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Points de vue

Temps de lecture : 4 min

03/12/2025

« Think different » pour sortir l’économie céréalière du « corner » stratégique

Les chiffres communiqués par les centres de gestion l’indiquent : en grandes cultures, l’agriculture ne rémunère plus par le marché ses facteurs de production. Dans le meilleur des cas, les aides PAC constituent le seul revenu et encore ! ­­

Me reviennent en mémoire les paroles de mon professeur de stratégie des entreprises : « Lorsque vous êtes dans une mauvaise position stratégique, que vous travailliez beaucoup et bien, vous êtes condamné malgré tous vos efforts à perdre de l’argent ». Les agriculteurs travaillent beaucoup et souvent très bien mais ils perdent de l’argent. Parce que l’agriculture est enfermée dans un « corner stratégique ». Elle ne pourra en desserrer l’étreinte qu’en sortant du cadre d’exercice traditionnel de son système productif.

Quels sont donc les contours des mâchoires du « corner stratégique » ? L’acte de production agricole est encadré entre un amont et un aval qui est imposé et sur lequel l’agriculteur n’a plus de prise.

En amont, les facteurs de production directeurs –engrais et produits phytosanitaires– sont subis. Aujourd’hui il faut deux camions de blé pour un camion de solution azotée contre un camion de blé il y a encore cinq ans. Le machinisme agricole dépend pour sa part de quelques marques mondialisées. Et les firmes rechignent encore au reconditionnement pourtant plébiscité par les constructeurs automobiles.

En amont aucun arbitrage n’est possible. En aval, il en est de même. La réforme de la PAC de 1992 a jeté les agricultures européennes dans le grand bain de la mondialisation avec comme bouée de sauvetage un système d’aides directes compensatoires, rongé par l’inflation et conditionné par le respect toujours plus exigeant de règles de verdissement. S’y ajoute une marginalisation politique du budget agricole que les perspectives de la PAC post 2027 confirment.

Ainsi les résultats dépendent des aléas des cours mondiaux eux-mêmes gouvernés par les aléas des volumes, des prix, de la position des fonds financiers ou des politiques. Autant de variables hors de l’appréhension des acteurs agricoles. La volatilité qui en résulte rend impossible toute prise de décision rationnelle : pas d’arbitrage sur des prix de vente qui peuvent varier du simple au double en quelques années.

Bref, l’économie agricole s’est restructurée et impose sa loi et ses prix. L’agriculture subit.

Au milieu, les acteurs agricoles essaient de se débattre aux prises avec des concurrents qui ne disposent pas des mêmes armes, que ce soit sur le champ de la réglementation ou celui des structures d’exploitation. Ainsi une tonne de blé sortie cour de ferme coute 100 € en Russie, 120 € en Ukraine contre plus de 200 € en France.

Voilà à grands traits le champ de bataille dans lequel jouent les acteurs agricoles.

Y a-t-il des échappatoires à ce « corner stratégique » ?

Oui et comme disent les gourous de la « Silicon Valley » : Think different !

D’abord, il faut accepter de considérer que le modèle de production imposé par l’Europe justifie aussi un traitement spécifique d’accompagnement.

Sans en revenir aux ingrédients qui ont fait le succès de la PAC d’antan, il faut une relative protection du champ européen permettant aux acteurs d’exercer leur activité dans un cadre souverain. Faudrait-il isoler le marché européen des excès du marché mondial par un système d’écluses aux frontières fondé sur des taxes réellement efficaces qui permettent l’expression du modèle de production choisi ? A cet égard, la taxe carbone est une piste intéressante. Mais comme on le dit dans les états-majors militaires, la réussite réside dans l’exécution.

Alors si nous voulons garder notre souveraineté alimentaire, définissons de nouvelles règles du jeu, tirons parti de notre espace rural de manière novatrice et réhabilitons l’acte de production.