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Temps de lecture : 3 min

05/09/2024

Volailles : la Cour des comptes prend la plume

Quand la Cour des comptes remet ses observations sur une filière agricole, il faut parfois être vigoureux pour ne pas courber l’échine et répondre au choc. Chacun se souvient de son rapport de mai 2023 concernant « les soutiens publics aux éleveurs bovins » qui confrontait l’importance des soutiens publics annuels aux producteurs (4,3 milliards d’euros annuels) aux objectifs visés et non atteints selon elle de politique publique (résilience des modèles économiques, adaptation à l’évolution de la consommation, lutte contre le réchauffement climatique). Avec une proposition affirmée haut et fort de réduction du cheptel.

La filière avicole pouvait trembler à la sortie d’un nouvel opus de la Cour concernant « les soutiens publics à la filière volaille de chair » le 3 septembre 2024. Une nouvelle proposition choc ? Il n’en est rien, les sages de la rue Cambon ont plutôt émis une analyse économique soulignant la dégradation spectaculaire en 10 ans des termes de l’échange international, avec certes une compétitivité française en berne mais également une forme d’absence de stratégie collective. Si les pouvoirs publics sont concernés au premier chef, la filière n’est pas exempte du questionnement. Qui pilote et vers où ?

Par rapport à l’angle d’attaque habituel de la Cour – à savoir la bonne utilisation des fonds publics conformément à une stratégie établie – la filière volaille de chair détone. Dans l’architecture de la PAC, c’est une des filières les moins soutenues directement, de façon « marginale ». En conclure que la Cour souhaiterait une évolution des soutiens serait aller vite en besogne et oublier que la concurrence féroce, qui fait que 50 % des poulets consommés en France sont importés, est majoritairement d’origine intracommunautaire.

A grands traits, l’analyse étayée de la Cour est connue et partagée[1]. La progression de la consommation de poulet constitue dans la catégorie des viandes une success story impressionnante : plus de 23 kg/an par habitant en France soit + 50 % en 10 ans, mais essentiellement du fait de la restauration hors domicile, avec des morceaux découpés ou élaborés, plutôt de gamme standard, où le prix constitue un critère décisif. Dans la situation actuelle d’une compétitivité dégradée (taille insuffisante des opérateurs au long de la chaîne, corpus normatif lourd, faiblesse des investissements…), plus la France consomme, plus elle importe. La filière française peut-elle rebondir alors que par ailleurs d’autres enjeux apparaissent essentiels (maîtrise des crises sanitaires, bien-être animal, protection aux frontières de l’UE, durabilité et climat…) ?

A ce stade la Cour des comptes émet deux recommandations. L’une pour construire avec les professionnels un outil statistique permettant de mieux connaître les performances économiques et environnementales des différents acteurs de la filière. L’autre pour porter au niveau européen l’obligation d’étiquetage d’origine à la fois pour les produits transformés, et dans le réseau de la restauration hors domicile. Dans les deux cas il s’agit d’éclairer la situation, d’informer acteurs, décideurs et consommateurs. C’est une base.

Au-delà, la vraie proposition de la Cour consiste à demander l’établissement d’un plan cohérent de filière, par concertation entre les pouvoirs publics, qu’ils soient nationaux ou territoriaux, et les professionnels.

En revanche, ce que ne dit pas la Cour c’est qu’aujourd’hui la « premiumisation » et la diversité restent finalement une marque de fabrique nationale. Pour l’avenir, en forçant le trait à l’excès, soit le poulet standard, dans ses différentes déclinaisons et variantes, est assumé et constitue le levier d’un plan de relance, investissements et cadre réglementaire à l’appui. Soit ce n’est pas le cas et il s’agirait alors d’un plan d’accompagnement, plutôt à valeur territoriale, en acceptant de ne pas répondre à tous les segments de marché. En tout cas, dans un cas comme dans l’autre, il faut un plan clair et cohérent pour la filière volaille de chair.

 


[1] « Souveraineté alimentaire ? Le cas poulet », Note Agridées, Décembre 2023.