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Temps de lecture : 3 min

11/02/2022

Critères de qualification d’un bail rural soumis au statut du fermage

La Cour de cassation rappelle que la prise en charge par l’exploitant de prestations excédant ses obligations et des services personnels peuvent être constitutifs d’une contrepartie onéreuse nécessaire à la qualification d’un bail rural soumis au statut du fermage (Cour de cassation, n° 20-20.896, 12 janvier 2022).

Rappel des principes

La reconnaissance d’un bail rural verbal suppose que les conditions visées à l’article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime soient réunies. Il appartient au preneur, qui le revendique, de prouver notamment que « le propriétaire d’un bien foncier agricole a accepté de le mettre à sa disposition à titre onéreux aux fins d’exploitation » (Cass. 3ème civ., 9 mai 2019, n°17-31.020 ; 10 septembre 2020, n° 19-11.770). La preuve de ces éléments peut être apportée par tous moyens. Les juges du fond disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour caractériser l’existence d’un bail rural. Ils peuvent sur ces deux points principaux – mise à disposition d’une parcelle aux fins d’exploitation et existence d’une contrepartie onéreuse – exploiter des éléments dont ils disposent (relevé MSA, attestations, déclaration PAC,…). Il appartient à la Cour de cassation de s’assurer que les juges d’appel ont bien recherché ces éléments quel que soit le résultat obtenu (Cass. 3ème civ., 10 décembre 2013 pourvoi n°12-23.778).

 

Le contentieux lié à la présence d’une contrepartie onéreuse, sur sa nature ou encore sur sa régularité demeure fréquent. La nature de la contrepartie importe peu (V. obs. J.-J. Barbiéri, « Analyse de la jurisprudence récente en matière de prêt à usage », RD rur. 2007, comm. 60, p. 23). Ont pu être qualifié de contrepartie onéreuse l’entretien par le preneur du jardin du bailleur (Cass. 3e civ., 22 juill. 1992, n° 90-19.086 : JurisData n° 1992-002945 ; RD rur. 1993, p. 42.  Cass. 3e civ., 9 janv. 1980 : JurisData n° 1980-799261 ; Rev. loyers 1980, p. 479) ou encore le fait de mettre à la charge du preneur une charge incombant normalement au propriétaire bailleur (Cass. 3e civ., 30 mai 1996 : RD rur. 1996, p. 394 ; Defrénois 1997, p. 540, obs. F. Roussel).

 

Faits et procédure

Une agricultrice se consacre à l’élevage et au tourisme équestre sur un grand nombre de parcelles sans avoir conclu de bail écrit avec le propriétaire. Au décès de ce dernier, son fils hérite des terres. Il met en demeure l’exploitante de libérer les lieux au motif qu’elle était occupante sans droit ni titre. L’exploitante revendique judiciairement l’existence d’un bail rural verbal que lui aurait consenti le père avant son décès. La Cour d’appel considère, au vu des éléments fournis, que les éléments essentiels du bail rural sont caractérisés. Le fait pour l’exploitante de prendre en charge l’entretien et le curage d’un cours d’eau qui lui est mis à disposition est, aux yeux des magistrats, une contrepartie onéreuse dans la mesure où cette charge excède les obligations normales du preneur. Il en est de même des services personnels rendus par l’exploitante au propriétaire. Dans son pourvoi, le plaignant reproche également à la Cour d’appel d’avoir privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 411-1 en ne recherchant pas si la plupart des attestations produites par la prétendue agricultrice ne mentionnaient pas uniquement deux parcelles.

 

Décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation confirme la solution de la Cour d’appel et valide l’existence d’un bail rural statutaire. Elle estime que la Cour d’appel a procédé aux recherches prétendument omises et qu’elle n’était pas tenue d’entrer dans le détail de l’argumentation des parties, ni de s’expliquer sur les pièces qu’elle décidait d’écarter. La preuve du fermage résultait du fait que l’exploitation des terres s’effectuait en contrepartie de l’entretien et du curage régulier d’un cours d’eau – prestations excédant les obligations du preneur – et dans les divers services personnels et fournitures rendus au père du propriétaire actuel. In fine, la Cour de cassation prend soin de préciser qu’il ressortait du plan cadastral que les parcelles formaient un tout, et que les juges d’appel ont souverainement déduit que c’est bel et bien l’ensemble du tènement agricole en cause qui avait été mis à la disposition de l’exploitante.