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Points de vue

Temps de lecture : 3 min

22/12/2022

2023, année de rupture : S’adapter à la descente en gamme !

Depuis 15 ans nous avons assisté en tendance et en moyenne à une montée en gamme : plus de bio, de local, de PME, de frais, d’artisans. Cependant, la fragmentation à bas bruit de la société a lentement polarisé une consommation précédemment centrée sur le moyen de gamme entre un haut et un bas de gamme, l’un portant les volumes, l’autre la valeur. Cette valorisation s’est aussi manifestée par un développement sans précédent de la part des services dans la valeur : plus de restaurant (qui retrouvent en 2022 leur chiffres de 2019), de livraisons, de plats cuisinés.

L’émergence annoncée d’un monde d’après, plus vertueux, a fait long feu et la sortie de la crise Covid a renoué avec les tendances précédentes. La crise commencée en 2022 pourrait tout changer car ce qui compose l’inflation modifie profondément les chaînes de valeur.

Energie, main d’œuvre, investissements, trois ingrédients plus rares et plus chères

Passée la forte volatilité de 2022, il est hautement probable que l’énergie restera durablement chère. Cela va toucher tous les maillons de la chaîne alimentaire car, in fine, nous mangeons de l’énergie : celle des engrais, des tracteurs, des camions, des usines, des chambres froides, etc…

Alors que le coût du travail est déjà élevé en France, une hausse généralisée des salaires va particulièrement peser sur la filière alimentaire, notamment sur ses maillons les plus intensifs en main d’œuvre, et ce alors même qu’elle peine déjà à embaucher.

Enfin, les investissements conséquents liés au maintien de la chaîne du froid et aux normes d’hygiène et qualité se renchérissent avec la montée des taux d’intérêt.

En clair, la filière alimentaire utilise largement trois ressources durement touchées par le contexte : L’énergie, les hommes, les capitaux. Si la situation finira par se normaliser, il est certain que les salaires ne redescendront pas, peu probable que la crise climatique permette de retrouver une énergie bon marché, et fort risqué d’escompter un retour des taux d’intérêts nuls ou négatifs.

Entre une part plus forte de la valeur captée par ces trois ressources clefs et une contrainte de pouvoir d’achat plus forte, la consommation alimentaire entre dans un monde de contraintes inédites, peu compatible avec les « désirs de mieux » observés depuis 15 ans.

Vers des marques de distributeurs (MDD) dominantes ?

Très visible depuis le printemps, la descente en gamme s’est traduite par une hausse de la part de ces MDD sur le marché, hausse nouvelle après une décennie de déprise, et inédite dans son ampleur. Le potentiel de croissance de ces marques est très important en France, de l’ordre de 25% si l’on se compare avec le marché allemand, et de 60% avec le marché anglais. Une telle évolution entraînerait une baisse du coût du panier de 2 à 5% pour les Français.

En redistribuant les parts de marché industrielles, ce mouvement reventile aussi le sourcing des matières premières. Ces marques, souvent produites en France par des PME, ont une assez large part nationale de matières agricoles. Pour autant, ce mouvement renforce le besoin de « commodités » pour produire. De plus, le succès du modèle de distribution allemand dans toute l’Europe, largement fondé sur de très gros volumes achetés sur des appels d’offre internationaux, impose de rapidement retrouver notre compétitivité coût.

La revanche du placard ?

Après des années de « prise de pouvoir du frigo sur la placard » où de plus en plus de produits se valorisaient « au rayon frais », nous observons en 2022 une véritable revanche de l’épicerie. A besoin équivalent, les produits d’épicerie sont moins chers qu’en frais, se conservent mieux et se gaspillent moins, ce qui explique grandement leur nouveau succès auprès de Français qui comptent chaque Euro. Depuis le début de l’année, les produits frais chutent en valeur malgré l’inflation alors que les produits de grande consommation (PGC) connaissent une croissance portée par celle-ci. Le marché se déplace dans l’hypermarché.

Plus cher, le frais mobilise plus d’énergie, de main d’œuvre et d’investissements (y compris par un recours au crédit fournisseur limité à 30 jours). L’écart de rentabilité des capitaux entre frais et PGC se creuse. Les effets de l’inflation sur les coûts vont toucher prioritairement l’exploitation du frais et pourraient entraîner une moindre priorisation des investissements sur ce secteur à moyen terme.

Au bout se retrouve la problématique de l’origine des matières premières. Par la Loi, le marketing ou les attentes des clients, la mention de l’origine est bien plus visible sur les produits des rayons frais. Alors que l’origine est un critère majeur de la confiance, le mouvement vers le placard va réduire son exposition et renforcer la commoditisation de la matière première agricole. Il y a là un défi collectif de transparence.

Prendre le bon virage

2022 aura vu émerger des tendances nouvelles. Pourtant l’inflation était quasi nulle en janvier et contenue autour de 5% à l’été. La période de négociations qui s’ouvre laisse entrevoir un choc très puissant d’ici le Salon de l’Agriculture.

Vouloir passer des hausses de tarif est légitime et souvent nécessaire. Ça ne saurait être sans conséquence au niveau des consommateurs. Ainsi, les tendances qui se dessinent soulignent l’impérieuse nécessité pour l’industrie de pouvoir s’adosser à une Ferme France compétitive en prix. La situation présente bien sûr pour l’agriculture un risque d’écrasement des marges, mais plus encore d’érosion des volumes.

Plus que jamais, le système alimentaire voit sa trajectoire s’infléchir. Nous sommes à la croisée des chemins. A chacun d’anticiper les effets collatéraux des actions menées ou subies et de préparer l’avenir.