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Temps de lecture : 3 min

19/10/2022

Recensement agricole 2020 : des réponses, et des questions

Le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire organisait le 18 octobre, devant un public nombreux, un colloque sur le dernier recensement agricole de 2020, afin d’analyser et de débattre plus en détail les tendances et enjeux de l’agriculture française.

En introduction, le Ministre, Marc Fesneau, a notamment évoqué la problématique actuelle des prix agricoles et alimentaires en période d’inflation avec la nécessité d’appliquer totalement les lois Egalim I et II afin de sortir enfin d’une période où « trop longtemps le bon prix a été le bas prix », condition d’une trajectoire vers la souveraineté alimentaire. Dans cet objectif, il a également rappelé l’ambition du Gouvernement de déposer un projet de loi d’orientation et d’avenir agricole à la mi-2023, concernant les thèmes de l’installation, de la transmission, de la formation et globalement de la transition.

Marc Fesneau, Ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire lors du Colloque sur le recensement agricole - 18/10/2022)
Marc Fesneau, Ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire

Les principaux chiffres issus du recensement de 2020 par rapport au précédent de 2010 sont désormais bien connus. Actuellement la métropole compte 389 800 exploitations agricoles (-100 000 en 10 ans, soit -20 %), et 26 700 exploitations dans les départements d’Outre-mer. Les exploitations en polyculture-élevage et en élevage de petits ruminants sont celles qui se réduisent le plus en nombre. En termes de taille, les micro et petites exploitations sont les plus touchées. La surface moyenne exploitée atteint 69 hectares en métropole  (+ 14 Ha sur la période), et 5 ha dans les DOM. L’emploi agricole mobilisé (en Équivalents Temps de Travail) baisse de 11 % à 659 000 ETP, la réduction du nombre de chefs d’exploitation et de la main d’œuvre familiale étant pour partie compensée par une croissance du nombre des salariés permanents. En conclusion rapide, sur une SAU quasi stable, la « Ferme France » se concentre, s’agrandit et, d’une certaine façon, se professionnalise. Derrière ces chiffres généraux, d’autres méritent d’être détaillés et suscitent des questions. Exemples :

  • La pyramide des âges des exploitants agricoles montre une population vieillissante. La moyenne d’âge des exploitants s’affiche à 51,4 ans (50,2 en 2010), c’est 11 ans de plus que la moyenne des actifs en France. Les entreprises agricoles spécialisées en cultures fruitières (55 ans) et celles en grandes cultures (54 ans) sont les plus exposées. Sur un plan général, la part des 60 ans et plus atteint le seuil de 25 % des exploitants (principalement des micro et petites fermes). Or les « seniors » (+ de 55 ans) hésitent quant à l’avenir, seulement un quart prévoyant une transmission dans les 3 ans. De fait la retraite ne représente que 55 % des cessations d’activité. Dans les autres motifs à 45 % on retrouve par exemple le passage à statut de salarié, ou d’autres changements professionnels (Source MSA-Marc Parmentier). C’est ce que François Purseigle appelle un élément de la « banalisation » de l’entreprise agricole, avec une fragmentation des statuts. L’agriculture « n’étant plus une assignation à résidence », les différentes conditions de sortie de l’activité méritent d’être analysées de près.
  • L’entrée dans le métier, pour les exploitants agricoles, mérite évidemment de s’y pencher aussi dans le détail. Actuellement le taux de renouvellement est de 72 %. Le profil des installés 2010-2020 est différent de celui de la décennie antérieure. Les entrants intègrent plus de femmes (32 %), sont plus « jeunes » à l’installation (41,7 ans), possèdent un niveau de diplôme plus élevé (études supérieures à 44 %). Pour être bref, les entrants sont plus qu’auparavant des jeunes, femmes, diplômés, vont reprendre de petites exploitations, avec plus de bio et d’activités en circuit court. Si le pourcentage de femmes cheffes d’exploitation reste identique à hauteur de 25/26 %, leur profil n’est plus le même, il s’agit par exemple moins de porter des parts que de se lancer dans un entrepreneuriat ciblé. Les mêmes chiffres ne livrent pas la même vérité. Par ailleurs l’entrée des personnes « Non Issues du Milieu Agricole » mériterait d’être mieux documentée.
  • La gestion des exploitations sous forme sociétaire, 120 000 hors GAEC selon Laurent Piet – INRAE, se développe (+ 9,2 % au total en 10 ans, y compris GAEC) mais avec un capital qui demeure très largement détenu par les associés exploitants (80 %) et des non-exploitants familiaux. 68 % du volume de travail agricole est mobilisé dans ces exploitations (56 % il y a 10 ans), soit 448 000 ETP contre 211 000 ETP pour les exploitations en forme individuelle (-35 %). La hausse du salariat accompagne le développement sociétaire. Par contre les chiffres manquent sur les formations et compétences des salariés, alors que nous sommes bien renseignés pour les exploitants. Un vide qu’il faudra combler alors que la part des salariés permanents non familiaux s’accroît, et qu’il en va de même pour le recours à des prestataires extérieurs de travaux[1].

 

Ce colloque réussi du Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, avec l’appui des publications statistiques « Agreste » du ministère[2], a permis de diffuser un grand nombre de données sur la situation de la « Ferme France », de les débattre… et d’en souhaiter d’autres complémentaires… afin de mieux éclairer les évolutions peu visibles et d’anticiper les trajectoires d’une agriculture française devenue très plurielle. C’est une des questions d’avenir à se poser en termes d’efficacité économique : souveraineté/pluralité/compétitivité, il y a un équilibre à trouver.

 

 


[1] Une future Note d’Agridées « Dynamique agricole : quelles compétences ? » sera débattue à l’occasion d’un Évènement Agridées le 23 novembre 2022

[2] www.agreste.agriculture.gouv.fr