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Temps de lecture : 4 min

12/06/2023

Bio : du lièvre à la tortue

L’Agence Bio vient de dévoiler le 1er juin son panorama des chiffres du bio 2022 en France. Cette étude officielle est importante du fait de sa globalité, car elle s’intéresse tout autant à la trajectoire des productions agricoles qu’à la structuration des débouchés ou aux tendances de consommation. Sans surprise, dans la ligne initiée dès 2021, les résultats de 2022 s’avèrent négatifs entre une offre de la production qui continue de croître par effet d’inertie et une consommation en sensible recul. Cette déconnexion entre offre et demande constitue-t-elle une crise de croissance ou une inflexion majeure ? « Faut-il vendre la peau de l’ours » ?

En ce qui concerne l’offre agricole, la progression se poursuit mais à un rythme modéré. Les surfaces en bio (et en conversion) sont ainsi passées de 2,55 millions d’hectares en 2020, à 2,8 en 2021 et 2,88 en 2022 (La France est ainsi N° 1 en Europe), soit 10,7 % des surfaces totales. Pour rappel les surfaces en herbe et en cultures fourragères sont majoritaires, mais n’évoluent guère. La progression provient essentiellement des surfaces en grandes cultures (en oléo-protéagineux, les céréales stagnant quant à elles), et encore en vignes et fruits. Dans les filières animales, le cheptel bio a poursuivi son développement pour les vaches laitières, les brebis viande, les chèvres et les poules pondeuses. Les autres espèces stagnent ou décroissent (poulets de chair). Plus de 60.000 exploitations exercent en bio, soit 14,2 % du total en France.

En matière d’alimentation bio, les achats des ménages pour leur consommation à domicile chutent en 2022 de 4,6 %, soit une baisse des ventes annuelles de 600 millions d’€, de 12,659 milliards d’€ à 12,076 milliards. Il est à noter que c’est la distribution spécialisée qui souffre le plus (-8,6 %), contre -4,6 % pour la GMS généraliste qui est largement leader en parts de marché. Néanmoins les ventes directes à la ferme et sur les marchés progressent de 3,9 %. Cette glissade est d’autant plus grave qu’à 92 % le bio est consommé chez soi, la restauration hors domicile (commerciale et collective), certes en croissance, ne représente que 8 % de la consommation en valeur.

Ces différents constats chiffrés soulignent les handicaps de la bio. Elle est plus chère en général donc plus fragile en période d’inflation, et elle est dépendante de la GMS qui amplifie les cycles. Par ailleurs la multiplication des signes de qualité et le questionnement actuel sur le contenu des cahiers des charges stimulent les concurrences. « Ventre affamé n’a pas d’oreilles » !

A contrario la restauration hors foyer, si elle ne constitue pas un eldorado du fait notamment de la problématique des prix, représente un potentiel de débouché unique, à structurer en terme commercial ou à mieux flécher en termes de politique publique.

L’ambition de la France est toujours d’atteindre 18 % de surfaces agricoles en bio à horizon 2027. Mais quelle place donner à une politique agricole si elle n’est pas en connexion avec les marchés, les débouchés, les utilisateurs ou les consommateurs, tout ce qui constitue la chaîne alimentaire ? Comment éviter que les agriculteurs, investisseurs sur le temps long, ne soient amenés à se fourvoyer en ne gagnant pas leur vie ? Bref, quels sont les leviers ?

Le Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire vient d’apporter une réponse le 17 mai 2023, avec un plan avoisinant 200 millions d’€, que d’aucuns estimeront suffisant ou non. Une partie sous forme de soutiens directs et de communication, pour le temps immédiat, et une grande partie pour un temps plus long, construction des filières par le Fonds Avenir Bio et mise en applicatif des lois EGALIM avec 20 % de bio dans la restauration collective. Ces dernières mesures en faveur de la demande relèvent d’une politique à effet plus lent, mais mieux assuré.
« Rien ne sert de courir… »