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26/04/2024
Arrêté “Shrinkflation”, peser et doser la mesure
Par un arrêté du 16 avril 2024 (JORF n°104 du 4 mai 2024) applicable au 1er juillet prochain, le ministère de l’Économie et des Finances, et celui en charge de la Consommation, ont décidé d’améliorer l’information des consommateurs à propos de l’augmentation réelle des prix des produits de grande consommation dont la quantité offerte (poids ou volume) a en fait diminué.
Il s’agit de faire œuvre de transparence et d’appeler à la vigilance les consommateurs vis-à-vis de pratiques, certes autorisées, mais qui peuvent détourner leur attention sur la réalité de l’inflation des prix, par des modifications d’unités de mesure via les emballages. Sont concernés les produits de grande consommation préemballés (alimentaires ou non), sous marque propre ou en marque distributeur. Les distributeurs de ces produits, dont la surface de vente dépasse les 400 mètres carrés, auront l’obligation d’informer leurs acheteurs via des étiquettes ou des affichettes de la réalité de la hausse des prix, durant deux mois.
Qu’en penser ?
Tout d’abord, by the way, la langue française est préservée. L’arrêté n’évoque évidemment pas la “shrinkflation” (de l’anglais to shrink, rétrécir), mais “le prix des produits dont la quantité a diminué”. Néanmoins, la pratique du ciblage par affichettes des produits en cause dans les rayons ressemble bien à un objectif de name and shame.
Certes il arrive déjà à l’État de pointer du doigt les mauvais comportements des entreprises, en les citant publiquement, par exemple sur les délais de paiement excessifs des fournisseurs. La mesure semble efficace, aucune entreprise n’appréciant d’être chapeautée d’un bonnet d’âne.
Mais dans notre cas, l’État ordonne à des entreprises (la grande distribution) de mettre au piquet d’autres entreprises (les industriels agroalimentaires), dans une chaîne alimentaire qui est déjà percluse de conflits contractuels et relationnels. Les pouvoirs publics avaient déjà soutenu les enseignes de grandes et moyennes surfaces dans leur constitution de paniers anti-inflation au cours de l’année 2023. De même la loi du 17 novembre 2023[1]portant mesures d’urgence pour lutter contre l’inflation concernant les produits de grande consommation avait avancé la date butoir des négociations commerciales en janvier 2024 dans le but notamment de faire baisser plus rapidement les prix. La grande distribution, par ailleurs très souvent vilipendée par les mêmes pouvoirs publics mais ici “mandatée” pour faire pression sur les prix, a appliqué l’esprit et le texte, certaines PME en ont un souvenir ému.
Première question : Au moment où l’État s’interroge sur l’opportunité d’une nouvelle loi EGALIM, ce serait alors la quatrième en six ans sans compter la loi du 17 novembre 2023 susvisée, et toujours dans l’objectif de mieux faire fonctionner la chaîne alimentaire en favorisant la coopération au détriment de la confrontation, est-il de son intérêt de descendre dans l’arène, en utilisant les opérateurs, les uns contre les autres, dans des situations qui s’avéreront un jour inéluctablement réversibles ?
Seconde question : Le consommateur qui est aveugle pour discerner les filouteries d’emballage, et doit donc être protégé par une transparence imposée, est-il le même que celui qui, devenu éclairé, est sollicité par l’émission de nombreuses nouvelles formes d’étiquetage dont il saura s’emparer pour promouvoir des produits par exemple plus vertueux ?
Une réponse : Toujours doser et consommer avec modération.
[1] Loi n° 2023-1041 du 17/11/23 JORF n°267 du 18 novembre 2023.