Points de vue
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08/09/2025
Loi Duplomb : sortir de la logique perdant-perdant

Dans un article consacré aux « leçons de la controverse sur la loi Duplomb » publié dans Telos, le sociologue Olivier Galland parle de « rupture de l’opinion avec le monde agricole » en faisant référence au succès de la pétition contre la loi, signée par plus de deux millions de personnes, et au résultat d’une enquête réalisée au mois de juillet par l’institut Cluster 17 où 61 % des Français sondés se disaient défavorables à la loi.
Y a-t-il une rupture entre l’opinion et le monde agricole ? Cette affirmation peut paraître surprenante alors même que Le Figaro publiait un article le 21 février dernier dont le titre était « Sondage : un an après la crise, les Français soutiennent massivement leurs agriculteurs ». Le sondage en question Odoxa-Backbone Consulting révélait que 9 Français sondés sur 10 avaient une bonne opinion des agriculteurs. En novembre 2024, Ouest-France publiait également les résultats d’un sondage qui révélait que 88 % des Français interrogés trouvaient justifiée la mobilisation des agriculteurs pour exprimer leur colère. Sans parler des enquêtes menées lors des mobilisations du début de l’année 2024 montrant un soutien massif de l’opinion ou des résultats du Baromètre d’image des agriculteurs réalisé chaque année par l’Ifop depuis 1999 révélant en moyenne que trois quarts des personnes sondées font confiance aux agriculteurs. On ne peut donc pas en tirer la conclusion selon laquelle il y aurait une rupture structurelle entre Français et agriculteurs.
En revanche, la loi Duplomb a été à coup sûr un accident conjoncturel. Celui-ci s’explique sans doute par la conjonction de trois éléments qui correspondent à trois préoccupations d’une large partie de la population. (1) Dans un contexte où les Français ont le sentiment que la démocratie ne fonctionne pas bien, la procédure d’adoption de la loi n’a pas été très exemplaire : multiplication des amendements par l’opposition dans une logique d’obstruction, adoption à l’Assemblée nationale d’une motion de rejet préalable présentée par les partisans de la proposition de loi, Commission mixte paritaire, pressions, y compris physiques, exercées sur les parlementaires. (2) L’adoption de ce texte s’inscrit également dans un contexte où nombre de Français ont le sentiment d’assister à un grand recul sur les enjeux écologiques. (3) La troisième source de préoccupation est liée aux craintes de l’impact des pesticides sur la santé.
Tout ceci ne signifie pas que la rupture entre les Français et les agriculteurs soit consommée. Le monde agricole ne doit donc pas en tirer la conclusion que l’opinion est devenue une entité hostile manipulée par les associations et les politiques de gauche. Il faut, au contraire, qu’il travaille davantage sur la question de l’acceptabilité sociale d’un certain nombre de pratiques et d’activités en tenant compte des sujets de préoccupations des Français afin de ne pas leur donner l’impression que « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » se traduit forcément par moins de démocratie, moins d’écologie et moins de sécurité sanitaire. Car, il faut bien le reconnaître, tout le monde est sorti perdant de ce qui s’est passé cet été.