

A la condition qu’il s’applique à tous les produits importés, le MACF représenterait une partie de la solution, mais son périmètre restreint et le calendrier actuel de mise en place ne permettent pas d’envisager que cet instrument puisse se révéler efficace avant une décennie.

Alternativement, la transformation des modèles de consommation visant à réduire la part des produits à forte empreinte carbone est une composante majeure d’une stratégie de décarbonation. Alors que les prix déterminent pour l’essentiel les choix des consommateurs, les modifications volontaires de comportement se déroulent sur un temps long. Les processus de végétalisation de l’assiette et de progression du flexitarisme[3] en sont l’illustration. Sur ces sujets les politiques publiques restent limitées aux sphères de la sensibilisation des consommateurs et de l’information éducative.

Enfin les politiques agricoles et industrielles ciblées de substitution d’importations devraient compléter les dispositifs de réduction des importations à empreinte carbone élevée, produites dans les économies grises du reste du monde.

 

Ainsi, reste à développer tout un volet de mesures et de politiques pour éviter que le Pacte Vert ne vire pas au vert de gris et que les sacrifices consentis par les européens ne soient pas faits en vain.

 


[1] https://www.insee.fr/fr/statistiques/6474294

[2] agricultural-outlook-2022-report_en_0.pdf

[3] Sur ce sujet, cf. la note d’Agridées Flexitarisme, une opportunité pour la chaîne alimentaire ?