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Temps de lecture : 3 min

10/02/2023

Alimentation et biocarburants en débat

L’invasion russe de l’Ukraine a déclenché de profonds bouleversements géopolitiques et une crise sur les fronts de la sécurité alimentaire et énergétique. L’agriculture est au centre de cette problématique de crise : pour réduire la dépendance aux carburants d’origine fossile, peut-on consacrer une partie des productions agricoles à la fabrication de biocarburants sans affecter la sécurité alimentaire ?

Le débat n’est pas nouveau, mais les conséquences économiques du conflit russo-ukrainien lui donnent une actualité brûlante. C’est dans ce contexte que l’IFPRI (International Food Policy Research Institute) et AMIS (Agricultural Markets Information System) ont organisé le 24 janvier dernier un webinaire toujours disponible en podcast.

Avant l’ère de la mécanisation, les agriculteurs devaient allouer une partie de la production agricole à l’alimentation des animaux de trait pour disposer ainsi de l’énergie animale nécessaire aux travaux agricoles et au transport. Cette complémentarité des usages de la production agricole est encore de règle dans les communautés rurales de nombreux pays en développement. Mécanisation de l’agriculture et globalisation de l’économie mondiale ont transformé cette relation de complémentarité locale en concurrence au niveau des marchés mondiaux. Mais peut-on à proprement parler de concurrence ? Comme certains industriels de l’agroalimentaire soupçonnent les productions de biocarburants de renchérir le prix des matières premières qu’ils utilisent, des ONG se liguent contre les biocarburants sous la bannière #FoodNotFuel au nom de la sécurité alimentaire. Pour leur part, les promoteurs de la production des biocarburants ont répondu aux besoins de procurer des débouchés agricoles et de soutenir les revenus des producteurs en contribuant à une moindre dépendance énergétique et à la décarbonation des process.

 

Dans la publication 2022 des Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO, le chapitre consacré aux biocarburants fait un état des lieux des évolutions de marchés et dresse des perspectives pour la période 2022-2031. Le rapport souligne le rôle déterminant des politiques publiques sur les marchés des biocarburants, en fonction de l’évolution de la demande des carburants fossiles et des mesures nationales de soutien : alors que dans les pays à revenus élevés la progression des biocarburants sera  limitée par la baisse de la demande des carburants fossiles et la réduction des mesures incitatives, les pays à revenu intermédiaire porteront la croissance du marché des biocarburants en mettant en œuvre des obligations d’incorporation et en soutenant la consommation des mélanges fossile-biocarburants. Par ailleurs, les projections à moyen terme consolident l’hypothèse d’une production de biocarburants réalisée pour l’essentiel à partir de maïs et de canne à sucre pour l’éthanol, et d’huiles végétales pour le biodiesel. Ainsi, les États-Unis et l’Union européenne qui ont été leaders respectivement pour la production d’éthanol et de de biodiesel plafonneraient leurs productions, tandis que Brésil, Chine, Thaïlande et Inde pour l’éthanol et Brésil, Indonésie, Argentine, Thaïlande et Argentine pour le biodiesel constitueraient le relai de croissance du marché mondial des biocarburants.

Confirmant les vues de l’OCDE et de la FAO, comme l’a rappelé Madame Justyna Wrobel, la représentante de la Commission européenne lors du webinaire cité précédemment, l’Union, qui a donné aux Etats membres une grande latitude en la matière a dû récemment arbitrer entre inflation des prix alimentaires et des prix de l’énergie en plafonnant les incorporations de biocarburants. Au cours du même séminaire et en conclusion de sa présentation sur le marché du biodiesel, Monsieur Siegfried Falk, co-éditeur de la revue Oil World, a illustré les progressions parallèles des consommations d’huiles végétales qui devraient atteindre en 2023 à l’échelle mondiale les niveaux de 26kg/hab./an pour les usages alimentaires, et 6kg/hab./an pour la production de biodiesel.

Dans cette confrontation de points de vue sur les choix politiques d’encouragements ou de freins au développement des biocarburants, la prise en compte de la production et de l’utilisation des co-produits est totalement absente, alors que drèches et tourteaux destinés à l’alimentation animale participent à la sécurité alimentaire en répondant à la demande des consommateurs en produits carnés.

Ainsi, pour tempérer les passions dans ce débat qui tend à opposer alimentation et biocarburants, serait-il nécessaire d’élargir le champ des données à celles qui participent à l’équilibre des choix des régimes alimentaires. Les situations de crise Covid-19 et Ukraine ont démontré les liens entre sécurité énergétique et alimentaire et c’est toute la responsabilité des décideurs publiques de savoir les associer pour assurer les conditions générales de sécurité qu’ils doivent à leurs concitoyens.