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22/11/2024
Alimentation : moins d’inflation, plus de bio ?
Pour des raisons principalement exogènes, les prix à la consommation alimentaire en France se sont envolés ces dernières années, +6,8 % en 2022 et +11,8 % en 2023, avec un atterrissage en cours en 2024 à +1,4 % sur les 10 premiers mois de l’année. La réaction des consommateurs a été à la hauteur de l’impact subi, avec une rare réduction sur la même période des achats en volume, ainsi qu’une réorientation vers les segments moins onéreux. Plus que jamais le prix représente le premier critère d’achat des produits alimentaires. Dans cette configuration les produits biologiques, souvent mais pas toujours plus chers, ont particulièrement souffert, entrainant tous les acteurs de l’amont à l’aval dans la difficulté. Néanmoins le travail sur l’offre qui est opéré dans la chaîne bio apporte quelques signes d’espoir, à soutenir dans la durée.
Les chiffres produits par l’Agence Bio montrent les soucis du secteur. Le marché bio français en 2023 est resté stable en chiffres d’affaires par rapport à 2022 à 12 milliards d’€ (hors restauration), avec pourtant une inflation sectorielle annuelle de 7,7 %. Le pic avait été atteint en 2020 à 12,8 milliards. En intégrant l’inflation le recul est significatif. En 2023 le panier bio est descendu à 5,6 % du panier alimentaire général des consommateurs qui lui-même a baissé de 4,7 % en valeur.
2023 et probablement 2024 sont des années charnières. Ainsi en 2023 le nombre d’exploitations en bio a continué de modestement progresser de 2 %, soit 61 700, mais pour la première fois les surfaces dédiées ont reculé, de -2 %, à 2,8 millions d’hectares soit 10,4 % de la surface agricole utile française. En productions animales le recul s’affiche aussi, par exemple -3 % de vaches laitières. 2024 avec ses nombreux aléas climatiques ne devrait pas apporter de bonnes nouvelles en amont.
Le nombre d’entreprises d’aval certifiées en bio baisse également. La déconsommation bio annuelle pourrait se poursuivre globalement, mais à plus faible rythme cependant, dans un paysage de l’offre qui change et avec des preuves de rebond qui apparaissent en cette fin d’année.
Le premier signal d’espoir provient de la Distribution spécialisée, qui représente 27-28 % des ventes bio, la Grande Distribution généraliste quant à elle étant leader avec une part de marché légèrement supérieure à 50 %. La Distribution spécialisée a en effet retrouvé des couleurs et affiche, notamment au travers de l’action de ses leaders[1] (Biocoop, Naturalia, La Vie Claire…) des taux de croissance en 2024 entre 5 et 9 %. Cela passe par la modération voire parfois la baisse des prix ou l’utilisation des promotions, le renouvellement des marques propres, l’option gagnante des MDD…tout en affichant toujours nettement la trajectoire de la transition agroécologique et alimentaire, ce qui ne contrevient pas à la mise en avant du goût et du plaisir de manger. Cette voie convient à un socle de consommateurs qui apprécie la pluralité de ces engagements. Il reste à poursuivre en 2025 sur cette progression.
La Grande Distribution généraliste connait une situation différente. Son chiffre d’affaires concernant les produits bio est toujours en baisse mais sur une tendance plus mesurée qu’en 2022, 2023 et début 2024, de l’ordre de – 5 % sur la période actuelle ; le recul devient moins pénalisant. La question essentielle est de savoir si la GMS va remettre en cause sa restriction en offre bio, ou non. Il ne faut pas oublier qu’un des facteurs essentiels du boom de la bio dans les années antérieures reposait sur son exposition renforcée au sein des linéaires des grandes surfaces (avec également son attrait en termes de marges). Le chiffre d’affaires de la GMS en bio a ainsi évolué de 3,5 milliards d’€ en 2016 à 6,6 milliards en 2021. La GMS possède une force de frappe inégalée en termes de visibilité des références. Aujourd’hui le pourcentage de baisse de chiffres d’affaires en bio y est moins important que celui de la contraction des références. Peut-être faut-il y voir un signe favorable.
Dans ce panorama des ventes en bio, il ne faudrait pas oublier les signaux positifs liés au développement continu des ventes directes et de celles des artisans-commerçants, là où bio et local s’associent encore plus naturellement.
Plus généralement, en ces temps d’adaptation des choix des consommateurs, les filières bio ont besoin de contribuer et de bénéficier d’un effort collectif sans relâche. Que ce soit dans le renforcement de la structuration et de la résilience des opérateurs, à tous les étages de la chaîne. Le Fonds Avenir Bio, géré au sein de l’Agence Bio, groupement d’intérêt public, dispose d’une dotation actuelle annuelle de 18 millions d’€ afin de soutenir des projets de développement d’entreprises, de produits et constitue un bon exemple de ces actions structurantes à long terme qui favoriseront un rebond pérenne. Citons également l’action de communication transversale et permanente sur les intérêts de la bio et la nécessité de se rapprocher des objectifs de consommation prévus dans la loi EGALIM en restauration collective (20 %).
Certes avec moins d’inflation mais aussi en apportant une amélioration de la structure d’offre et une visibilité renforcée sur ses propres vertus, la bio peut croire à un ciel plus dégagé.
[1] Voir l’article paru dans Les Echos du 19 novembre 2024, Produits bio : le leader Biocoop en route vers des revenus record en 2024 : https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/produits-bio-le-leader-biocoop-en-route-vers-des-revenus-record-en-2024-2132553