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Temps de lecture : 2 min

20/07/2022

Retour aux fondamentaux

L’inflation récente des prix des produits alimentaires a fait ressurgir les accusations mettant en cause le rôle de la spéculation sur les marchés des matières premières, et en particulier sur le marché des céréales. En effet, les cours du blé ont connu de fortes hausses depuis 2021. Les conséquences de la crise de la COVID-19, puis l’invasion des troupes russes en Ukraine ont conduit à de fortes volatilités et à des niveaux de prix inégalés jusque-là.

Au cours du printemps 2022, certains partis politiques, des ONG et même le responsable d’une grande enseigne éponyme ont repris l’argument de la spéculation comme facteur principal de l’inflation des prix des denrées alimentaires pour les uns, comme facteur aggravant d’une situation de tensions pour les autres. La référence à la crise de 2007 et aux désordres qu’ont connus les marchés financiers renforce ces déclarations par lesquelles sont formulées des demandes d’intervention des pouvoirs publics et de réforme des réglementations.

Dans cette recherche de boucs émissaires, les accusateurs oublient que depuis l’épisode qui a suivi la crise des subprimes, les États-Unis ont adopté une profonde réforme des marchés financiers avec le Dodd-Franck Act de 2010, de même que l’Union Européenne a modifié en 2014 les directives qui régissent les marchés à terme, MIFiD2 et MAR. Il s’agit en particulier pour les matières premières de l’instauration de la transparence des participants aux marchés, des limitations de positions et des dispositions de lutte contre les abus de marché.

Tout récemment, l’Autorité des Marchés Financiers a publié une étude d’analyse des données de position disponibles grâce à la réforme de 2014 sur les dérivés de matières premières. Ainsi entre 2018 et 2021, les opérateurs commerciaux sur les marchés côtés d’Euronext ont représenté en moyenne journalière 57% des positions, les acteurs financiers 43%. Il convient de rappeler que les opérateurs commerciaux doivent justifier du caractère d’arbitrage de leurs positions sur les opérations du marché physique. S’agissant des impacts du conflit russo-ukrainien, l’étude souligne que les prix avaient déjà connu des niveaux historiquement élevés au cours des 12 mois précédant le début du conflit, qui a ensuite relancé une nouvelle forte hausse. Du fait de la volatilité, les chambres de compensation ont augmenté les niveaux d’appel de marge, de sorte que les besoins de liquidités supplémentaires ont plutôt dissuadé les participations aux marchés. Pour mémoire, les « antis-spéculation » préconisent d’appliquer comme aux États-Unis des règles de suspension de cours à la hausse comme à la baisse (limit up, limit down) sans comprendre que ces dispositions n’empêchent pas l’évolution des cours, mais permettent simplement de donner le temps des ajustements financiers d’appel de marge.

Après l’attaque russe du 24 février, les cours du blé qui étaient déjà élevés, 280€/T pour l’échéance de septembre 2022 le 23 février 2022, ont culminé le 17 mai au-delà de 440€/T pour revenir actuellement aux environs de 340€/t. Les marchés mondiaux ont été plongés dans l’incertitude face à l’impossibilité de sortie des blés ukrainiens, des restrictions d’exportations en vigueur en Russie sous régime de quotas, ou d’arrêt des exportations de l’Inde. Mais ces événements de conjoncture ne sauraient masquer les facteurs fondamentaux qui déterminent la physionomie des campagnes de commercialisation.

Selon les données de l’USDA[1], les stocks mondiaux de fin de campagne, hors la Chine, qui sont restés stables entre juin 2020 et juin 2021, ont diminué de 9,3 millions de tonnes en juin 2022, et les prévisions font état d’une nouvelle baisse de l’ordre de 13 millions de tonnes. Considérant cette dégradation de la situation des approvisionnements qui en 2 ans ont réduit les stocks de report de plus de 10% du volume des échanges mondiaux, il n’est pas étonnant que les prix restent durablement élevés. Depuis la Loi de King, toutes les analyses de marché confirment les relations mathématiques qui expliquent les prix par la prise en compte des fondamentaux du marché.

La rareté reste la cause de tout renchérissement, et s’il doit être question de spéculation, c’est bien dans le sens premier de l’anticipation par tous les acteurs économiques de l’état futur de l’offre et de la demande.

 


[1] https://www.usda.gov/oce/commodity/wasde/wasde0722.pdf