Points de vue
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06/04/2023
Enseignement Supérieur et Recherche en temps de transition
L’agriculture revient au cœur des préoccupations de nos concitoyens et c’est tant mieux. Parce que sans agriculture pas de nourriture. Cela correspond à un besoin pour certains d’entre eux de retrouver des racines, à la soif de plus de naturalité pour d’autres ou encore à la vision un peu idéalisée d’une réalité en fait contrastée.
L’affluence au dernier Salon de l’Agriculture en est une manifestation. Au cœur des débats également parce que l’agriculture est parfois mise au banc des accusés. Les professionnels ne nient pas leurs responsabilités. Face aux constats des impacts du dérèglement climatique qu’ils sont les premiers à constater sur leurs terres, ils sont engagés, certainement plus que jamais, pour transformer leurs pratiques alors que bien souvent les solutions ne font qu’émerger.
Qu’en est-il pour un établissement de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche ? En quoi ce contexte informe – au sens de donne une forme à – ce maillon de l’écosystème ? Que faut-il déplacer et transformer ?
Dans un monde confronté à un saut de complexité, les modèles en silo, fermés sur eux-mêmes, perdent de leur force, les physiciens l’ont démontré. Il faut multiplier les points de contacts pour déplacer les regards, inventer autre chose, oser aller réellement à la rencontre d’autres domaines. Les sciences du vivant tutoient depuis fort longtemps les technologies du numérique. Les avancées sont évidentes et cela ne fait que se renforcer. Mais d’autres connexions sont nécessaires. Le défi énergétique requiert de mettre autour de la table des spécialistes des ressources fossiles et renouvelables (les agriculteurs produisent actuellement 20% des ENR), du génie énergétique, des nouveaux matériaux… La santé humaine dans une approche préventive, « la bonne santé », n’est pas indépendante de la santé des sols, de la santé de l’animal, de celle de l’environnement. Pour autant les approches, les méthodes, les langages des scientifiques sont diverses. Il faut qu’ils se heurtent, se découvrent, se confrontent au quotidien pour créer des passerelles et ouvrir des voies.
Il en va de même dans le domaine des formations. Tout en conservant les pivots scientifiques et technologiques forts propres à chaque domaine – ce qui requiert ressources et plateformes – il faut inventer de nouveaux parcours pour faire en sorte que les disciplines dialoguent et ne soient plus étrangères les unes aux autres. Au sein de ses formations ingénieur, par exemple pour Unilasalle, un parcours « Géo-Bio-Réservoirs pour la transition énergétique bas carbone des territoires » a été créé, il articule de l’agronomie avec les sciences de la terre, le numérique, les sciences humaines et sociales. On peut citer également le parcours « De la ressource aux usages : gestion et préservation de l’eau » combinant sciences agronomiques, hydrogéologie, génie de l’environnement, bio-procédés et toujours les sciences humaines et sociales. Ces programmes permettent d’articuler les savoirs, les mettre en situation et développer la transversalité de nouveaux profils.
En ces périodes où les savoirs évoluent très vite, la formation nous concerne tous quels que soient nos âges. Les défis des transitions agroécologiques, alimentaires, énergétiques, numériques, la compréhension de l’ensemble des boucles à l’œuvre n’est pas une évidence. Le développement d’approches globales et holistiques s’impose. Le monde agricole devrait être mieux armé pour y faire face. L’aventure du vivant est intrinsèquement l’histoire de systèmes complexes. Mais il s’agit d’aller au-delà pour comprendre le système Terre et ce qui se joue dans cette zone critique de l’habitabilité de notre planète. Il se trouve que les plus jeunes générations sont très souvent mobilisées par ces enjeux. Alors nous pouvons peut-être aussi oser des pas de côté et inventer des modèles de formation un peu différents, par exemple intergénérationnels. Les plus jeunes peuvent venir à la rencontre de leurs ainés. Comme parents, nous savons souvent que nos enfants nous enseignent. Nous pouvons aussi transposer cela dans le monde professionnel. Par exemple, décider que tous nos collaborateurs seront formés par des étudiants à la Fresque du Climat. C’est un début mais il n’y a pas de petits pas. Créer là aussi du mouvement, du lien : d’ici la fin de l’année, près de 1200 collaborateurs d’entreprises auront été ainsi formés par une quarantaine de nos élèves.
Ce n’est pas demain, ce n’est pas impossible, c’est aujourd’hui, ici, ensemble.