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Analyses

Temps de lecture : 3 min

13/12/2024

Etiquetage alimentaire en Europe : mieux corder la raquette

La Cour des comptes européenne vient d’émettre le 25 novembre 2024 un rapport spécial sur “L’étiquetage des denrées alimentaires dans l’UE – Des consommateurs parfois déroutés par la masse d’informations“. La Commission européenne a apporté ses réponses à ces observations dans une parution du même jour sous le titre : “L’étiquetage des denrées alimentaires dans l’UE – Des consommateurs parfois perdus dans la jungle des informations“. Tout y est décrit, et d’évidence le ramage et le plumage de l’étiquetage n’en font pas le phénix de la réglementation européenne !

Les étiquettes visent à fournir aux consommateurs des informations claires sur les denrées alimentaires, à faciliter leur prise de décision, à les protéger tout en générant la confiance. De l’ensemble des textes verticaux et horizontaux de la législation européenne émerge notamment le règlement n°1169/2011 du Parlement européen et du Conseil concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires[1] (règlement ICDA).

Globalement, la réglementation européenne impose des informations obligatoires devant figurer sur les étiquettes (dénomination, date, quantité, déclaration nutritionnelle, origine…) ou encadre des informations facultatives (allégations nutritionnelles, environnementales, relatives au bien-être des animaux, …), les réglementations nationales ayant aussi leur mot à dire (systèmes de qualité nationaux, étiquetage de l’origine). Ce sont les entreprises du secteur alimentaire commercialisant les denrées alimentaires qui sont responsables des informations, et ce sont les autorités de contrôle nationales des Etats qui qui sont chargées de faire appliquer la législation alimentaire.

Bien entendu les Etats-membres (et les entreprises), au-delà des aspects culturels qui ont toute leur importance dans l’appréciation ou le regard porté sur l’alimentation, ne facilitent pas toujours la volonté de progresser ou d’harmoniser de la Commission. Ainsi en est-il des systèmes d’étiquetage nutritionnel. Celui sur la face avant des emballages (du type Nutri-score), permet à différents systèmes nationaux de cohabiter, pour les seuls pays volontaires. A chacun d’y “retrouver ses petits”, ou non.  De même il n’y a pas de réglementation européenne concernant les profils nutritionnels, ce qui veut dire que des allégations nutritionnelles et de santé positives mais ciblées (exemple “riche en vitamine C” ou “source de fibres”) peuvent être autorisées en tant que telle pour des produits qui dans leur composition globale peuvent être riches en sucre, en sel ou en matières grasses. Quand l’allégation spécifique peut « dominer » le profil général, d’évidence l’étiquetage doit s’améliorer. Cette difficulté à dépasser la complexité de l’étiquetage en nutrition/santé vaut également pour les projets d’étiquetage environnemental, autre enjeu transversal majeur.

Cette bataille pour l’amélioration de l’étiquetage, et son harmonisation, s’avère fondamentale tant l’étiquetage constitue un levier puissant au service des politiques publiques et une nécessaire exigence de transparence auprès des opérateurs. A ce titre, l’étiquetage représente un moyen décisif de parfaire l’unité du marché intérieur, afin que tous les consommateurs bénéficient de la même information là où les élargissements successifs ont eu tendance à le parcelliser. En outre, au moment où tous les regards sont braqués sur la négociation d’accords internationaux par l’Union européenne, il faut aussi rappeler que la vigilance sur l’étiquetage d’origine, tant des produits bruts que des produits transformés qu’il faudrait associer à l’avenir, s’impose à l’heure de nos questionnements en matière de souveraineté[2].

Pour autant, les consommateurs européens ne vivent pas dans un no man’s land désertique, l’information qui leur est offerte y est certainement supérieure à celle de beaucoup d’autres zones mondiales ; ils vivent plutôt dans une jungle pour reprendre l’expression de la Commission. Il est vrai par exemple que dans une étude de 2013, non mise à jour, la Commission répertoriait au-delà des prescriptions obligatoires 901 systèmes volontaires d’étiquetage concernant les produits alimentaires européens. Où est la voie dans cette forêt ?

A ce stade, la Cour des comptes européenne formule 5 grandes recommandations auprès de la Commission :

1) Combler les lacunes les plus criantes du cadre juridique européen (en application du règlement ICDA), là où l’inaction ou la temporisation de la Commission s’avère la plus pénalisante. Il s’agit particulièrement de décider d’actes juridiques relatifs aux allégations botaniques et à l’étiquetage préventif des allergènes et de poursuivre les travaux concernant l’origine et l’étiquetage des boissons alcoolisées ;

2 et 3) Analyser avec les Etats-membres les pratiques en matière d’étiquetage, vérifier que les attentes des consommateurs soient prises en compte et, plus encore, que les étiquettes soient comprises des consommateurs !

4) Renforcer les contrôles opérés par les Etats-membres, notamment ceux concernant les informations facultatives sur les denrées alimentaires, ainsi que resserrer la vigilance vis-à-vis du commerce de détail en ligne ;

5) Améliorer la communication des informations sur l’étiquetage, entre les Etats-membres et la Commission et entre eux via le réseau d’alerte et de coopération par exemple en cas de non-conformité entrainant des risques pour la santé. Dans ce dernier cas mieux partager l’information avec le public.

En réponse à la Cour, la Commission s’est engagée à mettre en œuvre ces différentes recommandations au plus tard à la fin 2027.

Peut-être demande-t-on trop à l’étiquetage ? Alors commençons par combler les trous dans la raquette là ou l’absence de réglementation permet l’omission d’information aux consommateurs ou l’utilisation de dénominations trompeuses. Et tendons le cordage afin de relancer la meilleure des méthodes : la transparence. A chacun ensuite de saisir la balle au bond pour ses propres choix alimentaires.

 


[1] Règlement UE n°1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011, JOUE L 304/11 du 22/11/11, applicable principalement le 13/12/14.

[2]Souveraineté alimentaire : le cas poulet“. Note de Think tank Agridées, décembre 2023.