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Temps de lecture : 2 min

18/11/2022

France / Pays-Bas : vers une agriculture plus durable et compétitive en combinant leviers économiques et technologiques

Au Salon International des solutions et technologies pour une agriculture performante et durable (SIMA) et dans le cadre des « SIMA Talks », Agridées a organisé et animé une table ronde sur le thème « Regards croisés France / Pays-Bas : une transition agroécologique à marche forcée ? » avec Jan Kees Goet, Secrétaire général du ministère de l’agriculture, de la nature et de la qualité de l’alimentation, et Jean-Baptiste Millard, Délégué général d’Agridées.

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Les échanges ont démarré par un constat partagé : dans les deux pays, les autorités publiques sont parfois rattrapées par la justice pour avoir manqué à leurs engagements internationaux ou communautaires. L’Etat a notamment été condamné pour inaction climatique, aux Pays-Bas en 2019 et en France en 2021.

Autre exemple, le jugement de 2019 du Conseil d’Etat des Pays-Bas au regard des manquements néerlandais en matière de réduction des rejets d’azote dans l’environnement vis-à-vis de leurs obligations européennes (directives habitats d’une part, et directive oiseaux et biodiversité d’autre part), a établi que, tant que ce problème n’était pas réglé, les constructions (agricoles ou non) qui engendrent de nouvelles émissions ne peuvent reprendre. Le gouvernement des Pays-Bas a donc pris des mesures contraignantes pour réduire les rejets azotés de 50 % d’ici à 2030 selon un plan régionalisé, les plus fortes contraintes ciblant les zones voisines des réserves Natura 2000. Ces mesures ont été très impopulaires chez les éleveurs, qui ont organisé de nombreuses manifestations, aboutissant à la démission du précédent ministre de l’agriculture.

En France, le juge a pu intervenir récemment dans l’application de la directive nitrates en Bretagne, le respect des de la Charte de l’environnement intégrée dans le bloc de constitutionnalité du droit français en 2005 s’agissant des zones de non traitement ou au regard des engagements climatiques du Gouvernement. Sur ce dernier point, et faisant écho à l’affaire Urgenda, nom de l’Association qui a intenté un procès contre le Gouvernement des Pays-Bas pour ne pas avoir pris des mesures suffisantes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et obtenu gain de cause en 2019, il peut être cité en France l’Affaire du Siècle. Plusieurs associations de défense de l’environnement ont introduit en mars 2019 des recours devant le Tribunal administratif de Paris afin de faire reconnaître la carence de l’Etat français dans la lutte contre le changement climatique. Par un jugement du 3 février 2021, le Tribunal administratif a considéré que l’Etat devait réparer le préjudice écologique causé par le non-respect des objectifs fixés par la France en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Dans les deux pays, les politiques, les parties prenantes du monde agricole et le grand public sont préoccupés par ces questions, où leurs responsabilités sont engagées. Il s’agit en quelque sorte de délivrer un « permis de produire » selon des conditions de respect de l’environnement et de la santé des personnes.

Dans un second temps, nous avons exploré les différents leviers pour se conformer aux exigences environnementales tout en préservant la compétitivité économique du secteur agricole. Il a d’abord été question du repositionnement de l’offre.

Aux Pays-Bas, la décapitalisation du cheptel (laitier en particulier) devrait conduire à une baisse de production laitière en volumes, en cherchant à gagner en qualité et donc en valeur. Si les quantités disponibles de denrées exportables sont amenées à baisser, leur valeur, reposant sur la durabilité de nouvelles pratiques de production, devraient augmenter. Enfin, les Pays-Bas comptent renforcer leurs exportations de connaissances, et d’outils innovants.

En France, le discours habituel sur la montée en gamme, s’appuyant sur les labels de qualité et les appellations, est questionné par le contexte inflationniste actuel, qui effrite le pouvoir d’achat des consommateurs[1]. La rémunération des agriculteurs pour leurs pratiques d’une agriculture plus durable ne peut passer uniquement par l’augmentation des prix. Elle passe également par les Paiements pour services environnementaux (PSE) et les aides publiques.

Le levier technologique est également puissant pour une agriculture à la fois plus durable et plus compétitive, et le SIMA 2022 en était une parfaite vitrine, mettant en avant les outils de l’agriculture de précision, la robotique, le numérique, les énergies renouvelables… Les politiques publiques actuelles financent l’innovation tant en France, dans le cadre de France 2030 notamment, qu’aux Pays-Bas avec le Fonds de croissance. Dans ce pays, l’industrie, les agriculteurs, les Universités et le monde de la Recherche ont l’habitude de travailler ensemble pour une agriculture très innovante et productive.

Enfin, les discussions bilatérales se sont conclues par des possibilités de coopération entre les acteurs des deux pays : accueil en France d’éleveurs laitiers néerlandais qui se retrouvent dans l’impossibilité d’exercer leur métier aux Pays-Bas ; partenariats industriels ; échange de savoir-faire et de technologies, en particulier en matière de gestion de la ressource en eau.

[1] Voir sur ce sujet le point de vue d’Olivier Mevel (21 octobre 2022) : Montée en gamme, une descente aux enfers ?