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Temps de lecture : 3 min

11/02/2022

Agriculture bas-carbone : bientôt une certification européenne ?

Une rencontre informelle des ministres de l’Agriculture et de l’Alimentation de l’Union européenne s’est tenue à Strasbourg les 7 et 8 février 2022. Il s’agissait pour la Présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE) de mener une réflexion commune sur les modèles agricoles et forestiers favorables à l’atténuation du changement climatique. L’agriculture pourrait être un maillon essentiel dans l’objectif ambitieux de neutralité climatique d’ici 2050 que s’est fixée l’Union européenne. Le sujet semble avoir mobilisé puisque la quasi-totalité des ministres de l’Agriculture des Etats membres de l’Union européenne étaient présents aux côtés du commissaire européen à l’Agriculture, du président de la Commission Agriculture du Parlement européen ainsi que des présidents du COPA, du COGECA et du CEJA. La rencontre a débuté le 7 février matin par la visite du centre de l’INRAE Grand Est-Colmar et la présentation des techniques innovantes de sélection des cépages de vigne pour développer des espèces plus résistantes aux maladies induites par le changement climatique. L’après-midi, la délégation s’est rendue dans un élevage laitier du Bas-Rhin impliqué dans une trajectoire de réduction de son empreinte carbone dans le cadre du Label bas-carbone français. Ces visites ont servi de base à la réunion du 8 février qui a fait apparaitre un intérêt unanime des États membres pour la démarche de la PFUE ainsi qu’une volonté commune de proposer des solutions non-règlementaire à l’enjeu du carbone en agriculture.

Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation français et président du Conseil des ministres de l’Agriculture pendant le premier semestre 2022, soutient que l’Union européenne peut se doter d’un système visant à « concilier création de valeur environnementale et création de valeur économique ». La Présidence française promeut la création d’une certification européenne des projets de réduction d’émissions de gaz à effet de serre et de séquestration du carbone dans les sols (« carbon farming »). Les exploitations labélisées auraient alors la capacité d’émettre des crédits carbone, que d’autres acteurs pourraient acheter afin de compenser leurs propres émissions. En France, le Label bas-carbone a déjà permis de générer 700 000 tonnes d’équivalent CO2 (t éq. CO2). Le ministre français de l’Agriculture et de l’Alimentation a annoncé lors de la conférence de presse de clôture du Conseil informel de Strasbourg que son ministère achèterait l’équivalent de 7 000 t éq. CO2, pour compenser ses émissions. Les ministres européens ont partagé les bonnes pratiques qu’ils avaient déjà mises en œuvre ou envisageaient de mettre en place et témoigné de leur intérêt commun pour le dispositif. Ce sujet est essentiel dans la mesure où les sols agricoles constituent le plus grand puits de carbone après les océans mais devant les forêts.

Toutefois, les enjeux quant à la mise en œuvre de l’agriculture bas-carbone restent nombreux. Il faudra s’accorder sur une méthodologie et notamment déterminer quelles pratiques sont considérées comme vertueuses. Pour ce faire, il sera nécessaire de trancher sur l’intégration de la réduction des émissions de méthane et du protoxyde d’azote dans le dispositif, en plus du stockage de carbone dans les sols. Un débat est apparu entre la Présidence française qui défend une méthodologie intégrant les réductions d’émissions ainsi que les mesures visant à accroitre la captation, tandis que la Commission européenne réfléchit à un dispositif centré sur la seule séquestration des gaz à effet de serre (voir la communication de la Commission européenne sur les cycles durable de carbone[1]). De plus, la certification doit être fiable tout en restant suffisamment simple pour éviter des charges bureaucratiques ou financières pour les exploitants. Il faudra aussi penser à la formation des agriculteurs qui devront maitriser les pratiques les plus propices à la captation du carbone. Enfin, il faudra réfléchir au prix des crédits carbone. En effet, l’Europe étant en avance sur les réglementations environnementales, les efforts restants s’avèrent plus coûteux qu’ailleurs. Ainsi, les crédits français sont 10 fois plus chers que ceux ayant court sur le marché sud-américain. La compétitivité des crédits carbone doit donc être pensée dès leur création.

En conclusion, le consensus dégagé entre les États-membres et la Commission européenne lors de cette rencontre informelle n’est pas l’aboutissement des négociations mais la base de la construction d’une certification de l’agriculture bas-carbone et du marché volontaire des crédits carbone qui lui sera associé. Pour ce faire, le Conseil des ministres en charge de l’agriculture devrait officialiser ses conclusions sous la Présidence française à l’occasion des rencontres du Conseil des ministres de l’Agriculture de mars ou avril 2022, tandis que la Commission européenne prévoit de rendre ses propositions législatives pour la fin de l’année 2022, sous présidence tchèque du Conseil de l’Union Européenne.


[1] https://ec.europa.eu/clima/system/files/2021-12/com_2021_800_en_0.pdf