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Temps de lecture : 3 min

29/11/2024

Sans sécurité, pas de souveraineté

Au printemps 2024, Enrico Letta, homme politique italien, Président de l’Institut Jacques Delors, présentait un rapport devant le Conseil européen, Much more than a market (Bien plus qu’un marché). Il y plaide pour un renforcement stratégique du Marché unique. Le rapport Draghi présenté en septembre 2024 à la Commission, qui en avait fait la commande, diagnostique les vulnérabilités économiques de l’Union européenne en termes de compétitivité internationale et présente un plan pour y remédier. Plus récemment, toujours en réponse à une commande de la Commission, Sauli Niinistö, ancien Président de la République de Finlande, et conseiller spécial de la Commission, a publié en octobre 2024 son rapport Safer together (Plus en sécurité ensemble) dont le sous-titre annonce la tonalité puisqu’il s’agit de renforcer la préparation civile et militaire de l’Europe.

Le troisième rapport de ce triptyque aborde frontalement la question de la sécurité européenne dans le contexte des tensions géopolitiques actuelles. Les deux premiers la traitaient implicitement, sans questionner la problématique sécuritaire mais tout en apportant des propositions visant à renforcer la souveraineté européenne. À ce titre, le rapport « Niinistö » énonce comme point de départ de son propos que la sécurité est la base sur laquelle tout est construit, qu’il convient d’adopter à cet égard un nouvel état d’esprit, que la sécurité doit être réalisée de manière unique (versus celle de chacun des États membres) et solidaire, que vu l’état actuel de préparation (ou d’impréparation ?) de l’UE, celle-ci doit adopter une approche européenne pour une préparation globale à mettre en œuvre ensemble, en partant du plus petit dénominateur commun pour parvenir au plus audacieux commun dénominateur.

S’agissant de l’agriculture et de l’agroalimentaire, les crises successives de la pandémie Covid-19, des conséquences de l’invasion russe de l’Ukraine, et de l’inflation qui a suivi, ont été au cœur des travaux de l’EFSCM (Mécanisme européen de préparation et de réponse aux crises de sécurité alimentaire), groupe d’experts des États membres et de l’écosystème agroalimentaire réunis par la Commission. Mais jusqu’ici, les différentes recommandations de l’EFSCM visant à améliorer les instruments de gestion de crise n’avaient pas conçu explicitement qu’il fallait « se préparer aux pires scénarios » comme l’envisage le rapport Niinistö.

« Safer together » propose 9 blocs de ligne de conduite et d’actions pour que l’UE soit totalement prête en termes de sécurité au sens large puisqu’il s’agit notamment de renforcer la coopération entre civiles et militaires, d’améliorer celle qui lie l’Union Européenne avec l’OTAN. Si vis pacem, para bellum : si l’UE veut préserver la paix dans laquelle ont vécu la majeure partie des nations européennes (exception faite de l’ex-Yougoslavie) depuis la seconde guerre mondiale, il faut se préparer à la guerre qui sévit à ses frontières. Il est d’ailleurs facilement compréhensible que l’ancien Président finlandais soit plus sensible que quiconque au contexte actuel de la guerre en Ukraine, lui dont le pays compte un millier de kilomètres de frontière avec la Russie et dont l’histoire conserve la mémoire douloureuse des relations avec son voisin.

En insistant sur les différents principes que garantissent la sécurité, Sauli Niinistö prône notamment de s’appuyer sur la préparation des citoyens européens et d’exploiter pleinement les partenariats entre les secteurs publics et privés. Sous ce chapitre, il conseille de développer une stratégie globale de l’UE en matière de stockage pour parvenir à coordonner les efforts publics et privés pour la constitution de réserves des produits essentiels et d’en assurer la disposition en toutes circonstances. Cette recommandation rejoint l’un des sujets abordés dans les conclusions du « Dialogue stratégique sur le futur de l’agriculture[1] ». Mais ici, il ne s’agit plus seulement d’éviter les ruptures d’approvisionnement ou les fortes volatilités des produits agricoles en temps de paix, mais bien d’assurer la sécurité alimentaire par temps de guerre.

Au-delà des discussions sur la remise en cause des relations commerciales de l’UE avec le reste du monde, illustrée actuellement par les perspectives d’un accord UE-Mercosur, le rapport Niinistö rappelle avec force qu’il n’y a pas de souveraineté sans garantie de sécurité. Une réflexion qui prend tout son sens pour la défense de la souveraineté alimentaire.

 


[1] Voir l’article de Quentin Mathieu, Conclusions du dialogue stratégique européen sur l’avenir de l’agriculture : une boussole qui continue de perdre le nord ? Agridées.