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Points de vue

Temps de lecture : 3 min

22/07/2022

La comptabilité, un levier de la transition durable de l’agriculture

Historiquement, le monde agricole a joué un rôle important dans l’évolution de la comptabilité. Dans l’essentiel des exploitations par exemple était pratiqué le mécanisme de l’amortissement pour assurer la conservation du matériel agricole. Nous devons aux agriculteurs l’un des premiers amortissements comptables, un cheval !

La comptabilité va avoir un rôle crucial dans la transition écologique des organisations et les agriculteurs vont encore une fois nous faire progresser, nous aider à trouver le bon équilibre entre la réalisation du modèle économique et le respect des écosystèmes naturels et humains.

La comptabilité a trop longtemps été absente des débats sur la transition écologique, un manque qu’il nous faudra combler rapidement. On demande aux entreprises de produire des reporting RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises), aux agences de notation ESG (Environnement, Social et Gouvernance) de noter les entreprises, alors même que cette information qui devrait être produite par la comptabilité n’est pas disponible. Le préalable qui consiste à collecter, consolider, fiabiliser les données RSE n’est pas mis en œuvre dans la plupart des entreprises. La comptabilité générale doit donc élargir son périmètre pour intégrer le pilotage des enjeux de durabilité.

Les PME dont font partie la plupart des exploitations agricoles peuvent avoir des difficultés à produire de telles données. La mise en place d’un système d’informations complet en RSE est coûteuse. C’est sûrement pour cette raison que beaucoup de nos PME se dirigent vers des outils simples et sans doute pratiques en comptabilité socio-environnementale. Attention cependant à ne pas confondre simplicité et simplisme. Le sujet dont il est question, à savoir appréhender les enjeux RSE, les intégrer en comptabilité pour orienter l’entreprise ou l’exploitant vers de meilleures décisions est très complexe. La nécessité de trouver des outils simples et pragmatiques ne doit pas occulter cette complexité. Prendre des décisions aussi importantes sur la base d’outils « simplistes » est peut-être confortable dans l’immédiat, mais le risque de prendre de mauvaises décisions et de nous retrouver dans une impasse est néanmoins très grand. La bonne nouvelle, c’est qu’à l’ère du big data, nous disposons de plus en plus d’outils de nouvelle génération (outils d’analyse, intelligence artificielle etc.) qui permettront de s’attaquer à cette complexité et faciliter ainsi l’appropriation de ces nouvelles démarches par les Très Petites Entreprises (TPE) et moyennes entreprises (PME).

Le débat se cristallise cependant actuellement sur les comptabilités environnementales et sociales monétaires ou plus exactement la monétarisation des données RSE et leur intégration dans la comptabilité financière. Beaucoup souhaitent intégrer leurs « externalités positives », bien souvent en priorité, considérant que leurs engagements en RSE apportent beaucoup de bienfaits à la nature tout en niant la dette écologique générée par ces mêmes activités. Mon statut d’expert-comptable m’oblige à nous encourager à plus de lucidité sur cette question de la monétarisation. Il est temps de dépassionner ce débat, de rassurer les entreprises et les exploitations agricoles sur une chose très importante. Avoir de la dette n’est pas anormal pour une organisation. Cela veut tout simplement dire que le modèle économique qui tourne a besoin de ressources, financières mais aussi naturelles et humaines. Dire cela n’est pas une aberration ! Tout le défi consiste à analyser comment utiliser ces ressources de manière responsable, comment produire sans les dégrader entièrement et comment les réparer le cas échéant. En clair, comment réaliser du profit en préservant l’essentiel, le bien commun.

Il faut rassurer les entreprises en expliquant qu’il est impossible d’exister en tant qu’entreprise sans générer de la dette : dette vis-à-vis des actionnaires, des salariés, de la nature, etc.  L’essentiel encore une fois est que nous changions la manière dont nous utilisons ces ressources et d’en prendre soin pour notre propre survie.

Viendra ensuite la question du financement et celle de la viabilisation des modèles économiques. Nous avons des outils disponibles, notamment au niveau européen. Le plan de relance européen c’est en effet plus de 1 800 milliards d’euros dont le tiers est orienté vers la transition écologique. La Politique Agricole Commune (PAC) peut également être orientée vers cet objectif pour donner les moyens à nos agriculteurs d’opérer leur transition et d’une certaine façon de réduire leur dette écologique. La comptabilité pourra permettre de structurer les besoins de financements de chacune des entreprises en transition.

Il est donc temps de traduire cette nouvelle attente de la société et utiliser les bons leviers pour avancer !